Stabillité, paix et développement. Tels sont les trois principes-clés sur lesquels se fonde l’action de la diplomatie égyptienne qui vient de célébrer son centenaire le 15 mars. Le président Abdel-Fattah Al-Sissi l’avait toujours rappelé : « L’Egypte est soucieuse d’établir des relations équilibrées et d’instaurer la paix et la stabilité pour le bien de l’humanité ».
Le 15 mars 1922 est le jour où le ministère des Affaires étrangères a repris sa mission, sept ans après son abolition par la proclamation du protectorat britannique sur l’Egypte en 1914. Un mois après la déclaration d’indépendance de l’Egypte, le ministère britannique des Affaires étrangères a adressé une lettre à tous ses représentants à l’étranger, les informant du « nouveau statut juridique de l’Egypte », statuant que « le gouvernement égyptien a désormais le droit légal d’exercer librement ses relations avec d’autres pays par l’intermédiaire de son ministère des Affaires étrangères ».
Cependant, la première étape concrète pour établir une représentation diplomatique de l’Egypte à l’étranger est intervenue en 1923, lorsque le roi Fouad a émis un décret nommant quatre chefs de mission diplomatique à Londres, Paris, Washington et Rome. Et ce n’est qu’après la signature du traité de 26 août 1936, qui a mis fin à l’occupation militaire britannique, que l’Egypte a pu rejoindre la Société des Nations. Ce qui a permis à la diplomatie égyptienne de jouer un rôle plus actif sur la scène internationale. L’Egypte compte aujourd’hui plus de 160 ambassades et consulats aux quatre coins du monde. Tout au long de son existence, le ministère des Affaires étrangères a joué plusieurs rôles, mené des batailles diplomatiques des plus dures, fait face à des problèmes variés et ouvert de nouveaux cercles d’influence, tout en ayant un seul but : faire entendre « la voix indépendante de l’Egypte ». Le ministère des Affaires étrangères a déménagé plus d’une fois au cours de son histoire. Au début, il était logé dans des palais qui lui avaient été attribués par la famille royale de Mohamad Ali, le palais Al-Bostane à Bab Al-Louq, le palais Al-Tahrir à Garden City. Puis, au début des années 1950, sous l’ancien président Gamal Abdel- Nasser, l’Etat a approuvé la construction d’un grand bâtiment en forme de fleur de lotus surplombant le Nil pour être le siège du ministère des Affaires étrangères. Il a fallu attendre près de 40 ans pour que ce bâtiment, situé près du siège de la télévision, soit inauguré au début des années 1990 sous l’ancien président Hosni Moubarak. Aujourd’hui, ce n’est qu’une question de temps avant que le ministère des Affaires étrangères ne déménage à nouveau dans son nouveau bâtiment construit sur une superficie de 55 000 m2 dans la Nouvelle Capitale administrative.
La naissance de la diplomatie moderne
Bien que la date du 15 mars 1922 soit considérée comme un « tournant important dans le parcours du ministère égyptien des Affaires étrangères », l’histoire nous indique que la diplomatie égyptienne est la plus ancienne au monde. Les murs des temples pharaoniques ont enregistré la signature du premier traité de paix de l’histoire après la bataille de Qadech en 1258 av. J.- C. entre Ramsès II et les Hittites.
