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Le dilemme des salafistes

Amira Samir, Mardi, 27 janvier 2015

Le parti salafiste Al-Nour a de grandes ambitions pour les prochaines législatives, et cela en dépit du recul de la popularité des islamistes.

Les ambitions du parti Al-Nour pour les futures législatives sont-elles exagérées ?
Les ambitions du parti Al-Nour pour les futures législatives sont-elles exagérées ? (Photo : Reuters)

Le parti salafiste Al-Nour est de retour dans le processus politique. Il a annoncé son intention de prendre part au scrutin législatif de 2015. Mais le parti salafiste, qui s’était démarqué du régime des Frères musulmans, n’a pas pu parvenir à s’entendre avec le camp libéral et laïc pour entrer en coalition électorale. Selon le chef du parti « une alliance de circonstance ne dure pas longtemps ». Ainsi, Al-Nour a décidé d’entamer seul la course pour le futur Parlement, sans adhérer à une quelconque coalition ni intégrer une liste électorale.

Dès sa création en mai 2011, le parti Al-Nour a voulu se poser en rival des Frères musulmans. Il a tenu dès le départ à présenter ses propres listes aux élections parlementaires. Or, pour le futur Parlement, Al-Nour espère occuper le terrain, désormais vide avec l’interdiction de la confrérie, et donc récupérer les voix des Frères musulmans qui avaient obtenu 47 % des sièges lors des dernières législatives de décembre 2011-janvier 2012.

Al-Nour était alors arrivé deuxième, derrière les Frères, avec environ 24% des suffrages (108 sièges). Son but est aujourd’hui d’entrer en force dans le nouveau Parlement. « Le parti entend participer via les listes ainsi qu’à titre uninominal. Et puisque nous sommes soucieux de faire appliquer la Constitution, laquelle interdit la discrimination, nos listes accorderont un quota aux femmes et aux coptes. Notre parti avait une puissance de mobilisation importante au dernier Parlement et était la deuxième force politique après les Frères. Aujourd’hui, notre base électorale est solide, et on s’attend à réaliser le même score, sinon plus », affirme Achraf Sabet, vice-président du parti.

Mais le ralliement du parti Al-Nour à la destitution du président Mohamad Morsi et à la feuille de route avec l’armée et les autres forces d’opposition contre les Frères, a provoqué la rupture avec les autres partis dits de référence islamique. Il était, en effet, le seul parti islamiste à participer au processus politique au lendemain du 30 juin 2013. Le parti est donc, aujourd’hui, très isolé sur le champ islamiste et sur les réseaux sociaux, les critiques des dirigeants d’Al-Nour sont plus que virulentes.

Ainsi, l’enjeu principal pour le parti dans la perspective des prochaines élections est de reconstruire son image qui a beaucoup souffert non seulement du côté des islamistes, mais aussi aux yeux de nombreux Egyptiens qui refusent les partis à tendance religieuse. L’autre défi pour le parti est de réintégrer la scène politique. Alors que ses membres sont moins écoutés pour le moment, ils sont presque boycottés par les autres partis et sont rarement invités dans les médias. « Al-Nour a soutenu notre face-à-face avec les Frères, et lors de la rédaction de la nouvelle Constitution, il a joué un rôle patriotique. Mais cela ne signifie pas que nous sommes d’accord avec ses idées ou qu’il y aura une coalition entre Al-Wafd et Al-Nour. C’est impossible », précise Al-Sayed Al-Badawi, président du parti Al-Wafd.

Pas de coalition

Sous prétexte qu’il est une formation islamiste, Al-Nour est rejeté par les partis laïques qui se regroupent en coalitions électorales à l’approche des législatives. En réponse, Younès Makhioun affirme que le parti n’a pas cherché à rejoindre les coalitions avec ces partis et que ces derniers pratiquent justement la politique de l’exclusion qu’ils reprochaient aux Frères musulmans. « C’est ce qui leur a fait perdre leur crédibilité. En tout cas, nous ne sommes pas pressés d’entrer dans des coalitions qui se forment aujourd’hui et se dissolvent le lendemain, car toute alliance basée sur l’exclusion est condamnée à l’échec. Si nous décidons de faire partie d’une coalition, ce sont nous qui la formerons », explique Makhioun à Al-Ahram Hebdo.

Pourtant, Ahmad Ban, spécialiste des mouvements islamistes et chercheur au Centre Al-Nil pour les études stratégiques, estime qu’Al-Nour peut difficilement récolter 5 % des sièges. « Al-Nour n’est plus considéré comme un cheval gagnant », dit-il. Le dilemme d’Al-Nour est dû, en partie, au fait qu’il est né avec un esprit de compétition avec les Frères musulmans sans avoir de ligne politique claire. L’autre faiblesse est qu’il fait face aujourd’hui à de nombreuses dissensions, et le parti semble divisé entre ceux qui veulent prendre part à la vie politique et ceux qui réclament une application immédiate de la charia dans le pays.

Or, les dirigeants du parti tentent de se présenter comme des acteurs islamistes qui peuvent construire des ponts avec les autres forces et se positionner aussi comme médiateurs qui prônent une solution pacifique. Mais le parti a-t-il les ressources pour surmonter ces défis? Certes, lors des dernières législatives, Al-Nour n’était pas seulement un parti à l’idéologie particulière, il disposait aussi d’importants moyens de financement et était avec le Parti Liberté et justice des Frères musulmans, les seuls à avoir les moyens et ressources pour mener une campagne électorale efficace.

Aujourd’hui, la campagne électorale d’Al-Nour a déjà commencé sur le terrain, mais sans annonce officielle de la part du parti. Les membres du parti parcourent, ces jours-ci, les différents gouvernorats pour offrir des services et faire leur propagande. Et sur les réseaux sociaux, les pages d’Al-Nour, ainsi que celles de ses membres, publient de temps à autre les réalisations et les bienfaits du parti. « Notre campagne électorale commencera au moment fixé par la Haute Commission des Elections (HCE). De même, le programme électoral du parti ainsi que celui de chacun de nos candidats ne seront pas publiés avant le calendrier officiel », affirme pourtant Achraf Sabet. D’après Ban, c’est la survie même du parti qui se joue lors de ce scrutin.

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