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Les interrogations de l’après-Vienne

Aliaa Al-Korachi , Mercredi, 06 avril 2022

Les négociations indirectes entre Téhéran et Washington sur l’accord nucléaire sont entrées dans leur phase finale. Mais quel sera l’impact d’un éventuel accord sur le rôle régional de l’Iran ?

Les interrogations de l’après-Vienne

Un accord  imminent ou une crise potentielle ? Les négociations en cours à Vienne pour relancer l’accord nucléaire iranien entrent dans une phase décisive. « La solution est tantôt proche, tantôt lointaine. Un accord est à portée de main mais il n’est pas garanti que nous puissions le conclure », vient de déclarer le chef de la diplomatie européenne, Josep Borrell. En fait, les négociations entre l’Iran et les pays signataires de l’accord nucléaire en 2015 ont repris début avril 2021. Après presque un an et 8 rounds de négociations, un optimisme prudent règne aujourd’hui à Vienne. Un accord avec l’Iran est-il vraiment à portée de la main ? Selon Amr Abdel-Atty, expert des affaires américaines au Centre des Etudes Politiques et Stratégiques (CEPS) d’Al-Ahram, « les pays participant aux négociations, que ce soit les Etats-Unis, les pays occidentaux ou l’Iran, échangent les déclarations, depuis début mars, et affirment la possibilité de conclure un accord très prochainement. Cependant, certaines questions sont encore en suspens ». Parmi ces questions figure le sort des Gardiens de la Révolution, armée idéologique de l’Iran, inscrits par Donald Trump sur la liste noire américaine des organisations terroristes. Téhéran exige qu’ils en soient retirés, mais Washington n’y est pas favorable jusqu’à présent. « Nous avons transmis au côté américain, via le négociateur de l’Union Européenne (UE), nos propositions sur les questions en suspens, et la balle est à présent dans le camp des Etats-Unis », a déclaré Hossein Amir-Abdollahian, ministre iranien des Affaires étrangères. Autre question en suspens : les garanties réclamées par la Russie à Washington que la coopération future de Moscou avec l’Iran dans le domaine du nucléaire civil ne sera pas affectée par les sanctions adoptées à cause de la guerre en Ukraine. « Tous ces obstacles limitent les chances de parvenir à un accord à moins que les Etats-Unis ne fassent plus de concessions et ne sacrifient certaines de leurs relations régionales et internationales en faveur de la relance de l’accord », ajoute Abdel-Atty.

Les intérêts américains

Quels sont donc les intérêts américains de ressusciter l’accord de 2015 ? Selon Abdel-Atty, « on peut expliquer cette flexibilité américaine inhabituelle depuis le début des négociations par la volonté de Biden d’accélérer le retour du pétrole iranien sur le marché international afin de compenser le manque de pétrole russe, ainsi que de réduire les effets de l’inflation ressentie même aux Etats- Unis, qui n’importent pas de pétrole iranien ». « La crise iranienne est l’une des priorités de la politique étrangère de Biden au Moyen-Orient. C’est pourquoi il a nommé un nouvel émissaire américain pour l’Iran dès son premier jour à la Maison Blanche. Restreindre la capacité de l’Iran à produire des armes nucléaires pourrait constituer une autre réalisation pour l’Administration démocrate, surtout avec l’approche des élections de mimandat », ajoute le spécialiste. Autre raison : améliorer l’image des Etats-Unis à l’étranger qui s’est fortement dégradée à cause du retrait américain chaotique de l’Afghanistan et de la guerre en Ukraine.

C’est pourquoi, comme l’explique Abdel- Atty, Washington cherche à renforcer son rôle sur la scène mondiale en menant les efforts internationaux pour isoler Moscou. Par conséquent, la conclusion d’un accord signifie que la Russie a échoué dans ses efforts pour faire saboter les pourparlers et pour atténuer les sanctions économiques qui lui sont imposées.

Répercussions régionales

Quel est l’impact d’un accord éventuel sur le projet régional de l’Iran ? La signature d’un accord n’impliquerait pas nécessairement une baisse des tensions au Moyen-Orient, c’est ce qu’explique Megahed Al-Zayat, expert stratégique, avant de souligner que les interrogations de l’après-Vienne sont très nombreuses.

« La conclusion de l’accord placerait la région face à des défis géopolitiques sans précédent », explique Al-Zayat. Et d’ajouter : « On peut s’attendre à la réussite des pourparlers. Et cela aura un impact fort sur le projet régional iranien pour plusieurs raisons : Premièrement, la levée des sanctions veut dire le retour de l’Iran comme puissance régionale, ce qui permettra à Téhéran de restaurer ses capacités économiques et financières, et par conséquent, maximiser ses dépenses sur son projet expansionniste. Deuxièmement, les constantes iraniennes sur lesquelles repose le projet iranien restent intactes : le programme de missiles balistiques de l’Iran et ses politiques régionales, notamment son soutien aux groupes armés dans plusieurs pays arabes. Troisièmement, la signature par les Etats-Unis de l’accord sera un moyen puissant pour dissuader Israël de menacer les installations nucléaires iraniennes ».

« La vraie problématique qu’affronte la finalisation de l’accord est le manque de confiance entre les négociateurs à Vienne et l’Iran. Chacun est pressé de parvenir à un accord pour servir ses intérêts, dépassant ainsi toutes les capacités de négociation. Entre accepter certaines revendications puis s’en retirer, les négociations se prolongent et oscillent entre progrès et régression », conclut Al- Zayat.

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