La Haute Cour Constitutionnelle (HCC) vient de juger inconstitutionnel l’article 3 de la loi sur le découpage électoral. L’article en question concerne les 237 circonscriptions où 420 députés devaient être élus suivant le système de vote uninominal.
L’article stipule que « les limites (géographiques) et les composantes de chaque circonscription, ainsi que le nombre de sièges consacrés à chacune d’elles ainsi qu’à chaque gouvernorat doivent être fixés en tenant compte d’une représentation équitable de la démographie et des gouvernorats ».
Une représentativité inégale
De nombreux recours ont été présentés à la cour faisant valoir que la répartition actuelle des sièges contredit le principe de représentation équitable. La loi sur le découpage des circonscriptions, qui a été la cause de plusieurs dissolutions de Parlements dans le passé, freine cette fois-ci l’élection du nouveau Parlement.
Selon le juriste Essam Al-Eslamboly, le découpage actuel a contrevenu « sans justification objective ou logique » à deux principes de la Constitution. Le premier est « l’égalité des chances » stipulée dans l’article 102 qui précise que la « loi détermine les autres modalités de l’élection, le système électoral et le découpage des circonscriptions, en tenant compte d’une représentation équitable de la démographie, des gouvernorats, et d’une représentation égale des électeurs ».
L’autre principe est le droit de voter et de se présenter aux élections sans distinction, tel que stipulé dans l’article 53, qui précise que « les citoyens sont égaux devant la loi, ils ont les mêmes droits et devoirs, sans discriminations fondées sur la religion, la croyance, le sexe, l’origine, la race, la couleur, la langue, le handicap, la classe sociale, l’appartenance politique ou géographique ». C’est l’égalité géographique qui a été jugée insatisfaisante.
Même constat pour Sabri Al-Senoussi, professeur de droit constitutionnel. Selon lui, le verdict de la HCC était prévisible, car le découpage est loin de respecter ce principe d’égalité géographique. En effet, plusieurs juristes préviennent depuis longtemps que certains articles de la loi électorale renferment des bombes à retardement qui pourraient provoquer la dissolution du Parlement.
« La Cour constitutionnelle a suivi l’avis de la Cour des référés bien qu’il ne soit que consultatif et qui a noté une disparité flagrante dans le découpage des circonscriptions selon deux des critères imposés par la Constitution : la représentation équitable des habitants et la représentation équitable des gouvernorats », précise Al-Senoussi.
Le découpage des circonscriptions « devrait être réglementé pour être proportionnel au nombre d’habitants dans chacune des circonscriptions. Il ne doit pas être fait d’une manière arbitraire et sans tenir compte de l’intérêt public », peut-on lire dans ce rapport de 60 pages publié par la Cour des référés.
Le gouvernement, en publiant cette loi, avait déclaré avoir respecté tous les critères selon une équation mathématique simple. Toutefois, le rapport relève « un double critère » se reposant dans certains cas sur le nombre d’habitants et dans d’autres cas sur le nombre d’électeurs. Ainsi, une voix électorale dans la circonscription de Gamaliya équivaut à trois fois une voix dans les circonscriptions de Aïn-Chams, Bassatine ou Hélouan.
Le gouvernement doit désormais revoir sa copie. Reste à savoir si le redécoupage touchera toutes les circonscriptions consacrées au scrutin individuel ou celles posant problème. Les circonscriptions encadrant le scrutin de liste pourraient aussi être changées. Une question à laquelle devraient répondre les motifs du verdict de la HCC, ainsi que le verdict du tribunal administratif. Mais pour Al-Senoussi, l’ensemble du processus électoral devrait être changé.
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