Depuis le début de la guerre en Ukraine en février dernier, les cours du pétrole sont en hausse sur les marchés internationaux, ce qui a profité à l’Iraq et à d’autres pays exportateurs. L’Iraq a exporté 101,85 millions de barils de pétrole brut en août, générant des recettes de 9,78 milliards de dollars américains, a déclaré jeudi 1er septembre le ministère iraqien du Pétrole. Selon les dernières projections du Fonds monétaire international, l’économie iraqienne, qui a augmenté de 5,9 % en 2021, devrait croître de 9,5 % en 2022, à mesure que les prix du pétrole, principale source de revenus du pays, restent en hausse. Deuxième producteur de l’Opep, l’Iraq dépend des revenus pétroliers pour couvrir 90 % de ses dépenses publiques.
Malgré les difficultés auxquelles le pays est confronté, telles que la corruption, les conflits politiques et la faiblesse du système de santé, le pays exporte en moyenne 3,3 millions de barils de pétrole par jour, tandis que la production dans la région kurde semi-autonome s’élève à un peu plus de 450 000 bpj. Et en juillet, le pays a annoncé la découverte de plusieurs nouveaux puits de pétrole.
Selon le vice-gouverneur de la Banque Centrale, Ammar Khalaf, les réserves de devises, qui s’élèvent actuellement à plus de 80 milliards de dollars, devraient augmenter de plus de 12 % pour atteindre 90 milliards de dollars d’ici la fin de 2022 dans le contexte de hausse des prix du pétrole. Les secteurs non pétroliers ont également connu une croissance de 6 %. Toutefois, le rapport de la Banque mondiale relève que, malgré la hausse des prix du pétrole, les perspectives macroéconomiques du pays sont exposées à un degré de risque important en raison de la forte dépendance au pétrole, des rigidités budgétaires et des retards dans la formation d’un nouveau gouvernement. « De nouveaux retards dans la formation du gouvernement et dans la ratification du budget 2022 pourraient restreindre l’utilisation des recettes pétrolières exceptionnelles du pays, car les perspectives de la Banque mondiale, qui mettent l’Iraq sur la liste des économies arabes à la croissance la plus élevée en 2022 et 2023, sont liées à la hausse des prix du pétrole. Et cette dépendance lourde et quasi totale au pétrole reste la principale cause de la crise de l’économie iraqienne », explique Amal Abdel-Latif, experte en économie.
Plusieurs urgences
Le rapport de la Banque mondiale a aussi indiqué que les problèmes de sécurité alimentaire existants en Iraq se sont intensifiés dans le contexte de la flambée actuelle des prix mondiaux des produits de base, tandis que la production alimentaire nationale est inférieure à la demande, face à une population en croissance rapide.
Pour récolter les fruits de la manne pétrolière, le rapport a, ainsi, recommandé des réformes économiques essentielles. « L’Iraq a une occasion unique d’entreprendre des réformes structurelles urgentes et de grande envergure en tirant parti de l’espace budgétaire résultant de sa récente manne pétrolière », a déclaré à la presse Saroj Kumar Jha, directeur régional de la Banque mondiale pour le Moyen-Orient. « La réorientation des dépenses publiques vers des programmes qui améliorent la croissance est essentielle pour la diversification économique et la création d’emplois, et pour faire face à la crise du capital humain du pays », poursuit-il.
Mais le plus gros défi reste le budget. Si l’Iraq sort progressivement d’une profonde récession, le pays fonctionne sans budget voté depuis deux ans et sans gouvernement effectif depuis octobre 2021. En pleine crise, le ministre iraqien des Finances, Ali Allawi, a démissionné de son poste le 17 août en raison de la crise politique persistante. « Aucun gouvernement au monde ne peut fonctionner sans budget. Sur 28 mois, le gouvernement de Kazimi n’a eu de budget fédéral que pour six mois », regrette Allawi dans sa longue lettre de démission. Amal Abdel- Latif explique que le ministre des Finances a démissionné en raison de son incapacité à présenter un budget général et à mettre en place des politiques financières appropriées. Le Livre blanc du gouvernement iraqien décrivant un programme complet de réformes vers la diversification économique reste, pour l’instant, un projet audacieux. Le gouvernement de Kazimi, qui a dévalué la monnaie locale (le dinar iraqien), n’a pas mis en place les mesures pour atténuer l’impact sur les personnes à revenus limités, en particulier, et sur le grand public, en général. Le taux de chômage s’élève à plus de 15 % (soit 4 millions d’Iraqiens) et la pauvreté à plus de 27 % (plus d’un quart de la population iraqienne vit en dessous du seuil de pauvreté). « Les désaccords politiques ont retardé jusqu’à présent l’approbation du budget de l’exercice en cours et les plans de développement. La croissance prévue par la Banque mondiale pourrait ne pas être durable, en raison des tensions politiques qui ont limité les dépenses publiques. Le développement réel restera absent tant qu’il n’y aura pas de volonté politique pour servir le pays et non pas des intérêts particuliers », conclut Amal Abdel-Latif.
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