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Ossama Kamal : Grâce à ses réserves, l’Egypte peut combler en partie le manque de gaz russe en Europe

Racha Darwich , Mercredi, 27 juillet 2022

L’ingénieur Ossama Kamal, ancien ministre du Pétrole, revient sur le rôle de l’Egypte pour soutenir l’Europe dans sa crise énergétique.

Ossama Kamal,

Al-Ahram Hebdo : Le dossier de l’énergie a occupé une place importante dans la tournée du président Sissi en Europe. Quelles solutions peut présenter l’Egypte à l’Europe dans sa crise énergétique ?

Ossama Kamal: Au cours des dernières années, l’Egypte est devenue un centre gazier en Méditerranée orientale tout comme Chypre et Israël. L’Egypte possède deux unités de liquéfaction à Edkou et Damiette. Le gaz peut être exporté vers l’Europe. Dans ce contexte, l’Egypte peut combler en partie le manque de gaz russe grâce à sa puissante infrastructure et ses énormes réserves. En effet, grâce au gisement Zohr, les réserves de l’Egypte s’élèvent à 90 milliards de pieds cubes.

L’Europe consomme près de 240 milliards de m3 de gaz par an, dont 40% proviennent de la Russie, soit près de 100 milliards de m3 par an. L’Egypte peut présenter à l’Europe 2 à 3 milliards de pieds cubes par jour, soit près d’un milliard de pieds cubes par an, c’est-à-dire près de 10% de ses besoins.

—  Outre le gaz naturel, quelles sont les autres sources d’énergie que l’Egypte peut exporter vers l’Europe ?

— L’Egypte bénéficie d’un ensoleillement extrêmement élevé qui lui assure un excédent d’électricité de 22 gigawatts/heure. Je pense que pendant un an, grâce à un raccordement électrique avec l’Europe, l’Egypte peut exporter cet excédent d’électricité. Ce raccordement peut être créé en l’espace de 6 ou 8 mois. Au cours de la tournée du président Sissi en Europe, ce sujet a été discuté et l’Union européenne s’est déclarée disposée à financer immédiatement ce raccordement. Il s’agit là de solutions rapides vu que l’électricité existe déjà et qu’elle peut être transférée grâce à une ligne électrique à partir des frontières égypto-libyennes vers Chypre pour arriver directement en Europe. Ce qui peut assurer une partie importante des besoins électriques du continent. Dans ce contexte, l’Europe est prête à financer des stations d’énergie solaires qui fonctionneront 24h sur 24, 7 jours sur 7, contrairement aux panneaux photovoltaïques qui ne fonctionnent qu’en cas d’ensoleillement. Ces stations peuvent produire d’énormes quantités d’électricité dans le désert occidental pour être exportées en tant qu’énergie propre vers l’Europe via des câbles maritimes. Le Maroc et la Mauritanie ont déjà effectué des projets similaires et alimentent l’Espagne en électricité. A travers cette énergie propre et renouvelable, il est également possible de produire l’hydrogène vert, l’un des principaux éléments de la fabrication de l’ammoniac vert, le principal composant des engrais. Lorsque l’Europe a boycotté en partie le gaz russe, le manque de gaz a entraîné une énorme hausse des prix des engrais. Un fait qui a fortement impacté les chaînes alimentaires. Par conséquent, la production de l’ammoniac vert à partir de l’hydrogène vert produit à partir de cette énergie électrique contribuera à combler le fossé alimentaire et atténuer la hausse des prix des denrées alimentaires.

— Dans le cadre de la tournée du président de la République, des accords ont été conclus dans le domaine des énergies renouvelables. Quels sont les plans de l’Egypte dans ce contexte ?

— En fait, l’Egypte travaille sur la diversité énergétique depuis des années, car nous dépendions à 93% du pétrole dans les domaines du transport, de l’électricité, de l’industrie, etc. Il était donc indispensable de réduire ce pourcentage à 30 ou 35% et augmenter la part du charbon, de l’énergie nucléaire et des énergies renouvelables. Dans ce contexte, l’Egypte déploie de grands efforts sur la voie des énergies renouvelables, mais ce domaine requiert d’énormes investissements. Je pense que l’Europe commencera à investir fortement dans ce domaine en Egypte au cours de la prochaine période.

— Quel est l’impact de la crise énergétique sur les ambitions climatiques de l’Europe ?

— L’Europe dépend à 40% du gaz russe, alors que les 60% proviennent d’autres sources comme les pays arabes. C’est la raison pour laquelle l’Europe a dû recourir de nouveau à l’utilisation du charbon et de l’énergie atomique alors qu’il était question de l’énergie verte. Elle travaille à présent sur des plans à long terme. Mais la guerre est venue avorter tous ces plans obligeant les Européens à trouver des solutions immédiates.

— A votre avis, quelles sont les solutions pour l’Europe à l’approche de l’hiver ?

— Des initiatives en faveur d’un dialogue ont été proposées. La Russie a déclaré ne pas avoir d’inconvénient à engager un dialogue avec l’Ukraine alors que cette dernière affirme que la guerre doit s’arrêter immédiatement. Je pense que la question doit être tranchée avant la fin du mois d’août. La seule solution pour l’Europe est d’engager des négociations avec la Russie. Parvenir au « zéro gaz russe » dont parlaient les Etats-Unis et l’Union européenne à la fin de l’année 2022 est un objectif absolument absurde. L’arrivée de l’hiver en Europe avec le manque de gaz russe entraînera une catastrophe. L’Europe témoigne déjà d’une série de démissions dans ses gouvernements à cause de ces décisions.

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