L’impact de l’Intelligence Artificielle (IA) sur le marché du travail est devenu une réalité indéniable. Les travailleurs dans le monde entier craignent que cette technologie ne les remplace, surtout après le lancement de ChatGPT en novembre 2022, qui a marqué l’entrée au grand public de l’IA générative, c’est-à-dire des programmes capables de générer des textes, des images ou des voix extrêmement proches de ce que pourrait faire un être humain. Dans ce contexte, de nombreuses études ont été élaborées pour scruter à quel point l’IA peut avoir une influence sur les différents métiers. Ce sujet a même occupé une place centrale au sein des débats du dernier Forum économique mondial (WEF) de Davos tenu en janvier dernier. Préoccupés par l’avenir de l’emploi, les dirigeants, les économistes et les hommes d’affaires de la planète se sont penchés sur un rapport élaboré par le Fonds Monétaire International (FMI) sur cette question. Intitulé « L’IA générative et l’avenir de l’emploi », le rapport paraît plutôt alarmant. Il révèle que l’IA pourrait avoir un impact sur environ 60 % des emplois dans les pays développés, 40 % dans les pays émergents et 26 % dans les pays à faible revenu. Dans ce même contexte, une étude de la banque américaine Goldman Sachs a mis en garde en 2023 que les systèmes d’IA générative, à l’instar de ChatGPT, pourraient entraîner des perturbations importantes sur le marché du travail et affecter environ 300 millions d’emplois à temps plein dans le monde.
Perfectionner les emplois
Pourtant, une autre analyse de l’Onu semble plus optimiste. En effet, l’Organisation Internationale du Travail (OIT) estime que la plupart des emplois sont susceptibles d’être « perfectionnés » et non « remplacés » par l’IA. Autrement dit, cette nouvelle technologie peut être bénéfique.
Selon l’étude, ce sont les emplois de bureau qui sont les plus exposés à l’IA, avec près d’un quart des tâches considérées comme très exposées et plus de la moitié présentant un niveau d’exposition moyen. En effet, les programmes de l’IA sont aujourd’hui capables de rédiger des mails, de gérer des emplois du temps ou encore de transformer des paroles orales en textes écrits à une vitesse plus grande que celle des êtres humains. Et comme ce sont les femmes qui occupent le plus les emplois de bureau, elles pourraient être deux fois plus exposées à ce changement que les hommes.
Le principal obstacle au fait que l’IA remplace les hommes dans certains emplois est son coût encore élevé. C’est ce que confirme une étude du Massachusetts Institute of Technology (MIT) qui soutient l’idée que l’IA est encore loin de remplacer les êtres humains, car elle est encore trop coûteuse pour prendre aux hommes leurs emplois. Les chercheurs du MIT se sont penchés sur les professions où la vision artificielle pourrait être utilisée. Ils ont constaté que 23 % seulement des tâches accomplies par les hommes peuvent être remplacées de manière rentable par l’IA et qu’il faudra encore des décennies pour que la vision par ordinateur soit rentable pour les entreprises, même avec une baisse des coûts de 20 % par an. En réalité, la balance continue à pencher en faveur des êtres humains sauf dans certains secteurs comme le commerce, le transport et les soins de santé. « A l’heure actuelle, seulement 23 % des tâches peuvent être automatisées de manière rentable, mais ce pourcentage peut atteindre 40 % d’ici 2030 si les coûts opérationnels diminuent et si la précision de l’IA s’améliore », peut-on lire dans l’étude du MIT. Même si le coût de l’IA diminue de manière remarquable d’ici 2042, il y aura toujours des tâches où le travail humain aura encore l’avantage d’être moins coûteux.
Il est à noter que l’étude du MIT a porté sur le marché du travail aux Etats-Unis, où les salaires sont élevés. Par conséquent, sur les marchés des pays en développement, où les salaires sont relativement bas, le résultat sera certainement en faveur des êtres humains, car le coût de leurs salaires sera bien inférieur au coût exorbitant de l’exploitation de l’IA.
Peu d’impact sur le marché égyptien
Selon Abir Fouad, directrice générale du département des informations sur le marché du travail au ministère du Travail, la 4e révolution industrielle, caractérisée par l’apparition de l’IA, a accru la demande sur les métiers relatifs à l’informatique et aux télécommunications sur le marché égyptien du travail. Elle mentionne, entre autres, les ingénieurs et les techniciens en électronique et en télécommunications, ainsi que les mécaniciens et les techniciens d’assemblage des équipements électroniques et électriques.
Cependant, Abir Fouad mentionne une étude élaborée par le ministère du Travail sur le marché égyptien qui révèle que bien que l’Egypte possède un fort potentiel en matière de mécanisation qui va jusqu’à 48 % des emplois, il est peu probable que ce chiffre soit atteint, car le pays ne possède pas les cadres nécessaires en matière d’IA.
« L’automatisation va changer la nature du travail humain plutôt que de le remplacer. D’où la nécessité d’acquérir de nouvelles compétences pour réduire l’impact négatif des changements technologiques sur l’emploi et sur le marché du travail », précise Abir Fouad. Mais quelle formation faut-il pour être en mesure de suivre les évolutions de l’IA ? Le rapport 2023 du WEF, qui étudie l’évolution de l’emploi sur une durée de 5 ans, conseille aux étudiants d’aujourd’hui, « quel que soit leur domaine de prédilection », de « développer leurs compétences générales afin de s’adapter à un avenir en constante et rapide transformation ». C’est-à-dire que les étudiants ne doivent pas se surspécialiser dans un domaine, mais plutôt être capables d’utiliser et de maîtriser des outils d’analyse, de traitement et de production quel que soit le domaine d’activité.
Quant aux travailleurs, le WEF les appelle à « développer leurs compétences d’apprentissage et de se perfectionner », notamment ceux qui travaillent déjà dans des secteurs affectés par l’IA. Il appelle les autres à faire « un effort important pour se reconvertir ou participer à la transition ».
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