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Inamovible, la constituante reste sous le feu des critiques

Mohamed Abdel-Hady, Mardi, 27 novembre 2012

Immunisée contre toute dissolution suite au décret présidentiel, l’assemblée constituante doit finaliser la loi fondamentale au milieu de contestations sans cesse plus vives.

Contestée par l’opposition laïque et libérale pour l’insistance de sa majorité islamiste à une application stricte de la charia ainsi que pour certaines clauses jugées hostiles aux libertés individuelles et publiques, l’assemblée constituante a désormais les coudées franches pour faire passer les articles controversés.
La déclaration constitutionnelle promulguée le jeudi 22 novembre par le président Mohamad Morsi l’immunise, en effet, contre une éventuelle dissolution tout en lui accordant deux mois supplémentaires, jusqu’à février prochain, pour finaliser la nouvelle Constitution.
Morsi a ainsi barré la route à la Haute Cour constitutionnelle, qui devait statuer le 2 décembre sur une quarantaine de recours contre la composition de l’assemblée constituante. Les détracteurs de la constituante estiment illégales les modalités de sa formation et contestent sa légitimité, notamment depuis le départ de la quasi-totalité des représentants des courants libéraux. « La validité de l’assemblée constituante est contestée devant la justice, elle ne peut pas être à l’abri des recours », s’insurge l’Organisation Egyptienne des Droits de l’Homme (OEDH).
S’exprimant au lendemain de la promulgation de sa déclaration constitutionnelle, Morsi a tenté de rassurer en affirmant qu’il aspirait à la rédaction d’une Constitution consensuelle et représentative de tous les Egyptiens. Selon les forces pro-démocratie, cette promesse est difficile à maintenir, vu le monopole de la constituante par les islamistes.
D’après Taher Abdel-Mohsen, du Parti Liberté et justice des Frères musulmans et également membre de la constituante, des initiatives ont été menées pour établir une entente avec les forces libérales. Il minimise l’importance des divergences qui ont amené au départ de celles-ci. « La quasi-totalité des articles à controverse a été supprimée, l’article 2 qui concerne la charia a été maintenu tel qu’il était dans l’ancienne Constitution », dit-il.
Dans une modeste tentative de contenir les vagues de retrait des membres de l’assemblée constituante, Al-Azhar s’est interposé pour essayer en vain d’amener l’Eglise à revenir sur sa décision. Mais cette dernière campe sur ses principes. « Le saint-synode lie notre retour à la rédaction d’une Constitution civile. Il est important que le projet de Constitution soit approuvé par les courants civils et par l’Eglise, afin de sauvegarder les droits de tous les Egyptiens, y compris les chrétiens », a souligné Mgr Morcos, porte-parole de l’Eglise copte.
Composition inenvisageable
Il en est de même pour le mouvement du 6 Avril, pour lequel le retour à l’assemblée constituante sous sa composition actuelle est inenvisageable. « Les tentatives de nous faire fléchir ont échoué. Cette constituante doit être dissoute pour céder la place à une autre plus représentative et plus équilibrée », a déclaré Mahmoud Afifi, porte-parole du mouvement.
De son côté, l’ex-porte-parole de la commission constituante, Wahid Abdel-Méguid, a critiqué le semblant d’ouverture affiché par les islamistes. « Cela fait cinq mois que nous cherchons à parvenir à des solutions consensuelles et finalement, on nous impose une Constitution qu’on n’a même pas le droit de discuter. Si ce projet de Constitution voit le jour, il finira comme la Constitution de 1930, qui a été très vite abolie par le peuple », estime Abdel-Méguid.
Alors que Mohamad Al-Sawi, porte-parole actuel de l’assemblée constituante, affirme que celle-ci mettra les bouchées doubles pour achever la nouvelle Constitution d’ici deux semaines et la soumettre au référendum avant la fin de l’année.
En effet, cette semaine, la commission constituante a approuvé sept des quinze articles liés au pouvoir judiciaire remettant à plus tard ceux qui ont été rejetés par une majorité de juges. Elle a également finalisé le texte sur les modalités de nomination du ministre de la Défense qui stipule qu’il soit militaire de carrière, mettant ainsi fin à une polémique sur la possibilité de désigner un civil à ce poste. « Bien que le vent souffle en faveur des islamistes qui dominent la constituante, rien n’est encore joué, tous les moyens seront mis en oeuvre pour tuer dans l’oeuf cette nouvelle Constitution », promet Mahmoud Afifi.
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