L’économie égyptienne a été relancée grâce à l’engagement, il y a deux semaines, d’une compagnie émiratie d’un investissement de 35 milliards de dollars à Ras Al-Hikma.
Mercredi 6 mars était une journée très animée pour l’économie égyptienne. Plusieurs décisions-clés y ont été annoncées. Il y avait d’abord cette réunion extraordinaire de la Banque Centrale d’Egypte (BCE) au cours de laquelle le comité des politiques monétaires a décidé de relever les taux directeurs de 600 points de base. Cette annonce a été suivie par celle de la dévaluation de la livre égyptienne. Le taux de change de la monnaie locale sera dorénavant déterminé par les lois de l’offre et de la demande. Une troisième annonce serait faite quelques heures plus tard. L’accord très attendu avec le Fonds Monétaire International (FMI) a été conclu. En vertu de celui-ci, l’Egypte obtient un financement de 8 milliards de dollars, et entre 1 et 1,2 milliard de dollars de financement supplémentaires. Toujours mercredi, les deux plus grandes banques publiques, la Banque Misr et la Banque Nationale d’Egypte (NBE), ont émis des certificats de dépôt avec des taux d’intérêt élevés. Enfin, la BCE a annoncé que les banques allaient progressivement assouplir les limites imposées aux transactions en devises, ainsi que les restrictions sur l’utilisation des cartes de crédit en livre égyptienne pour les paiements en devises en Egypte.
La décision de dévaluer la livre et d’augmenter les taux d’intérêt a permis la finalisation de l’accord de financement avec le FMI. Les négociations entre l’Egypte et le FMI ont duré de longs mois. En décembre 2022, l’Egypte et le FMI avaient signé un accord de financement d’un montant de 3 milliards de dollars sur quatre ans. L’Egypte a reçu la première tranche de ce financement et devait recevoir les deuxième et troisième tranches en mars et en septembre 2023, mais celles-ci ont été reportées sur fond de différends avec l’institution monétaire. En octobre, l’Egypte a annoncé qu’elle avait convenu avec le FMI de fusionner les première et deuxième révisions de son programme de réforme économique, après des retards répétés de la première révision en raison de l’insuffisance des mesures prises par Le Caire selon les termes du FMI. Les négociations ont repris et une délégation égyptienne de haut niveau a visité Washington le 9 janvier pour engager des discussions avec l’équipe du FMI. Le 6 mars, le FMI annonçait qu’il amenait son programme de financement à l’Egypte à 8 milliards de dollars au lieu des 3 milliards initialement annoncés. « Face aux défis macroéconomiques devenus plus complexes à gérer en raison de l’impact de la guerre à Gaza sur le tourisme et les recettes du Canal de Suez, les services du FMI ont décidé d’examiner la demande des autorités d’augmenter le montant du financement accordé à l’Egypte de 2,35 milliards de DTS (l’équivalent d’environ 3 milliards de dollars) à 6,11 DTS (soit environ 8 milliards de dollars », a dit Ivanna Vladkova Hollar, cheffe de la mission du FMI en Egypte, lors d’une conférence de presse qui l’a réunie avec le premier ministre égyptien, Mostafa Madbouly, et le gouverneur de la BCE, Hassan Abdallah.
Préserver la stabilité macroéconomique
Les demandes du FMI étaient axées sur la libéralisation des taux de change et le rôle de l’Etat dans l’économie. Dans son communiqué de presse de fin de mission, le FMI a souligné que les discussions sur les politiques des programmes de réforme tournaient autour de six axes principaux. Il s’agit de l’adoption d’un taux de change flexible, du resserrement des politiques monétaires et fiscales et d’un ralentissement des dépenses dans les infrastructures pour réduire l’inflation et préserver la viabilité de la dette, tout en favorisant un environnement propice à l’activité du secteur privé.
« Ces politiques vont préserver la stabilité macroéconomique, restaurer la confiance et permettre à l’Egypte de gérer les défis associés aux récents chocs extérieurs », a souligné la mission du FMI dans un communiqué. « Les autorités font preuve d’une grande détermination à agir rapidement sur tous les aspects du programme de réforme économique soutenu par le FMI », a ajouté Hollar.
Les banques d’investissement et les économistes ont fait part de leur optimisme quant aux effets des mesures adoptées. « Dans les jours et les semaines à venir, la livre égyptienne se renforcera car les investissements de portefeuille augmenteront, le phénomène de la dédollarisation disparaitra, le prêt du FMI sera encaissé et les transferts des Egyptiens à l’étranger vers le secteur bancaire reprendront à nouveau », a souligné Farouk Soussa, économiste auprès de Goldman Sachs International, dans une note envoyée à l’Hebdo. Soussa s’attend à ce que le flottement de la livre encourage les détenteurs de devises en Egypte en dehors du système bancaire à dédollariser leurs avoirs. La Banque d’investissement internationale prévoit également une baisse de l’inflation, se situant autour de 15 % d’ici la fin de l’année. L’accord avec le FMI sera soumis à l’approbation de son conseil d’administration, qui se réunira avant la fin du mois, a déclaré Hollar. Goldman Sachs estime que les première et deuxième révisions seront mises à la disposition de l’Egypte après cette réunion à la fin du mois.
