« Ce sont les enfants qui paient le plus lourd tribut du travail de leurs parents dans le service diplomatique. La diplomatie offre à tous ceux qui se marient et vivent avec leurs enfants à l’étranger une formidable occasion d’élever ses enfants selon des concepts différents, avec de l’ouverture et de la connaissance mutuelle, de la diversité et de l’acceptation des différents modèles. Cependant, cette vie affecte certains enfants de diplomates de troubles psychologiques dus aux conditions constantes de mouvement, la perte d’amis qui en résulte, le changement d’école, de voisins et d’autres choses qui affectent négativement la psychologie des enfants ». Ainsi avait expliqué aux médias le sous-secrétaire de la Ligue arabe, l’ambassadeur Hossam Zaki, les défis que confronte un diplomate. Il est d’usage pour un diplomate de se déplacer d’un endroit à un autre tous les 4 ans, ce qui est parfois soumis à des exceptions spéciales. Et d’une ville à l’autre, on change de maison et d’entourage. On s’accommode à de nouvelles coutumes et cultures, pour tout recommencer quelques années plus tard.
D’après la femme d’un diplomate qui a requis l’anonymat, il existe un revers de la médaille à la vie fascinante d’un diplomate : le changement de style de vie de la famille selon l’endroit où elle s’installe. « Le fait d’être confronté à des cultures différentes, parfois en contradiction avec nos propres valeurs. Ceci peut provoquer une certaine confusion chez les enfants », dit-elle. Fils de diplomate, Moataz, 35 ans, avoue qu’il n’a ni souvenirs d’enfance, ni amis, ni photos. Dès l’âge de 6 ans, il n’a cessé de changer de pays, de maisons, d’écoles et de connaissances. Cela a influencé sa vie, car il est devenu tout à fait capable de « tourner la page » très facilement avec une personne ou un endroit et les laisser sans regret. Il n’est plus attaché à rien. « Chaque quatre ans, une nouvelle vie commençait dans un pays qui pouvait être complètement différent du précèdent. Par exemple, ici on donne beaucoup d’importance aux activités sportives, là on veille jusqu’à tard le soir, etc., et c’est à moi de s’adapter chaque fois de nouveau sur le nouveau style de vie ». D’ailleurs, Moataz affirme que ces diverses cultures ont beaucoup enrichi sa personnalité, il a une vision plus globale vers son pays natal et vers lui-même.
Se chercher une identité
Or, Moataz ne se sentait pas détaché de son pays, car ses parents tenaient par tous les moyens de lui faire rappeler qu’il est égyptien. La famille passait toutes les vacances en Egypte avec les cousins et les grands-parents. En plus des programmes que Moataz apprenait dans les écoles internationales, son père insistait sur le fait qu’il étudie le curriculum égyptien et qu’il passe les examens à l’ambassade. A la maison, la famille regardait toujours les films, les pièces de théâtre et les épisodes égyptiens. Après l’école, le père a insisté sur le fait que son fils rejoigne les universités égyptiennes, alors il s’est installé au Caire avec la mère, et lui, il venait chez eux en vacances.
Les familles des diplomates se trouvent probablement toujours sur cette croisée de route et sont obligées de choisir entre garder la famille unie tout le temps dans un état de voyage jusqu’à la fin du mandat diplomatique. Ou la famille décide que les enfants s’installent en Egypte avec la mère et que le père revient chez eux en vacances. « Deux options, à la fois difficiles et toutes deux vraies », dit l’ambassadeur Gamal Bayoumi, ancien ministre adjoint des Affaires étrangères. Personnellement, il avait dû être séparé de ses enfants pendant son séjour en Allemagne en raison de leur association avec l’éducation en Grande-Bretagne, ce qui était dur pour lui et sa femme, mais il était fermement établi dans leur esprit que le plus difficile est de changer les cours de l’éducation des enfants en raison de la nécessité et de la rapidité des déplacements d’un pays à l’autre.