De même, bien avant 1922, le gouverneur Mohamad Ali a ordonné en 1818 à Bagous bey Youssefian, un Egyptien d’origine arménienne, d’assumer le rôle de traducteur et d’être en contact direct avec les représentants des communautés étrangères établies en Egypte, grâce à sa parfaite connaissance des langues étrangères (voir Historique page 7). Une centaine d’années plus tard, la montée en puissance du sentiment national contre l’occupation britannique a constitué les prémices de la diplomatie égyptienne moderne. « Les années 1920 était une période d’éveil du sentiment national, décrite par de nombreux écrivains et penseurs de la période de la Grande Renaissance dans l’histoire moderne de l’Egypte », a expliqué Amr Moussa, ancien ministre des Affaires étrangères et ex-secrétaire général de la Ligue arabe, lors d’un colloque organisé par la Fondation Kemet Boutros Ghali pour célébrer le centenaire du ministère des Affaires étrangères (voir Ils ont dit page 4). La naissance de la diplomatie égyptienne est survenue après la grande révolution populaire de 1919, qui a traduit la volonté des Egyptiens de mettre fin à l’occupation, à l’aube d’une nouvelle ère mondiale après la fin de la Première Guerre mondiale. Une époque où des concepts, tels « le droit à l’autodétermination » et « le nouveau monde », ont émergé, a souligné Moussa, avant d’ajouter que « cette période a vu la naissance de la diplomatie égyptienne dans sa forme moderne».
« Le ministère des Affaires étrangères a représenté toujours la voix indépendante de l’Egypte, avant même que son indépendance ne soit totale », explique Ahmad Youssef, politologue. Et d’ajouter : « Les réactions équilibrées et neutres, mais actives, adoptées par la diplomatie égyptienne face aux crises internationales, même avant la Révolution de 1952, découlaient toujours des considérations purement nationales. Bien que l’Egypte ait été à cette époque un petit pays soumis encore à la présence d’un colonisateur, la diplomatie égyptienne a réussi à résister à de nombreuses pressions, tel son refus de reconnaître l’Union soviétique ou de prendre une position contre Cuba ».
« Consolider l’indépendance nationale » était sa mission numéro 1, comme l’explique Youssef. Après la Révolution de 1952, l’Egypte a adopté un projet régional basé sur le soutien aux mouvements de libération nationale dans le monde arabe et en Afrique. Ainsi, la dynamique du ministère des Affaires étrangères s’est fortement intensifiée, notamment après la participation de l’Egypte à la création du Mouvement des pays non alignés. Agression tripartite en 1956, guerre d’Octobre en 1973, récupération de Taba en 1898, tant de batailles diplomatiques menées avec succès par l’Egypte.
Une politique étrangère à multiples facettes
Aujourd’hui, la diplomatie de l’Egypte repose sur les outils de sa puissance globale : politique, militaire, économique et culturel. Elle fonctionne selon un système de principes fondamentaux : la défense des intérêts nationaux, la non-ingérence dans les affaires intérieures des Etats et le déploiement de la diplomatie économique au service du développement. « Le ministère des Affaires étrangères a toujours été en mesure de formuler des réponses judicieuses et rationnelles face aux défis émergents », souligne Youssef.
Dans son livre La Philosophie de la Révolution, Gamal Abdel-Nasser a identifié les trois cercles fondamentaux de la diplomatie égyptienne : arabe, africain et islamique. Mais l’Egypte ne se cantonne pas dans ses cercles traditionnels tant que la situation oblige d’ouvrir de nouveaux cercles d’influence et canaux diplomatiques pour défendre les intérêts vitaux de l’Egypte, comme l’explique Youssef. Le politologue donne l’exemple de la Déclaration du Caire en 2014, émise à l’issue du sommet tripartite entre l’Egypte, la Grèce et Chypre. Visant à sécuriser les sources d’énergie, elle a créé une nouvelle sphère d’influence en Méditerranée pour l’Egypte, notamment après la création du Forum du gaz de la Méditerranée orientale. La région de la mer Rouge occupe également une importance particulière dans la stratégie égyptienne, notamment après l’élargissement du Canal de Suez et la création de l’axe de développement de cette zone. C’est pourquoi l’Egypte tient à participer aux efforts internationaux et régionaux pour assurer la liberté de navigation dans la mer Rouge. Et c’est pour cette raison qu’elle a signé en 2020 la charte du Conseil des pays arabes et africains riverains de la mer Rouge et du golfe d’Aden.
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