L’économie égyptienne a été relancée grâce à un engagement, il y a deux semaines, d’un investissement de 35 milliards de dollars des Emirats arabes unis, dont quelque 24 milliards de dollars en paiements directs pour les droits de développement de la région de Ras Al- Hikma sur la Côte-Nord. C’est ce projet qui a permis au gouvernement d’entreprendre finalement les mesures que les différentes parties concernées attendaient depuis plusieurs mois. Un premier paiement de 10 milliards de dollars est arrivé en Egypte la semaine dernière, allégeant les pressions sur le taux de change du dollar face à la livre sur le marché parallèle et réduisant la totalité de la dette extérieure du pays. En effet, l’accord stipule que les Emirats arabes unis renoncent à 11 milliards de dollars en dépôts auprès de la BCE, qui faisaient partie de la dette extérieure du pays. « Les partenaires internationaux et régionaux de l’Egypte joueront un rôle essentiel en facilitant l’application des réformes mises en place par les autorités. Dans ce contexte, le récent accord d’investissement de Ras Al- Hikma atténue les pressions financières à court terme », a souligné Hollar.
Satisfaire la demande en devises
Le ministre des Finances, Mohamed Maait, s’est exprimé sur cette question avec plus de détails lors d’une rencontre avec les membres de la Chambre américaine de commerce au Caire au lendemain du flottement. « Nous avions besoin de fonds en liquidités pour être sûrs de pouvoir satisfaire la demande en devises. L’accord de Ras Al-Hikma nous a aidés à avoir ces liquidités. Nous avons aussi insisté sur ce point dans nos longues discussions avec le FMI. La probabilité du succès augmente en présence des liquidités nécessaires. Nous avons travaillé pour obtenir ces liquidités, lorsque nous les avons eues, nous avons décidé de la date du flottement », a souligné le ministre.
L’Egypte a connu une pénurie de devises pendant plus d’un an et demi, ce qui a donné lieu à des difficultés sur le marché et pour les ménages. Un marché parallèle de change est né où le prix du dollar avait atteint à un moment les 70 L.E., avant de fléchir de manière relative. La baisse a été plus notable après la conclusion de l’accord de Ras Al-Hikma, mais la différence entre le taux officiel du dollar (31 L.E.) et celui du marché noir était toujours énorme. La hausse du dollar s’est traduite par une inflation galopante qui a atteint un record de plus de 40 % en septembre dernier.
Après Ras Al-Hikma, d’autres projets …
Plusieurs projets d’investissement susceptibles d’apporter à l’Egypte un flux de devises sont dans la ligne de mire du gouvernement. Ce dernier travaille en vue de conclure plusieurs accords avec des investisseurs étrangers pour garantir l’affluence des devises et la durabilité des réformes. Après le flottement de la livre, le Conseil des ministres a donné à Nilus Hotel and Commercial Services et à Nilus Residential Services l’autorisation de construire deux tours commerciales et résidentielles à la place de l’ancien siège du Parti National Démocrate (PND), selon une décision publiée au Journal officiel cette semaine. Les deux projets, d’une valeur totale de 5 milliards de dollars, devraient être achevés au deuxième trimestre 2028. D’autres accords sont prévus. L’un des accords les plus proéminents à suivre au cours de la période à venir est celui relatif à l’exploitation de la région de Ras Gamila, sur la mer Rouge. Le montant de cet accord devrait s’élever à plusieurs dizaines de milliards de dollars, le gouvernement a exprimé son intention de conclure un tel projet sans plus de détails. « Un comité a été formé afin de mettre en place une approche relative à l’exploitation de Ras Gamila, qui s’étend sur environ 160 km2 sur le littoral de la mer Rouge dans le Sud-Sinaï », a déclaré, le 26 février, le porte-parole du ministère du Secteur public, Mansour Abdel-Ghani. En outre, le gouvernement étudie trois offres finales d’achat de la compagnie Wataniya, qui appartient entièrement à l’Organisme des projets du service national (NSPO). L’Egypte a en outre signé sept protocoles d’accord avec des entreprises locales et internationales pour développer des projets d’hydrogène vert et d’énergies renouvelables d’une valeur de 41 milliards de dollars dans la zone économique du Canal de Suez au cours des dix prochaines années, selon un communiqué du Conseil des ministres. Le gouvernement égyptien a aussi pris des mesures pour confier la gestion et l’exploitation des aéroports du pays au secteur privé, selon un communiqué publié le 4 mars par le Conseil des ministres. Celui-ci a dit qu’il examinait une liste de bureaux de conseil de premier plan pour définir les critères d’évaluation techniques et financiers et proposer un cadre initial pour le calendrier des appels d’offres.
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