L Egypte va b n ficier de la hausse des prix du gaz naturel au niveau mondial. (Photo : Reuters)
L’attaque de la Russie contre l’Ukraine a eu ses répercussions sur l’économie mondiale, et l’économie égyptienne n’y échappera pas. Après le lancement de l’offensive, les prix mondiaux du pétrole et du gaz naturel se sont envolés pour atteindre leurs niveaux les plus élevés depuis 2014. Dès l’entrée des forces russes en Ukraine le 24 février, le prix de brent de la mer du Nord et celui de West Texas Intermediate (WTI) ont augmenté de 7,84 % et de 7,31 % respectivement, pour atteindre 104,43 dollars et 98,81 dollars. Le prix du gaz naturel a aussi connu une hausse importante (40 %) pour atteindre 44 euros pour chaque million d’unité thermique, contre 26 dollars la veille de l’attaque. « Les pays exportateurs d’énergie, comme les pays du Golfe, sont les seuls bénéficiaires de cette envolée des prix, alors que les impacts seront graves sur les pays importateurs. Tant que l’Egypte est un importateur net du pétrole, il y aura des répercussions sur le déficit budgétaire (estimé à 6,9 % du PIB en 2021-2022) et la balance des paiements au cours de la prochaine période », prévoit Hussein Suleiman, chercheur économique au Centre des Etudes Politiques et Stratégiques (CEPS) d’Al-Ahram.
Le gouvernement égyptien a basé ses calculs pour le budget étatique 2021-2022 sur un prix du baril de pétrole de 61 dollars, alors que son cours a dépassé la barre de 100 dollars. « La poursuite de la hausse des prix du pétrole dans le monde affectera négativement le budget. Mais il est difficile de prédire l’ampleur de cet impact au moment actuel », a déclaré le député Yasser Omar, membre de la commission de la planification et du budget au Conseil des députés.
Selon les rapports de la Banque Centrale d’Egypte (BCE), la valeur des importations de l’Egypte des produits pétroliers a augmenté au cours du premier trimestre de l’année financière 2021-2022, pour atteindre 1,79 milliard de dollars contre 1,74 milliard de dollars au cours du trimestre précédent, et 0,66 milliard de dollars au cours de la même période de l’année dernière. « La balance commerciale pétrolière a réalisé un déficit de 101,1 millions de dollars au cours du premier trimestre de l’année fiscale 2021-2022, contre un surplus de 143,7 millions de dollars au cours de la même période de 2020-2021 en raison de la hausse des cours du pétrole au niveau mondial et la hausse des quantités importées par rapport à celles exportées », a indiqué le communiqué de presse publié sur le site électronique de la banque.
Même si l’Egypte reste un importateur net du pétrole, le pays a réussi à atteindre l’autosuffisance en gaz naturel il y a 4 ans et est entré dans le rang des pays exportateurs. Existe-t-il donc des chances de profiter de la hausse des prix du gaz au niveau mondial ? Yasser Omar prévoit la hausse de la demande sur le gaz égyptien pour compenser le manque d’approvisionnement en gaz russe vers l’Europe. Mais Hussein Suleiman écarte cette possibilité à court terme, vu le volume des quantités exportées de l’Egypte par rapport aux autres pays tels que le Qatar. « Il y aura une hausse des recettes des exportations en termes de valeur plutôt que de quantité », assure Suleiman. La Russie fournit environ 30 % de l’approvisionnement européen en pétrole, elle fournit à l’Europe 40 % du gaz importé. Par ailleurs, l’Ukraine est l’une des principales routes de transit pour le gaz entre Moscou et l’Union européenne.
Selon un rapport publié par la Natural Gas Holding Company, les exportations totales de Gaz Naturel Liquéfié (GNL) de l’Egypte ont enregistré 3,5 millions de tonnes au cours du premier semestre de l’exercice en cours. Le secteur prévoit d’augmenter ces exportations pour qu’elles se situent entre 7,4 et 7,5 millions de tonnes d’ici la fin de l’exercice en cours.
Impact sur l’inflation
Il ne fait aucun doute que la hausse des prix de l’énergie au niveau mondial exacerbera les pressions inflationnistes en Egypte. L’économiste Hussein Suleiman et le chercheur non résident à l’Institut Carnegie Moyen-Orient, Amr Adly, prévoient tous deux à l’Hebdo la hausse des taux d’inflation au cours des prochains mois à des niveaux dépassant les objectifs de la BCE (7 %). « La hausse des prix du pétrole va inciter le comité gouvernemental de tarification de carburant à augmenter les prix des produits pétroliers dans sa prochaine révision périodique en avril. Cette hausse va peser lourdement sur les coûts du transport, entraînant ensuite la hausse des prix des biens », prévoit Amr Adly. Il ajoute que le gouvernement n’a pas augmenté les prix des produits pétroliers avec le même taux qui a atteint le niveau mondial, et a préféré augmenter les prix de seulement 25 piastres sur une base trimestrielle, avec la stabilité continue du prix du diesel. L’objectif est de ne pas affecter les prix des biens pour le consommateur. De même, la hausse des prix des céréales et des denrées alimentaires au niveau mondial (voir colonne), en particulier le blé, favorise les pressions inflationnistes.
Une prévision approuvée par Hussein Suleiman qui explique à l’Hebdo qu’il y aura un autre facteur qui va s’ajouter à la hausse des prix d’énergie et des denrées alimentaires : la hausse probable des cours du billet vert. « Il y aura des pressions sur le dollar en raison de la guerre et la chute probable des revenus du tourisme qui dépend en grande partie sur le tourisme russe. A cela s’ajoute la sortie probable des investissements étrangers dans les titres d’endettement gouvernementaux suite à l’état d’instabilité régnant sur les marchés des capitaux. Les cours du dollar vont donc passer à 17 L.E. contre 15,6 L.E. actuellement », prévoit-il. Selon la BCE, le taux annuel d’inflation a augmenté à 6,3 % en janvier contre 6 % en décembre. Une tendance ascendante qui sera accélérée sous l’effet de la guerre et l’instabilité des marchés.
Lien court: