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Dollar : Retour à la normale

Gilane Magdi , Mercredi, 13 mars 2024

Les premières répercussions de la libéralisation du taux de change sur le dollar se sont déjà fait sentir : plus de disponibilité, plus de confiance et recul du marché noir. Décryptage.

Dollar : Retour à la normale
Le prix officiel du billet vert a augmenté de 62 % après la libéralisation du taux de change. (Photo : AP)

Après une longue attente, la Banque Centrale d’Egypte (BCE) a enfin libéré le taux de change du billet vert, suite à son accord avec le Fonds Monétaire International (FMI), pour mettre fin au marché noir et à l’existence de deux prix du billet vert en Egypte. Selon le nouveau système de change, les taux du billet vert se déterminent instantanément selon l’offre et la demande sur le dollar au sein de chaque banque et les prix diffèrent d’une banque à une autre. Dès l’annonce, le prix du dollar a augmenté de 62 %, passant de 30,93 à 49,56 livres selon le taux de change officiel. Les cours ont légèrement baissé pour se stabiliser à 48,98 L.E. pour l’achat et 49 L.E. pour la vente à la BCE lundi 11 mars, des taux identiques à ceux du jeudi 7 mars. Quant au marché noir, le dollar y est à 50 L.E. « C’est la première fois que la BCE annonce à la fois la libéralisation du taux de change du billet vert et laisse les banques répondre aux besoins des clients en devises étrangères. Ce qui a fait que l’écart entre le prix officiel du dollar et son prix sur le marché noir s’est nettement rétréci, entre 2 et 3 livres seulement contre 30 L.E. avant les récentes décisions », souligne à l’Hebdo Mohamed Gad, responsable du département des recherches au sein de la maison de courtage Arab African Bank.

Au cours des dernières années, le marché des changes a souffert du retour du marché noir. Ceci a commencé à se produire en mars 2022 en raison du recul des revenus du pays en dollar et de son manque dans les canaux bancaires. Sous l’effet de la hausse de la demande sur le billet vert, l’écart entre son prix officiel et celui du marché noir n’a cessé d’augmenter en atteignant son niveau le plus haut, soit 30 L.E. avant les récentes décisions. Mais l’annonce du projet de Ras Al-Hikma entre l’Egypte et les Emirats et le versement de 10 milliards de dollars dans les caisses de la BCE ont entraîné la chute du dollar au marché noir de 70 à 45 L.E. avant la libéralisation. En plus, de nombreux détenteurs du billet vert se sont dirigés vers les banques pour le vendre de crainte que son prix officiel ne diminue dans l’avenir.

Prévisions à la baisse

Les responsables des banques publiques, la Banque Nationale d’Egypte (NBE) et la Banque Misr, ont annoncé à la chaîne Sky News que leurs banques ont reçu de larges montants en dollar pendant les jours suivant la libéralisation. « Il existe une forte demande de la part des clients pour vendre le dollar aux banques au prix officiel. La question ne se limite pas à la vente. Une société étrangère a déposé 25 millions de dollars dans la banque immédiatement après les décisions de la BCE et de nombreuses autres institutions étrangères sont sur le point de faire de même », a déclaré le président de la Banque Misr, Mohamed El-Etreby. De même, le vice-président de la NBE, Yehia Abou El-Fotouh, a aussi annoncé le retour des transferts des Egyptiens travaillant à l’étranger au sein de sa banque au cours des deux jours suivant la libéralisation. « 90% de ces transferts avaient été négociés en dehors du secteur bancaire pour profiter de la hausse du dollar sur le marché parallèle », souligne-t-il. Il ajoute que la société Al-Ahly Exchange, détenue par la NBE, a échangé un montant de dollars au cours des deux derniers jours jamais atteint depuis deux mois ou plus.

Pour sa part, Farouk Soussa, un analyste au sein de la banque américaine Goldman Sachs, prévoit dans sa note envoyée à l’Hebdo le recul du prix du dollar pour plusieurs raisons, dont le décaissement du prêt du FMI, le retour des transferts des Egyptiens à l’étranger au secteur bancaire et l’entrée de flux d’investissements dans le portefeuille. « Nous prévoyons une forte demande extérieure pour la dette locale (bons du Trésor), compte tenu de l’ampleur de la dévaluation et des rendements nominaux élevés. De même, dans les conditions actuelles, les détenteurs des sommes considérables en devises en dehors du système bancaire vont probablement commencer à épargner dans les nouveaux certificats des banques en monnaie nationale », estime Soussa, en ajoutant que ces facteurs devraient permettre à la livre égyptienne de se renforcer quelque peu d’ici la fin de ce mois. Il décrit cette dépréciation de la monnaie comme étant la plus importante au cours des deux dernières années. « Elle offre vraiment une plus grande marge pour que la livre égyptienne s’apprécie sans affecter négativement la compétitivité », renchérit-il.

Impact sur les prix

Cependant, avec un taux officiel qui est approximativement passé de 30 à 50 L.E., de nombreuses interrogations sont soulevées en ce qui concerne l’impact de cette hausse sur les prix et l’inflation. Mohamed Gad prévoit une hausse des prix des produits qui ont été déterminés par des organismes gouvernementaux. La liste comprend les médicaments, les cigarettes et les produits pétroliers. « A titre d’exemple, les prix des médicaments sont fixés par l’Autorité égyptienne du médicament selon le prix officiel du dollar. Donc, cette autorité doit réviser les prix des médicaments en se basant sur le nouveau prix du dollar », explique-t-il. Il ajoute que le gouvernement va augmenter sans doute les prix de l’essence et du gasoil pour répondre aux clauses de son accord avec le FMI, et ce, pour réduire le déficit budgétaire. Quant aux cigarettes, le membre de l’Union des Chambres de commerce, Ibrahim Al-Ambabi, prévoit l’augmentation de leurs prix à la suite de la hausse du dollar douanier. Ce dernier propose la fixation du prix du dollar douanier (taux selon lequel sont calculés les droits de douanes sur les marchandises importées) afin de contrôler les prix des matières premières. « Il faut revenir à ce qui a été mis en oeuvre en 2016 où le dollar douanier était inférieur au prix annoncé dans les banques pendant une période déterminée qui peut durer d’un mois à trois mois », réclame Al-Ambabi.

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