Une guerre d’usure sans vainqueur ni vaincu. Le conflit entre la Russie et l’Ukraine entre dans son septième mois alors que l’évolution des combats ou les scénarios de l’après-guerre restent sujets à toutes les probabilités. L’écho de la guerre résonne partout dans le monde. Quand les armes vontelles se taire ? A quoi pourrait ressembler le monde de l’aprèsguerre ? Et quel sera l’impact sur la géopolitique et l’ordre géoéconomique mondial ? Beaucoup de questions mais peu de réponses. Sur le front militaire, les bombardements continuent dans le Donbass, la région où se trouve la centrale nucléaire de Zaporijia. C’est ici le point central et géographique de la guerre. Les risques de fuite de substances radioactives par cette centrale, au coeur des combats, formée de six réacteurs de 1 000 mégawatts, alimentent la crainte d’une catastrophe nucléaire.
Selon Ahmed Sayed Ahmed, spécialiste dans les affaires internationales au Centre des Etudes Politiques et Stratégiques (CEPS) d’Al-Ahram, « la confrontation en Ukraine se dirige vers une nouvelle escalade, notamment après l’annonce de Washington de fournir à Kiev une nouvelle aide militaire de 3 milliards de dollars et la décision de Moscou d’augmenter de 10 % le nombre de militaires dans l’armée russe. Ce qui laisse prévoir que la guerre pourrait durer en 2023, voire au-delà ». Et d’ajouter : « Six mois après, le conflit s’enlise au niveau militaire et politique. Aucun des deux camps n’est en mesure de prendre l’avantage sur l’autre. Les aides militaires occidentales n’ont toujours pas permis à l’armée ukrainienne de récupérer les terres contrôlées par Moscou, alors que la Russie veut continuer à nuire non seulement à Kiev, mais aussi, par procuration, à l’Occident ».
Un coût colossal
A ce point, d’autres interrogations se posent : Quelles sont les capacités à faire face des deux pays ? Combien de temps l’Occident pourra-t-il financer la guerre ukrainienne, alors que le continent se prépare à un hiver difficile avec peu de pétrole et de gaz russes ? « La Russie, qui représente environ 55 % des importations totales de gaz de l’Europe en 2021, pense que l’hiver pourrait jouer en sa faveur », explique Sayed Ahmed. Avis partagé par Ahmed Sultan, expert en énergie, qui souligne que « le président russe parie sur la force de son arme majeure qui représente le gaz naturel dans le gel de l’hiver européen. L’hiver marquera le point culminant de la crise qui annoncera soit la victoire de Moscou ou la libération de l’Europe de la dépendance au gaz naturel russe ».
Six mois après le début de la guerre, les conséquences de la guerre sont déjà lourdes sur les plans humain, matériel et économique. Selon le bilan humain livré par l’Onu au début du septième mois de guerre en Ukraine, 5 587 personnes étaient mortes et 6,8 millions de déplacées à travers l’Europe. Côté russe, le porte-parole du Kremlin, Dmitri Peskov, a reconnu des « pertes importantes », sans les quantifier. Sur le plan militaire, depuis le début de la guerre, les forces russes ont pris environ 20 % du territoire ukrainien, soit près de 125 000 km2. Quant au coût de la reconstruction de l’Ukraine, il a été estimé à 750 milliards de dollars par le premier ministre ukrainien, Denys Chmygal.
La guerre fragilise également l’économie ukrainienne. Selon les dernières prévisions de la Banque Mondiale (BM), le PIB du pays devrait se contracter de près de 50 % cette année. Alors que le PIB de la Russie a reculé de 4 %, au deuxième trimestre, selon l’estimation de l’agence des statistiques Rosstat. Cette baisse est principalement due aux sanctions économiques prises à l’encontre de la Russie par l’Union européenne et les Etats- Unis à plusieurs reprises depuis le début du conflit. Pour faire face, Moscou a tenté de vider les sanctions occidentales de leur contenu, en trouvant d’autres marchés pour le pétrole russe, comme l’Inde et la Chine.
Bouleversements économiques mondiaux
Au niveau mondial, cette guerre a contribué à une importante crise économique et humanitaire mondiale. L’insécurité alimentaire gagne du terrain dans de nombreux pays confrontés en même temps à une pénurie de nourriture, d’engrais et de carburant . En 2021, le Programme Alimentaire Mondial (PAM) estimait à environ 270 millions le nombre de personnes menacées par la faim. Ce chiffre pourrait atteindre, à cause de la guerre en Ukraine, 320 millions. Hausse de l’inflation, projections de croissance économique à la baisse, flambée du prix du gaz naturel, la guerre a bouleversé l’ordre économique mondial et a affaibli la reprise après la pandémie de Covid-19. D’après le dernier rapport de l’Onu sur la situation et les perspectives de l’économie mondiale (WESP), l’économie mondiale ne devrait croître que de 3,1 % cette année, contre les 4 % prévus en janvier.
L’inflation mondiale devrait également atteindre 6,7 % cette année, soit le double de la moyenne de 2,9 % enregistrée entre 2010 et 2020, avec de fortes hausses des prix des denrées alimentaires et de l’énergie. Les tentatives de l’Europe de réduire la dépendance aux gaz et pétrole russes ont aggravé la crise énergétique au monde. En fait, les prix du gaz naturel ont bondi, notamment après que Moscou avait coupé ses flux vers l’Europe via le gazoduc Nord Stream 1.
« Cette guerre est non seulement absurde, mais aussi extrêmement dangereuse. Elle nous touche tous, et elle doit prendre fin », a déclaré Rosemary DiCarlo, la responsable des affaires politiques des Nations-Unies. Et de conclure : « Au-delà du tragique bilan humain et matériel en Ukraine, ainsi que des conséquences concrètes dans d’autres parties du monde, cette guerre avait un autre impact délétère : celui de diviser les nations ».
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