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Attaques virulentes contre la presse d'opposition

Aliaa Al-Korachi et Héba Nasreddine, Mardi, 04 décembre 2012

Les Frères musulmans se déchaînent contre les médias et les journalistes d’opposition. Licenciements, pressions et fermetures de studios s’ajoutent à un article contesté sur la presse dans le projet de Constitution.

les Frères musulmans.
Une campagne féroce est lancée contre les medias par les Frères musulmans.

Devant l’Université du Caire, une grande affiche rassemblant des portraits de présenta­teurs télé est frappée à coups de chaussures par les manifestants islamistes. Des slogans contre les médias « corrompus » et « infil­trés » se font entendre. Les Frères musulmans ont déjà établi une « liste noire » des journa­listes, alors que Mohamad Morsi avait affirmé quelques jours auparavant que certaines chaînes avaient été lancées uniquement pour « déformer la réalité ».

La volonté des Frères musulmans de s’atta­quer aux journalistes après ledit « massacre des juges » ne fait plus de doute. L’attaque contre les médias s’est notamment manifestée par la déclaration de Mohamad Badie, guide de la confrérie, qui a qualifié les journalistes de « sorciers du pharaon » en allusion aux magiciens qui cherchaient à influencer Moïse.

Pour Yasser Abdel-Aziz, expert en commu­nication et média, cette déclaration est le point de départ d’une campagne féroce des Frères qui a débuté avec lesdites « commissions élec­troniques », sorte de groupes dirigés par les Frères et destinés entre autres à lancer des campagnes pour diffamer les journalistes.

Le nouveau régime semble en effet adopter les mêmes mécanismes que son prédécesseur pour s’assurer une mainmise sur les médias nationaux. « Morsi s’est attelé dès les pre­miers jours de son investiture à se doter de tous les outils exécutifs pour imposer son contrôle sur la presse », avance Abdel-Aziz.

« Père illégitime de la presse »

Le Conseil consultatif (Chambre basse du Parlement) à majorité islamiste, et considéré par beaucoup de journalistes comme « le père illégitime de la presse », a nommé les PDG et rédacteurs en chef des journaux gouverne­mentaux, dont plusieurs sont proches des islamistes. Fait sans précédent : le Conseil consultatif insiste sur le fait de limoger le rédacteur en chef du journal gouvernemental Al-Gomhouriya, Gamal Abdel-Réhim, allant ainsi à l’encontre d’un verdict de la justice le maintenant à son poste.

En outre, un nouveau ministre de l’Informa­tion, appartenant aux Frères, Salah Abdel-Maqsoud, a été nommé. Une figure très contestée par les travailleurs du secteur. Il a déféré des présentateurs, qui critiquent le nouveau pouvoir, devant une commission de discipline et n’a pas hésité à suspendre cer­taines émissions. Une autre liste noire est établie : celle des invités s’opposant aux Frères qui sont désormais interdits d’antenne sur les écrans de la télévision publique ou à la radio. La ligne éditoriale n’est plus dissimu­lée : faire la propagande du régime en place.

Quant aux chaînes de télévision privées, ni les Frères ni la présidence n’hésitent à appeler leurs responsables pour exiger une interven­tion « équilibrée ». Les membres de la confré­rie et leurs alliés salafistes ont submergé les chaînes privées d’appels pour défendre leurs points de vue.

Dream TV privée d’antenne

Le recours à une interprétation juridique controversée a aussi conduit à la fermeture provisoire des studios de la chaîne Dream TV. Une démarche qui s’est accompagnée par une série de procès ciblant des chaînes privées ou des journalistes. Aujourd’hui, la chaîne Al-Faraeen est définitivement fermée à la suite d’un verdict judiciaire accusant son proprié­taire, Tewfiq Okacha, « d’incitation au meurtre du président et au renversement du pouvoir ». « C’est une stratégie pour terroriser et intimi­der l’opposition », estime Gamal Fahmy, membre du conseil du syndicat des Journalistes.

Une confrontation pointe à l’horizon. La législation est instrumentalisée pour contrôler les médias. L’interdiction de peines d’empri­sonnement pour les journalistes — pour des délits liés à leur travail — est absente du projet final de Constitution. En revanche, ce projet stipule la création d’une organisation nationale pour la presse et les médias (article 216), char­gée de gérer les institutions publiques et de « garantir leur engagement à la performance professionnelle ». Une formule vague qui ouvre la porte à tous les excès l

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