« Le véritable gain pour les familles des diplomates est de donner aux enfants la chance d’une éducation bonne et distinctive, même si la famille en supporte les coûts. C’est un bon investissement », explique Son Excellence. Pour certains, l’inscription des enfants dans des écoles répandues à travers le monde, telles les écoles américaines, britanniques ou françaises, est une solution idéale qui évite aux familles de diplomates de se disperser et de se séparer. Mais l’ambassadeur Bayoumi affirme que les salaires et les indemnités des diplomates dans certains pays arabes peuvent ne pas couvrir les frais de ces écoles, qui sont relativement élevées, soulignant qu’« elles soutiennent le diplomate, mais dans une faible mesure ». Fournir une bonne éducation aux enfants, enrichir leur personnalité, diversifier leur culture, accepter les différences sous toutes leurs formes et parler couramment les langues sont les gains les plus importants réalisés pour leurs enfants, comme le confirme Nadia, femme d’ambassadeur et mère de deux garçons.
Savoir s’adapter, mais …
Le Ramadan, une occasion pour vivre l’ambiance comme au pays.
« Je vois qu’ils sont devenus spéciaux à tous les niveaux grâce à l’expérience de la transition continuelle. L’instabilité au même endroit pour longtemps leur a donné certaines compétences, tels le pouvoir de s’adapter, être capable de se protéger et de recommencer à zéro facilement parce qu’ils y sont habitués », dit Nadia. Cependant, elle ne nie pas que ses fils se plaignent toujours qu’ils n’ont pas d’amis permanents nulle part et qu’ils ne peuvent pas s’identifier ni comme Egyptiens, ni étrangers, parce qu’ils vivaient à l’étranger comme ils vivaient à l’intérieur, et parce qu’ils ne sont associés nulle part. Nadia dit que l’un de ses fils a toujours causé des problèmes dans chaque nouvelle école où il déménage juste pour attirer l’attention et se créer une place parmi des camarades qui, tout compte fait, ne resteront pas ses amis pour longtemps. Si c’est le sentiment des enfants de diplomates en général, la situation est encore compliquée si l’un des parents est un étranger. C’est le cas de Mariam, 37 ans, fille d’un père diplomatique égyptien et d’une mère étrangère.
Elle a passé sa vie, depuis l’âge de 4 ans, voyageant entre les capitales du monde. « Je n’ai jamais eu le sentiment d’appartenance à un endroit. C’est peut-être l’école qui est le seul endroit où je me sens appartenir parce que j’ai toujours été à la même école internationale, car elle a des branches dans la plupart des pays du monde », s’exprime Mariam.
La famille avait l’habitude de retourner en vacances en Egypte pour passer des vacances avec la famille du père. Parfois sa maman la prenait avec sa soeur pour des visites à son pays, mais comme elles n’y restaient pas longtemps, Mariam n’a pas pu bien maîtriser la langue, et jusqu’à aujourd’hui, elle ne perfectionne pas la langue du pays de sa mère alors qu’elle maîtrisait et comprenait beaucoup d’autres langues et dialectes étrangers. Même en Egypte, elle a l’impression d’y vivre avec l’esprit d’une personne étrangère parce qu’elle a appris, vécu et expérimenté la culture des étrangers. « Je n’étais associée ni aux coutumes ni aux rituels, parce que je ne les ai pas vécus, d’ailleurs, je n’ai ni amis de longue date, ni amis d’enfance. Quand Facebook est né, j’étais très heureuse, ça m’a permis de retrouver le contact avec des anciens camarades de classe, même si au fond, on n’est et on ne sera plus vraiment amis », dit Mariam.
D’après le psychiatre Ibrahim Magdi, les problèmes identitaires sont en général devenus une caractéristique des nouvelles générations en raison de la mondialisation et d’autres choses. Mais pour les enfants de diplomates, c’est un phénomène remarquable en raison des mouvements fréquents et du manque d’attachement aux souvenirs, aux choses, au mode de vie et à un environnement présent en permanence. Cette situation, d’après les études, c’est l’une des situations les plus stressantes de l’existence. Cependant, cette anxiété, continue Magdi, peut être actuellement un peu moins sentie à cause de la technologie qui a beaucoup facilité la communication.
Lien court: