En Egypte, les préparatifs vont bon train pour accueillir la Conférence économique prévue fin septembre. Gouvernement, industriels, investisseurs et spécialistes sont appelés à s’asseoir autour d’une même table pour amorcer « un dialogue global de trois jours, sur les enjeux de différents secteurs économiques afin de tracer une feuille de route pour l’avenir », a déclaré Moustapha Madbouli, le premier ministre, qui a tenu cette semaine plusieurs « réunions exploratoires » avec des représentants des fédérations industrielles et des milieux d’affaires pour fixer l’ordre du jour et les thèmes qui seront discutés durant la conférence. Les enjeux économiques se trouvent également au coeur du Dialogue national lancé par l’Egypte en juillet dernier. La conférence intervient au moment où le conseil d’administration du Dialogue national poursuit son travail afin de déterminer la tâche des souscommissions. C’est durant l’inauguration du village olympique de l’Autorité du Canal de Suez (SCA) que le président Abdel- Fattah Al-Sissi a appelé à la tenue d’une conférence économique parallèlement au Dialogue national « afin que les spécialistes échangent librement leurs points de vue ».
Et d’ajouter que « le Dialogue national a déjà formé un comité pour discuter d’une multitude de questions économiques, mais en tant qu’Etat, nous avons besoin d’une conférence supplémentaire pour discuter des questions économiques urgentes ». En fait, cette conférence n’est pas la première du genre organisée en Egypte. En mars 2015, la ville de Charm Al-Cheikh avait accueilli une grande conférence économique qui s’était terminée par des contrats d’une valeur de 60 milliards de L.E.
Pourquoi maintenant ?
Des questions se posent alors : pourquoi maintenant et quels sont les dossiers prioritaires qui devraient être discutés au cours de cette conférence ? Selon Mohamed Shadi, expert économique, cette conférence se tiendra alors que l’économie mondiale, qui ne s’est pas encore remise de la pandémie de Covid-19 et de la guerre en Ukraine, fait face à des perspectives de plus en plus incertaines. L’inflation devrait atteindre cette année 6,6 % dans les pays développés et 9,5 % dans les pays émergents et les pays en développement. Les prix des matières premières, notamment le blé et le carburant, ne cessent de grimper. L’Egypte n’est pas isolée de ces événements. La crise ukrainienne a eu un impact important sur l’économie égyptienne, notamment à cause des relations commerciales et touristiques que l’Egypte entretient avec les deux pays en conflit, ainsi que les pays touchés par la crise. Selon Shadi, en organisant cette conférence, l’Egypte tente de consolider ses réserves en devises étrangères puisque la crise mondiale engendrée par la guerre en Ukraine a révélé que la majorité des capitaux étrangers dans le pays sont de l’argent chaud et non pas des investissements directs.
« La leçon que nous avons apprise est que vous ne pouvez pas dépendre de ce type d’investissement qui vient juste pour obtenir des rendements élevés, et lorsqu’il y a un choc, il quitte le pays. Nous devons stimuler les Investissements Directs Etrangers (IDE) et augmenter la participation du secteur privé », a déclaré Mohamad Maeit, ministre des Finances. Par ailleurs, le timing de cette conférence est très important puisqu’elle intervient à deux mois de la COP27 prévue en novembre prochain à Charm Al-Cheikh. « La Conférence économique constitue donc l’occasion de s’accorder sur un paquet de projets verts qui seront présentés lors de la COP27 », souligne Shadi.
Dossiers prioritaires
Pour Mohamed Abdel-Hamid, viceprésident de la commission des affaires économiques au Conseil des députés, la chose la plus importante est que le gouvernement soit à l’écoute des investisseurs et des travailleurs dans le domaine de l’investissement et des administrateurs aussi. « Le succès de cette conférence et l’entrée de nouveaux investisseurs ne se feront qu’en gagnant la confiance des investisseurs actuels », souligne Abdel-Hamid. « L’investissement passe avant tout », écrit l’économiste Ziad Bahaa El-Din dans son article publié à Al-Ahram. « La tenue d’une conférence économique était et reste une demande pressante des investisseurs, des industriels et de tous ceux qui s’intéressent à l’économie. Cependant, le fait qu’elle coïncide avec le Dialogue national, qui comprend un volet économique (en plus des volets politique et social), a soulevé des questions sur ce qui est voulu par de telles conférences », a souligné Bahaa El- Din dans son article. Et d’ajouter : « A mon avis, il n’y a pas de problème tant qu’elles ont des thèmes et des objectifs différents ».
L’objectif du Dialogue économique national est de tracer une feuille de route pour dynamiser l’économie en général, en abordant des questions comme la dette publique, les finances, le rôle de l’Etat dans l’économie, la compétitivité de l’économie nationale, la balance des paiements et d’autres questions majeures qui doivent être revues. Ce dialogue prendra donc du temps et nécessite des études sérieuses, des discussions approfondies, une analyse des données et des indicateurs économiques, ainsi qu’une compréhension de l’évolution de l’économie mondiale. « En revanche, la Conférence économique convoquée par le président a pour objet de faire face à la crise actuelle en proposant des solutions et des mesures immédiates », explique Bahaa El-Din. Selon l’économiste, le dossier des investissements n’est pas seulement urgent, c’est une question centrale dont dépendent l’avenir et la stabilité du pays. « C’est une question primordiale qui doit être discutée immédiatement parce que les problèmes sont connus, les solutions ont été discutées et les parties concernées sont là prêtes à s’engager. Tout ce dont nous avons besoin, c’est que l’Etat ouvre la voie aux vrais investisseurs, grands et petits, pour présenter leurs priorités et leurs propositions. Et prendre des mesures précises et rapides pour attirer les investissements et encourager la production, l’emploi et l’exportation », affirme Bahaa El-Din.
L’industrie, clé de la relance économique
Ainsi, localiser l’industrie égyptienne sera l’axe le plus important de la conférence. Car la crise économique engendrée par la guerre en Ukraine a révélé l’importance de réduire les importations et d’accroître la production locale pour répondre aux besoins du marché. Selon Bassant Gamal, chercheuse au Centre des Etudes Politiques et Stratégiques (CEPS) d’Al-Ahram, « l’industrie est le moteur de la reprise économique. Le secteur industriel contribue à environ 17% du PIB, alors qu’il représente environ 85% du total des exportations des marchandises non pétrolières ». En fait, l’Egypte veut promouvoir le secteur manufacturier au cours de l’exercice budgétaire en cours 2022-2023 pour atteindre un taux de croissance de 7,7% par an, ce qui augmentera la contribution de la production industrielle à environ 21 % du PIB. Les investissements consacrés au secteur industriel se sont élevés à 49 milliards de L.E. au cours de l’exercice 2020-2021, ce qui représente environ 6 % du total des investissements publics. En organisant cette conférence, le gouvernement veut envoyer un message rassurant aux industriels et aux milieux d’affaires. Il vient d’adopter plusieurs mesures pour promouvoir les investissements locaux et étrangers dans le secteur industriel afin d’atteindre l’objectif de 100 milliards de dollars d’exportations. « Renforcer l’industrie nationale devient une nécessité urgente pour faire face aux déséquilibres économiques et augmenter la compétitivité de ce secteur », conclut Bassant Gamal.
Lien court: