Al-Ahram Hebdo : Quelle est la mission du « Comité international pour la défense des ressources en eau » ?
Dr Mohamad Mahmoud Mahran : Le Comité international pour la défense des ressources en eau (ICDWR) vise à défendre les ressources en eau dans le monde entier, à préserver les droits en eau de tous les pays, à prévenir les conflits, à présenter un soutien diplomatique aux pays et à émettre des recommandations à la communauté internationale et aux autorités compétentes. Quant aux mécanismes de travail de ce comité, elles s’appuient principalement sur les avis d’experts spécialisés dans les différents domaines liés aux ressources en eau. Ainsi, des efforts de coordination sont en cours pour rassembler nombre d’experts, afin que le comité démarre ses travaux depuis l’Egypte. Le comité fournira également un soutien médiatique et diplomatique à l’Egypte, afin de préserver ses droits hydriques et son quota dans l’eau du Nil de manière judicieuse.
— Quel est le rôle du droit international dans la protection des droits des pays riverains d’un fleuve transfrontalier ?
— Le droit international a établi des règles régissant les litiges liés à l’eau entre les pays. Le concept d’utilisation équitable et raisonnable est un principe bien ancré dans le droit international. Les aspects géographiques, hydro géographiques, hydriques, climatiques, environnementaux, ainsi que d’autres facteurs naturels doivent être pris en compte. En plus, parmi les considérations les plus importantes figurent les besoins sociaux et économiques des pays du bassin concerné, les besoins des populations qui dépendent des ressources en eau dans chacun des pays du bassin, l’impact de l’utilisation des ressources en eau, les facteurs de conservation, de protection et de développement, ainsi que l’économie des ressources en eau, la disponibilité d’alternatives et d’autres éléments qui conduisent à réaliser ce qu’on appelle la justice de l’eau. Il est nécessaire d’avoir une coopération entre les pays pour faire un usage optimal des eaux partagées. Cela ne passera que par l’application des règles de bon voisinage et des principes établis par le droit international tels que la coopération, l’utilisation juste et raisonnable et le principe de ne pas porter préjudice à l’autre.
— Pourquoi les différends autour des ressources en eau se concentrent-ils au Moyen-Orient ?
— Tout simplement, en raison de la rareté de l’eau et de la croissance continue de la population. Certains pays se tournent vers la construction de barrages pour produire de l’énergie hydroélectrique, ce qui a conduit à de nombreux conflits et différends internationaux sur l’exploitation partagée des cours d’eau internationaux, ce qui nécessite l’intervention de la communauté internationale pour préserver les droits des Etats et réduire les conflits. Il y a de même une grande pénurie d’eau au Moyen-Orient, en plus d’un manque de contrôle de certains pays sur ces sources, comme le Nil, le Tigre et l’Euphrate et d’autres fleuves, menant à des conflits entre les pays riverains d’un fleuve international concernant l’exploitation de ces eaux pour des fins industrielles et agricoles, malgré l’existence de règles coutumières régissant cette exploitation.
— L’Ethiopie vient d’annoncer avoir achevé la troisième phase de remplissage du réservoir du barrage de la Renaissance. Comment voyez-vous cette démarche qui constitue une atteinte flagrante aux principes du droit international fluvial ?
— Addis-Abeba a violé toutes les règles du droit et tous les accords internationaux relatifs aux cours d’eau internationaux, à commencer par la construction du barrage en passant par le troisième remplissage et le démarrage de la deuxième turbine. Cela s’ajoute à la violation de l’accord de principes signé en 2015 qui renferme dix principes essentiels qui préservent, dans leur totalité, les droits et intérêts hydriques de l’Egypte et respectent les règles générales et les principes du droit international qui régissent les questions liées à l’exploitation des fleuves internationaux. Cet accord prévoit l’usage équitable des eaux du Nil, de ne pas nuire aux intérêts des autres Etats, de mettre en place un mécanisme pour résoudre les différends, d’échanger les informations et de données sur la sécurité du barrage, ainsi que la coopération dans le remplissage et la gestion du barrage. Les principes liés à la confiance mutuelle, la coopération et le développement intégré économique, le respect de la souveraineté et d’intégrité territoriale de chaque Etat figurent parmi les principes de ce document.
— Comment le droit international a-t-il réglé les précédents litiges ?
— Il existe des règles, des principes et des accords internationaux régissant les utilisations des cours d’eau internationaux à des fins autres que la navigation. Il existe de nombreux précédents à cet égard, comme le célèbre litige entre la France et l’Espagne connu sous le nom d’affaire du lac Lanoux de 1957. L’arbitrage international a approuvé des principes importants comme le principe de la souveraineté territoriale limitée des Etats riverains, qui interdit aux pays en amont de modifier le cours du fleuve de manière à porter préjudice aux pays qui le partagent, le principe du droit de l’Etat à mettre en oeuvre des projets lui permettant de développer l’énergie hydrique qu’il souhaite sur son territoire sans modifier le cours du fleuve de manière susceptible à nuire aux pays riverains, et le principe de la non-utilisation par un pays de son territoire d’une manière qui porte atteinte aux droits d’autres pays. En outre, les règles coutumières ont établi des principes-clés fondés sur l’utilisation non arbitraire d’un droit, la justice dans le partage des eaux et la garantie des droits acquis pour tous les pays. Il existe de nombreuses lois internationales régissant les différends relatifs à l’eau douce, telles que la Convention des Nations-Unies sur le droit relatif aux utilisations des cours d’eau internationaux à des fins autres que la navigation de 1997, qui stipule la nécessité de régler les différends entre les pays partageant un bassin international par des moyens pacifiques, diplomatiques ou judiciaires.
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