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Sur la voie de la reconstruction

Mohamed Mansour*, Mercredi, 29 juin 2022

Neuf ans après la Révolution du 30 Juin 2013, l’Egypte a redressé son économie et retrouvé sa place dans la région. Explications.

Sur la voie de la reconstruction

Neuf ans sont passés depuis la Révolution du 30 Juin et l’importance de cette révolution pour l’identité de l’Etat égyptien et son rôle régional et international se confirme jour après jour. A la veille du 30 juin, l’Egypte souffrait du chaos et de l’instabilité résultant de la Révolution du 25 Janvier et de l’année passée par les Frères musulmans au pouvoir. L’Egypte a covnnu une détérioration de son économie, détérioration qui a affecté ses infrastructures et tous les aspects de la vie sur son territoire. Elle souffrait de l’absence totale de vision politique et économique. Quant à la politique étrangère, elle ne pouvait être qualifiée que d’aléatoire. Après la chute des Frères musulmans, l’Egypte a témoigné d’une vague de terrorisme sans précédent, essentiellement au Nord-Sinaï et dans les villes du Delta.

Pour remédier à cette situation, l’Etat égyptien s’est fixé un objectif, à savoir renforcer sa force globale, afin de pouvoir défendre sa sécurité et son indépendance, et aussi pour être en mesure d’exploiter sa force et de soutenir le développement de ses capacités. Il s’agissait également de renforcer la position de l’Etat égyptien dans son environnement régional et international, afin de protéger le champ vital de l’Egypte et arrêter toute menace extérieure.

La sécurité, premier défi

Au cours des dernières années, le dossier sécuritaire et militaire a constitué le défi le plus pressant. Après la Révolution de Janvier 2011, on a vu apparaître des défis sécuritaires sans précédent. Ces défis ont constitué une menace directe pour l’Etat égyptien. Il s’agissait surtout du terrorisme qui s’est intensifié après la Révolution du 30 Juin 2013. C’est ainsi que l’Egypte a adopté, à partir de 2014, des mesures visant à éradiquer ce fléau en s’appuyant sur deux axes principaux. Le premier est un travail de terrain intense, afin de mettre fin aux activités terroristes par le biais d’une étroite collaboration entre les forces armées et la police, ainsi que par le biais d’un renforcement des forces présentes dans le Sinaï et l’utilisation de techniques militaires de pointe, en particulier les drones. Ces efforts ont été accompagnés d’un développement global de l’appareil policier égyptien, et d’un plan de modernisation sans précédent des forces armées égyptiennes et des industries militaires. Ce plan était accompagné d’une stratégie de diversification des sources d’armement de manière à ne permettre à aucun pays de contrôler la qualité des systèmes d’armement possédés par l’Egypte. Un plan qui s’est clairement concrétisé dans l’organisation de l’exposition EDEX des industries de défense. Le second axe se rapportait au développement des régions où se déroulaient les activités terroristes, en particulier le Nord-Sinaï. Cet axe était lié à l’économie, qui était l’un des plus importants défis au cours des huit dernières années, étant donné que les années d’avant-2014 ont eu un impact négatif sur l’économie égyptienne : inflation accrue, manque de réserves monétaires et augmentation des taux de chômage. C’est ainsi qu’on a adopté une série de réformes économiques urgentes, notamment la redistribution des subventions et la libéralisation de la livre égyptienne. Ces réformes ont donné d’excellents résultats. Fin octobre 2017, la balance des paiements affichait un excédent de 13,7 milliards de dollars au cours de l’exercice 2016-2017 contre un déficit de 2,8 milliards de dollars au cours de l’exercice 2014-2015.

Au niveau de l’industrie, le gouvernement égyptien a mis en place, dès 2014, un plan ambitieux visant à lancer 45 projets industriels d’un coût total de 92 milliards de L.E. Ce plan englobait la construction de 8 villes industrielles, de 16 complexes et zones économiques pour les petites et moyennes industries et de 16 usines et zones d’investissement. Par ailleurs, après l’inauguration du Nouveau Canal de Suez en août 2016, la capacité du canal a fortement augmenté.

Dans le domaine de l’énergie, l’Egypte s’est fixé un objectif qui semblait impossible pour certains, celui de devenir un « hub énergétique régional ». A partir de 2016, elle a lancé un plan ambitieux de développement et de modernisation du secteur pétrolier et gazier jusqu’en 2040, visant principalement à réaliser l’autosuffisance en gaz naturel. Une série de mesures internes et externes a permis à l’Egypte par la suite de devenir l’un des plus importants exportateurs de gaz naturel dans la région (voir page 5).

Politique étrangère, retrouver son influence

Les dirigeants égyptiens ont réussi au cours des dernières années à franchir les obstacles sécuritaires, militaires et économiques au niveau interne, et les choses ont commencé à avancer dans le bon sens. Fait qui s’est reflété sur la politique étrangère de l’Egypte. Alors que certaines forces régionales avaient cru que Le Caire resterait englué dans ses problèmes internes et laisserait son environnement régional ouvert aux ingérences étrangères de toutes sortes, le succès égyptien à l’intérieur a inversé la donne à tel point que ces forces ont fini par demander l’aide du Caire ou chercher à améliorer leurs relations avec l’Egypte.

Dans ce contexte, la dimension arabe était une part essentielle de la vision égyptienne rappelant le nationalisme arabe. L’Egypte a commencé à développer et à améliorer ses relations avec la porte orientale du monde arabe, l’Iraq. C’est ainsi que Le Caire, Bagdad et Amman ont formé un modèle d’intégration arabe. A travers ce modèle, Le Caire vise à promouvoir la solidarité arabe et à rejeter les différences. Nous remarquons également l’intégration de l’Egypte dans la région du Golfe, notamment avec les Emirats arabes unis et l’Arabie saoudite.

Quant à la cause palestinienne, qui constitue le dossier arabe le plus important pour l’Egypte, l’intervention égyptienne dans ce dossier était une preuve indéniable de la consolidation de la force globale de l’Egypte. Dès les premières heures de l’agression israélienne contre la bande de Gaza, l’Egypte est intervenue pour empêcher Tel-Aviv de lancer une attaque terrestre sur la bande de Gaza et a réussi à instaurer un cessez-le-feu. Le rôle de l’Egypte ne s’est pas arrêté là, comme il est d’usage dans ce genre de médiation. En effet, Le Caire a annoncé l’octroi d’un montant record pour la reconstruction de la bande de Gaza.

L’Afrique était également un autre exemple de l’influence croissante de l’Egypte sur le plan externe, comme en témoigne la série d’accords économiques et militaires récemment signés par Le Caire avec de nombreux pays de l’Afrique de l’Est et du Sud-Est, ainsi que les visites successives des responsables égyptiens dans les pays africains.

Neuf ans après la Révolution du 30 Juin, l’Egypte avance avec confiance grâce à la stratégie adoptée par l’Etat égyptien pour faire face aux défis internes et externes. Le Caire a acquis une force globale qui lui a permis de se doter de nouvelles capacités économiques et géopolitiques. L’Egypte est aujourd’hui un pays influent sur les plans régional et international. Cependant, le plus grand défi sera de résister économiquement aux circonstances internationales actuelles et de gérer les relations régionales et internationales qui ont connu des changements radicaux après la guerre en Ukraine. Le Caire devra aussi gérer les développements que le Moyen-Orient pourrait connaître à cause de cette guerre.

*Expert au Centre égyptien de la pensée et des études stratégiques (ECSS)

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