Al-Ahram Hebdo : Après trois jours de confrontation, le Djihad islamique et Israël ont conclu une trêve, grâce à la médiation de l’Egypte. Quelle est la différence entre la dernière agression contre la bande de Gaza et celle de l’année dernière ?
Mohamed Mansour: La dernière opération ressemble beaucoup à la confrontation de l’année dernière, avec une différence importante : le Djihad islamique est entré seul dans cette bataille au début avant d’être rejoint une journée plus tard par les Brigades des martyrs d’Al-Aqsa, l’aile militaire du Front démocratique de libération de la Palestine et l’aile militaire du Front populaire de libération de la Palestine. Les factions impliquées cette fois-ci dans les affrontements n’ont utilisé que des roquettes à courte portée pour cibler des zones couramment ciblées, telles qu’Ashkelon, Ashdod et Sederot.
Pour sa part, Israël a accordé un intérêt évident à viser les dirigeants militaires de la bande de Gaza, en particulier ceux des Brigades de Jérusalem, l’aile militaire du Djihad islamique, qui étaient considérés comme l’objectif-clé de cette opération, à travers l’assassinat de Tayssir Al-Jaabari, le responsable du secteur nord des Brigades de Jérusalem, au cours des premières heures de l’opération, ainsi que le commandant du secteur sud des Brigades de Jérusalem, Khaled Mansour. D’autre part, le système du « dôme de fer » a bien fonctionné par rapport à l’affrontement de l’année dernière alors que les factions palestiniennes n’ont pas lancé des missiles comme auparavant.
— Quelles sont les raisons politiques et sécuritaires de la nouvelle agression israélienne contre la bande de Gaza ?
— Il est clair que Tel-Aviv a cherché à lancer cette bataille à travers deux provocations principales. La première est l’incursion surprise effectuée par une force spéciale israélienne dans le camp de réfugiés de Jénine, dont le but était d’arrêter le chef du Djihad islamique, Bassam Al-Saadi. Ce qui a provoqué des réactions sévères de la plupart des factions palestiniennes, étant donné que Saadi et sa femme ont été blessés pendant le processus d’arrestation et qu’il représente l’un des dirigeants les plus éminents du mouvement djihadiste en Cisjordanie. Cette incursion a été suivie par le lancement soudain, deux jours plus tard, de l’opération True Dawn qui a commencé par l’assassinat par drone de Tayssir Al-Jaabari, le responsable du secteur nord des Brigades de Jérusalem.
La détermination apparente d’Israël à cibler le Djihad islamique, en particulier, revient en premier lieu à des raisons internes et régionales. En ce qui concerne les raisons internes, il s’agit de la situation actuelle du gouvernement en Israël. Celui-ci semble avoir l’intention, pour des fins électorales, de réaliser des résultats militaires rapides, grâce auxquels pourraient être inversés les graves dommages causés à son système militaire et sécuritaire lors de l’opération Gardien des barrières, l’année dernière.
— Dans quelle mesure cette escalade est liée à l’évolution régionale actuelle au Moyen-Orient ?
— Cette escalade est étroitement liée au paysage régional et à ses évolutions qui comprennent la reprise des négociations sur le programme nucléaire iranien, la visite du secrétaire général du mouvement du Djihad islamique, Ziyada Al-Naghala, à Téhéran, ainsi que les tensions qui accompagnent la démarcation des frontières maritimes entre Israël et le Liban. Sans oublier qu’au cours des derniers mois, Tel-Aviv a changé sa stratégie d’affrontement des menaces iraniennes, adoptant une nouvelle stratégie multiforme englobant tous les domaines, y compris l’intérieur iranien, au lieu de se confiner au front syrien comme auparavant. La bataille actuelle à Gaza peut donc être considérée comme faisant partie de la nouvelle stratégie d’Israël pour faire face à l’Iran en ciblant l’une des factions palestiniennes les plus proches de Téhéran.
— Comment expliquez-vous que le Hamas ne soit pas entré dans la confrontation ?
— Jusqu’à présent, pour des raisons peu claires, le Hamas a tenu à rester à l’écart et à ne pas s’impliquer dans les tirs de roquettes. Peut-être est-il convaincu qu’Israël recherche cette escalade pour atteindre des objectifs au-delà du simple affaiblissement des capacités des factions. Il se peut qu’il s’agisse d’une coordination plus large entre le mouvement et l’Iran, ce dernier menant la guerre contre Israël selon le principe qu’il représente le coeur de « l’axe de la résistance ». Mais je pense que si cet affrontement s’était prolongé, le mouvement serait entré dans la bataille pour éviter que sa réticence ne cause des dommages aux niveaux populaire et factionnel.
— Comment voyez-vous les réactions internationales qui n’étaient pas à la hauteur de l’escalade militaire et n’ont pas apporté le soutien nécessaire à l’Egypte pour contenir la crise ?
— La guerre ukrainienne est à l’origine des positions internationales timides à cet égard. Cependant, les liens étroits du Caire avec les parties en conflit et avec les principaux acteurs de la communauté internationale, notamment les Etats-Unis, vont permettre, s’il y a une volonté de la part des factions palestiniennes et du gouvernement israélien, de stabiliser le cessez-le-feu. L’Egypte a déjà réussi à parvenir à un tel accord l’année dernière, alors que l’agression israélienne était plus violente.
Lien court: