A Bruxelles, les chefs européens ont adopté un nouveau programme de lutte contre le terrorisme.
(Photo : AP)
Toujours sous l’onde de choc des attentats qui ont touché la France au début du mois de janvier, causant la mort de 17 personnes, les dirigeants européens multiplient les sommets afin de parvenir à une stratégie commune de lutte contre le terrorisme. C’est finalement au cours du dernier sommet tenu le 12 février à Bruxelles, que les 28 chefs d’Etat européens se sont mis d’accord sur un agenda lourd de moyens de cette lutte. «
Nous devons améliorer la mise en oeuvre et le développement des instruments que nous avons, en particulier pour détecter et empêcher les déplacements liés au terrorisme, notamment de combattants terroristes étrangers », peut-on lire dans le texte adopté lors du Sommet de Bruxelles.
Cette mobilisation européenne cherche en premier lieu à contrarier l’activisme des cellules latentes prêtes à frapper l’Europe. Outre la France, des attentats djihadistes ont aussi frappé d’autres pays européens. Selon la police belge, une cellule djihadiste était sur « le point de commettre des attentats terroristes contre des policiers, sur la voie publique et dans les commissariats ».
Tandis que le Danemark a été visé le 14 février par une attaque mortelle attribuée à des islamistes. Et en réaction à l’assassinat de 21 Egyptiens en Libye par Daech, la France a exprimé « sa préoccupation face à l’extension des opérations en Libye ». Au cours d’un entretien téléphonique, François Hollande et Abdel-Fattah Al-Sissi « ont évoqué la situation en Libye et l’extension des opérations de Daech dans ce pays. Ils ont souligné l’importance que le Conseil de sécurité se réunisse et que la communauté internationale prenne de nouvelles mesures pour faire face à ce danger », indique un communiqué de l'Elysée. Plusieurs propositions ont été posées sur la table devant les dirigeants européens. Après un long débat autour de l’amendement de l’accord sur l’espace Schengen, composé de 26 Etats membres, afin de permettre un strict contrôle frontalier, comme a tant plaidé la France, le sommet s’est terminé en recommandant un simple renforcement des contrôles au sein de l’espace Schengen. Les chefs d’Etat européens ont aussi demandé au Parlement européen d’adopter le plus vite possible la directive Fichier des passagers aériens.
Ce fichier a été bloqué depuis 2011 par les eurodéputés des Verts, pour des questions de protection de la vie privée. La mise en place du fichier est conditionnée, pour une partie du Parlement, à l’avancement d’une autre directive sur la protection des données personnelles. Si adopté, les compagnies aériennes devraient alors transmettre aux autorités le fichier informatique des passagers entrant dans l’UE ou en sortant: lieu d’achat du billet, moyen de paiement, trajet, choix de siège, habitudes alimentaires. Ces données seraient stockées et échangées entre les vingt-huit, afin de détecter de potentiels terroristes. Cet outil s’est révélé utile lors d’enquêtes anti-terroristes comme celle sur l’attentat avorté à Times Square, à New York, le 1er mai 2010, l’auteur ayant été identifié grâce à son numéro de téléphone enregistré dans cette base de données.
Le texte adopté par le Conseil européen comprend aussi la lutte contre la propagande djihadiste sur Internet. Les réseaux sociaux, chantier important pour la propagande et le recrutement des djihadistes, devront être soumis à des systèmes informatiques qui détecteront et bloqueront la diffusion de textes ou d’images appelant à des actes terroristes ou faisant l’apologie de ceux-ci. Déjà, la France a lancé un site Internet- www.stop-djihadisme.gouv.fr- pour contrer l’endoctrinement djihadiste. S’adressant directement aux recrues potentielles du groupe de l’Etat islamique, le message dit: « Ils te disent : sacrifie-toi à nos côtés, tu défendras une juste cause. En réalité, tu découvriras l’enfer sur terre et mourras seul loin de chez toi ».
Mesures strictes
« Les pays européens se mobilisent pour instaurer des mesures strictes afin d’assurer notamment leur sécurité interne, alors qu’ils adoptent une politique prudente concernant leurs participations dans la lutte contre Daech », regrette Riham Moqbel, chercheuse au centre régional des études stratégiques basé au caire (RSCC). Selon elle, la participation européenne dans la guerre contre Daech s’est sensiblement réduite que ce soit au niveau militaire ou financier, « à l’exception de la France, laquelle est le pays européen le plus touché, et aussi le pays le plus actif dans la coalition anti-Daech ».
La France vient de renforcer sa contribution militaire dans cette guerre en envoyant dans la région son porte-avions Charles-de-Gaulle, fin janvier. Elle prépare également une mission de conseil et d’assistance pour aider les forces iraqiennes à planifier et conduire leurs propres opérations. Pour Riham Moqbel, cela semble laisser la place à une accélération de la participation arabe, notamment des Emirats et de la Jordanie dans la coalition. Reste une dernière préoccupation européenne : si Daech est anéanti, que va devenir le nombre effrayant de combattants européens, en cas de retour à leur pays d’origine? « Ils reviendront radicalisés et avec un entraînement militaire », explique Moqbel.
Selon un rapport publié par le Centre international pour l’étude de la radicalisation et la violence politique (ICSR) du Kings College de Londres, le nombre de combattants européens partis au front en Syrie et en Iraq a presque doublé en un an. Il est estimé à 5000 combattants. Le « Top 3 » des pays européens fournisseurs de combattants sont la France, suivie du Royaume-Uni et de l’Allemagne.
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