« Chers dirigeants du monde, la décision que vous prenez aujourd’hui va déterminer notre avenir de demain … La COP27 est notre dernier espoir ». Tel est le message fort lancé par l’Indienne Licypriya Kangujam, la plus jeune militante pour le climat au monde, qui représente son pays à la COP27. Le compte à rebours est lancé. La COP27, qui s’est ouverte le 6 novembre avec la participation de 200 pays, doit prendre fin ce vendredi 18 novembre. Alors que les négociations climatiques à la COP27 entrent dans leurs derniers jours, l’inquiétude grandit quant à la possibilité de régler une multitude de questions pour parvenir à un accord qui réponde aux aspirations. Les émissions de gaz à effet de serre doivent baisser de 45 % d’ici 2030 pour avoir une chance de limiter le réchauffement de la planète à 1,5°C par rapport à l’ère préindustrielle. Dépasser le seuil de ce degré pourrait déclencher des conséquences dramatiques et imprévisibles. Quelles perspectives pour ces ultimes négociations ? Les pays riches tiendront-ils leurs promesses d’aide financière aux pays pauvres ? « Nous avons terminé sur certaines questions, mais il reste encore beaucoup de travail (…). Il faut maintenant changer de vitesse », a souligné le chef de la diplomatie, Sameh Choukri, président de la COP27. Et d’ajouter : « Le monde nous regarde. Notre objectif commun est d’adopter, vendredi, des décisions consensuelles qui constitueront des résultats complets, ambitieux et équilibrés ». De son côté, Simon Stiell, patron de l’agence Onu-Climat, a insisté sur le fait que « les peuples et la planète attendent de ce processus qu’il tienne ses promesses. Il faut construire les ponts nécessaires pour progresser sur la limitation du réchauffement à 1,5°C, l’adaptation, le financement et les pertes et dommages ».
Nouveaux concepts et mêmes préoccupations
Selon Ahmed Sayed Ahmed, expert en affaires internationales au Centre des Etudes Politiques et Stratégiques (CEPS) d’Al- Ahram, « malgré les progrès importants réalisés au cours de la première semaine, des questions sensibles restent encore sur la table ». Mettre en place un mécanisme financier spécifique pour faire face aux « pertes et dommages » liés au climat se trouve au centre des discussions. En fait, c’est pour la première fois que le concept de pertes et dommages est inclus dans l’agenda officiel de la COP. Une avancée. Mais « il reste beaucoup à faire pour s’assurer que l’engagement financier sera nouveau, supplémentaire et accessible », comme l’a déclaré la négociatrice rwandaise Ineza Umuhoza Grace. Autre sujet crucial : augmenter le financement de l’adaptation au changement climatique. Selon des estimations, le coût de l’adaptation au changement climatique dans les pays en développement pourrait atteindre entre 140 et 300 milliards de dollars par an en 2030. Un chiffre 4 à 5 fois plus élevé que les estimations précédentes. Dans ce sens, le président sénégalais, Macky Sall, président en exercice de l’Union africaine, a déclaré : « Le moment est venu de mettre sur la table la responsabilité de chacun et qu’elle en ait une conscience collective mondiale. Soit nous sauvons la planète, soit elle disparaît avec nous ».
Les discussions abordent également la question de la place des énergies fossiles en Afrique. Les pays africains ont réclamé qu’ils soient autorisés à développer leurs ressources en combustibles fossiles pour aider leurs populations à sortir de la pauvreté. Selon Amani Abou-Zeid, commissaire de l’UA chargée des infrastructures et de l’énergie, « la COP27 offre une occasion aux pays africains pour plaider en faveur d’une position commune reconnaissant que les énergies fossiles leur sont nécessaires à court terme. Il n’y a pas de solution unique pour tous ».
« Quelles que soient les difficultés, le 1,5°C doit rester au coeur des négociations », a insisté Yasmine Fouad, ministre égyptienne de l’Environnement, avant d’affirmer que « l’Egypte déploie des efforts afin de combler les écarts entre les parties aux négociations pour qu’elles mettent en oeuvre les promesses climatiques faites lors des conférences précédentes ».
Bilan de la première semaine : Accords et initiatives vertes
Au cours de la première semaine, une série d’accords et des initiatives internationales ont été lancées pour renforcer l’action climatique mondiale. Le président américain, Joe Biden, a annoncé, lors de son discours à la tribune de la COP27, un ensemble de mesures d’un montant de 150 millions de dollars pour aider l’Afrique à s’adapter au changement climatique. En marge des travaux de la COP27, la deuxième édition du Sommet de l’initiative « Proche-Orient vert », présidée par l’Arabie saoudite, a été lancée, alors que la Nouvelle-Zélande s’est engagée à verser 20 millions de dollars, pour rejoindre les pays qui ont promis de financer la question des pertes et dommages : l’Ecosse, la Norvège, l’Allemagne, l’Autriche et la Belgique. Sur un autre volet, la présidence égyptienne de la COP27 a lancé de nombreuses initiatives avec la coopération des institutions internationales. Parmi elles, « le guide de Charm Al-Cheikh du financement équitable » élaboré par le ministère égyptien de la Coopération internationale en collaboration avec plus de 70 partenaires, des banques de développement et le secteur public. Selon Akinwumi Adesina, président du Groupe de la Banque africaine de développement, « le guide de Charm Al-Cheikh » introduit le principe selon lequel le financement climatique ne doit pas se substituer au financement du développement, mais plutôt s’y additionner en garantissant aux pays et régions « qui en ont le plus besoin le droit d’y accéder ». AWARE, « Action pour l’adaptation et la résilience de l’eau », est une autre initiative qui prône une meilleure intégration du couple eau-climat. L’initiative FAST (l’Alimentation et l’agriculture pour une transformation durable) a été également lancée afin d’améliorer la quantité et la qualité des contributions au financement climatique. Et, lors de la journée de la décarbonation, le 11 novembre, les chefs de délégations gouvernementales ont adopté deux initiatives importantes : un plan directeur pour accélérer la décarbonation de cinq secteurs majeurs — l’électricité, le transport routier, l’acier, l’hydrogène et l’agriculture — et une nouvelle initiative pour étendre la participation de l’Afrique aux marchés volontaires du carbone. « L’Egypte a réussi à conclure une série de partenariats économiques dans les domaines de l’hydrogène vert et des énergies renouvelables, d’un montant qui s’approche de 15 milliards de dollars », explique Sayed Ahmed.
En marge de la COP27, Le Caire et Abu- Dhabi ont signé un accord portant sur le développement en Egypte de l’un des plus grands parcs éoliens au monde : un projet éolien terrestre de 10 GW qui produira 47,790 GWh d’énergie propre par an une fois achevé. En outre, à l’issue de la table ronde sur l’investissement dans l’avenir de l’énergie, le président Abdel-Fattah Al-Sissi et le premier ministre belge, Alexander de Croo, ont annoncé le lancement d’un forum mondial sur l’hydrogène renouvelable (Global Renewable Hydrogen Forum).
« La diplomatie égyptienne a joué un rôle important dans l’adoption des demandes de l’Afrique lors de la COP27 », explique Sayed Ahmed, avant de conclure que « la COP27 a reflété une image différente de l’Egypte, notamment en ce qui concerne sa capacité à organiser de grands événements mondiaux et son potentiel pour devenir un hub énergétique mondial ».
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