Le Liban est paralysé par des crises politiques et économiques ininterrompues depuis 2011. Le pays du Cèdre a échoué à réaliser des taux de croissance raisonnables. Ils ont à peine dépassé 1 % dans 3 années seulement depuis cette date. La crise a atteint son apogée dans les deux dernières années, impactée par les conséquences de la pandémie de Covid-19 combinées à celles de la guerre entre la Russie et l’Ukraine.
En effet, la pandémie a causé la chute des flux monétaires provenant du tourisme qui ont baissé de 8,7 milliards de dollars en 2019 à 2,3 milliards en 2020. Sur un autre plan, la guerre Russie- Ukraine a augmenté le coût des importations énergétiques, des médicaments et des céréales, sous l’effet de la baisse de l’offre dans le marché mondial. Le Liban se retrouve ainsi dans l’incapacité de rembourser une partie de ses dettes. Malgré la détérioration de la situation économique, il n’en demeure pas moins que le moteur réel de la crise émane de l’instabilité politique et de la division des principales forces politiques vis-à-vis de tous les dossiers régionaux ainsi que l’échec de la mise en oeuvre d’une politique qui mettrait le Liban à l’abri des crises régionales.
D’un autre côté, les dossiers internes ne sont pas moins compliqués, surtout en ce qui concerne le désarmement du mouvement chiite du Hezbollah ainsi que ses interventions militaires extérieures dont la facture pèse lourdement sur la stabilité du pays du Cèdre, facteur-clé sur lequel repose son économie. Par conséquent, à chaque fois que le spectre des tensions approche, la souffrance de l’économie libanaise gagne en acuité sous la pression du recul des revenus du tourisme et de la chute des transferts monétaires des Libanais résidant à l’étranger.
Un nouveau type de conflit
Les répercussions de la crise politique ont dépassé les impacts macro-économiques pour atteindre un niveau sans précédent de divergence entre le gouvernement et la Banque Centrale, les deux ailes de la politique économique du pays : le gouvernement assume la gestion du volet financier concerné par les taxes et les impôts entre autres, alors que la Banque Centrale est en charge du volet monétaire responsable du taux de change, de l’inflation et des taux d’intérêt. Chacun d’eux rejette aujourd’hui la responsabilité de la mauvaise gestion de la crise sur l’autre. Il s’agit d’un nouveau type de conflit économique propre au Liban, puisqu’il est supposé que ces deux parties travaillent en parfaite harmonie pour parvenir à une gestion rationnelle de l’économie du pays.
Ce conflit prend de l’ampleur à cause des positions politiques des formations libanaises qui insistent à impliquer la Banque Centrale dans les affaires politiques. Cela s’est clairement révélé dans la déclaration du vicepremier ministre, Saada Al-Shami, annonçant la faillite du Liban et sa Banque Centrale. Une information que cette dernière a tenu à nier avec force ; quitte à mettre en évidence l’ampleur de la complexité des divergences qui sévissent à l’intérieur de l’Etat à tous les niveaux.
Espoirs et défis
Cependant, cette déclaration en elle-même est considérée comme une lumière au bout d’un tunnel obscur dans lequel l’économie libanaise est plongée depuis 10 ans. Cette annonce est venue en marge des négociations du gouvernement libanais avec le Fonds Monétaire International (FMI) et dans le cadre de ses tentatives d’obtenir un prêt de 3 milliards de dollars conditionné par un programme de réforme économique structurelle qui vise à donner un élan à l’économie libanaise, afin d’attirer les transferts monétaires des Libanais à l’étranger et les investisseurs étrangers pour acheter la dette publique. Les autorités libanaises et l’équipe du FMI sont parvenues à un accord sur des politiques économiques globales qui pourraient être soutenues par un Accord de financement élargi (EFF) de 46 mois, dans l’objectif de retrouver la croissance et la durabilité financière. Et ce, avec la mise en oeuvre de 3 conditions principales : le parlement libanais doit notamment adopter un budget de réforme pour l’année 2022 ; approuver la nouvelle loi sur le secret bancaire, et enfin, entamer des négociations avec les créditeurs pour restructurer la dette publique. En effet, le fait de conclure un tel accord qui suscite de l’espoir d’autant plus que toute négociation avec le FMI, à la lumière de la complexité de la crise économique libanaise et des divergences politiques, est une tâche difficile en soi.
Cependant, le chemin est semé d’embûches, puisque la réussite des négociations nous a renvoyés à la case départ : cet accord doit être ratifié par le parlement libanais qui est en pleine division.
Mais d’un autre côté, l’espoir d’obtenir l’approbation du FMI est renouvelé essentiellement par le soutien international intensif qu’obtient actuellement le gouvernement libanais. La preuve en est le retour de la représentation diplomatique au niveau des ambassadeurs de pays arabes du Golfe après une période de rupture causée par des déclarations gouvernementales libanaises prononcées hors-contexte, alors que les grandes puissances, quant à elles, ont annoncé leur disposition à réinjecter des fonds destinés au développement en cas de démarrage du programme de réforme économique. Cela donne une impulsion aux partis libanais en conflit de dépasser leurs divergences au profit de l’intérêt national. En bref, la solution de la crise est mise aujourd’hui sur la table. Bien qu’elle vienne de l’étranger, sa mise en oeuvre attend le consensus de toutes les forces libanaises si elles veulent vraiment prendre le bon chemin et éviter d’autres dizaines d’années de souffrance.
*Economiste au Centre égyptien de la pensée et des études stratégiques (ECSS)
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