Al-Ahram Hebdo : L’eau au coeur de l’action climatique. C’est le titre de la cinquième Semaine de l’eau. Quelle est, selon vous, l’importance d’intégrer la question de l’eau dans l’action climatique ?
Dr Mohamed Al-Hamdy : C’est une question très importante, puisque l’eau est en première ligne du changement climatique. La Semaine de l’eau du Caire est une réunion préparatoire pour que les questions de l’eau soient présentées à la COP27 et à la Conférence des Nations-Unies de mars 2023 consacrée à l’examen approfondi à mi-parcours de la réalisation des objectifs de la Décennie internationale d’action sur le thème « L’eau et le développement durable ». Il est donc important d’intégrer le secteur de l’eau au coeur de l’action climatique en Afrique et au Moyen-Orient. Les crises mondiales et les problèmes des chaînes d’approvisionnement ont montré que l’eau, l’agriculture et l’alimentation sont trois secteurs indissociables. La question de l’eau est fondamentale, elle est liée à tous les aspects de la vie, et pas seulement à la production agricole et à la sécurité alimentaire. Ainsi, tenter d’identifier les enjeux de l’eau est une bonne démarche, surtout qu’une initiative mondiale pour l’adaptation à l’eau sera lancée à la COP27.
— En quoi consiste cette initiative et quels sont ses objectifs ?
— L’initiative internationale d’adaptation du secteur de l’eau aux effets des changements climatiques a été lancée par l’Egypte en coopération avec des partenaires internationaux. Elle vise à lier les politiques hydriques à l’action climatique dans chaque pays, à améliorer les systèmes d’alerte précoce en cas de crise ou de catastrophe, à gérer l’eau de manière rationnelle face aux changements climatiques et à utiliser la technologie pour obtenir des données correctes.
— Quelles sont les conséquences de la rareté de l’eau dont souffre la région arabe ?
— La région du Proche-Orient et de l’Afrique du Nord est l’une des plus sèches du monde, avec une part d’eau par habitant dix fois inférieure à la moyenne mondiale. Les données des Nations-Unies indiquent également que la moitié de la population mondiale souffre de pénuries d’eau, sans oublier que l’accès à l’eau est essentiel pour les besoins de la sécurité alimentaire, de la santé et de l’agriculture. Mais la rareté de l’eau est un problème qui se profile à l’horizon et constitue un énorme défi qui nécessite une réponse urgente. La FAO soutient l’initiative Water Scarcity (rareté de l’eau) dans les pays de la région, afin de relever le double défi de la gestion durable de l’eau et de la sécurité alimentaire, et de développer un dialogue structuré autour des politiques hydriques et agricoles, sous la direction du Conseil ministériel arabe de l’eau de la Ligue arabe et de l’Organisation arabe pour le développement agricole. En 2019, ce processus intergouvernemental a abouti à l’adoption de la « Déclaration du Caire », qui appelle à une coordination entre les secteurs de l’eau et de l’agriculture.
— Quels sont les aspects de la coopération entre la FAO et le ministère égyptien de l’Irrigation et des Ressources hydriques ?
— La FAO tient à développer la coopération avec le ministère de l’Irrigation et des Ressources hydriques. Nous avons une coopération étroite et ancienne qui a donné lieu à un grand nombre d’initiatives importantes. Parmi les initiatives les plus récentes, mentionnons l’initiative « Activer la transformation durable et inclusive des systèmes alimentaires » et l’initiative « Agir pour s’adapter à l’eau ». Ces deux initiatives seront lancées lors de la COP27. Nous sommes fiers d’être un partenaire-clé du ministère de l’Irrigation et des Ressources hydriques dans la conduite des recherches et l’application de nouvelles approches. Le développement de l’irrigation est un autre domaine de coopération de longue date avec le ministère, notamment dans les zones nouvellement remises en état comme Minya et d’autres.
— « L’agriculture climato-intelligente » est une nouvelle notion qui gagne du terrain pour s’adapter au changement climatique. Comment l’expliquez-vous ?
— L’agriculture climato-intelligente est une approche qui vise à transformer les systèmes agricoles, afin de soutenir la sécurité alimentaire face aux changements climatiques, dans le but d’atteindre trois objectifs, à savoir l’augmentation durable de la productivité, l’adaptation aux changements climatiques et la réduction des émissions de gaz à effet de serre issues des pratiques agricoles. Par exemple, nous savons tous que le changement climatique entraîne la rareté des ressources en eau disponibles pour l’agriculture. De même, la croissance démographique pèse sur l’agriculture. C’est pourquoi l’agriculture climato-intelligente utilise des semences plus résistantes à la sécheresse. On peut donc utiliser moins d’eau et avoir la même production agricole ou le même rendement. L’agriculture intelligente vise à réduire au maximum les pertes, notamment celles qui se dissipent à travers l’évaporation et qui ne peuvent pas être restaurées. Il est nécessaire de repenser les mécanismes et les systèmes d’irrigation modernes qui économisent l’eau et qui maximisent la production. En 2021, nous avons mené une étude sur l’agriculture climato-intelligente, qui a montré que les ressources agricoles en Egypte sont constamment menacées en raison du changement climatique, et que l’élévation du niveau de la mer réduira la zone cultivée autour du Nil. Les températures devraient augmenter et l’écart entre les ressources hydriques disponibles et les besoins réels augmentera.
Lien court: