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Sauver Bachar à tout prix

Amira Samir, Mercredi, 07 janvier 2015

Pour Moscou, le dossier syrien est l'occasion de redéfinir ses relations avec les Etats-Unis, tout en maintenant Damas dans son bercail.

Sauver Bachar
Une manifestation contre le soutien russe au régime de Bachar Al-Assad. (Photo : AP)

La Russie vient d’annoncer, fin décembre, qu’elle comptait accueillir, le 20 janvier, une réunion de l’opposition syrienne, en vue de trouver une solution à la crise en Syrie qui dure depuis des années. Selon Moscou, si cette réunion se déroule bien, des représentants du gouvernement syrien seront invités à Moscou afin d’échanger « les avis avec les opposants dans le cadre d’une conférence de dialogue entre Syriens, sans ingérence étrangère ». Un désir loin d’être partagé par l’opposition modérée au régime de Bachar Al-Assad. Cependant, le régime syrien s’est dit prêt à rencontrer l’opposition, à Moscou. Cette décision aurait été prise après des discussions menées entre le régime de Bachar Al-Assad et la Russie.

Cette initiative de Moscou, comme les précédentes, vise à soutenir le régime d'Al-Assad. « Depuis le début de la crise syrienne, la Russie s’est posée en un appui politique, militaire, diplomatique et financier, inconditionnel au régime d’Al-Assad. C’est vrai qu’elle a reçu et écouté les opposants du régime, mais elle n’a jamais cédé d’un pouce. La principale préoccupation des Russes est que Damas se maintienne dans la ligne de Moscou », explique Moetaz Salama, chef du département des études arabes et régionales au Centre des Etudes Politiques et Stratégiques (CEPS) d’Al-Ahram.

Moscou (avec Pékin) a ainsi bloqué à plusieurs reprises les résolutions du Conseil de sécurité de l’Onu, condamnant le régime syrien et ouvrant la porte à des sanctions, voire au recours aux frappes militaires. En 2013, la Russie a proposé une initiative pour éliminer l’arsenal chimique syrien afin de contrer les Etats-Unis décidés à attaquer la Syrie.

Toutes les initiatives russes dans le dossier syrien visaient, en premier lieu, à dissuader toute attaque contre la Syrie et à éviter tout changement de régime à Damas. Aujourd’hui, encore c’est le même scénario qui se répète. « Moscou veut redéfinir ses relations avec les pays impliqués dans le dossier syrien, surtout les Etats-Unis, mais aussi préserver ses intérêts économiques avec Damas », estime Mahmoud Bayoumi, chercheur au Centre régional pour les études stratégiques (RCSS).

En effet, Damas achète des armes à la Russie à des sommes non négligeables, même si la Syrie a la réputation d’être un mauvais payeur. « En plus, l’actuel président russe, Vladimir Poutine, est animé par la hantise d’une montée en puissance de l’islamisme en Méditerranée qui pourrait entraîner une contagion dans les régions avoisinantes », explique Salama.

La Russie veut, également, dire au monde et notamment aux Etats-Unis qu’elle est de retour sur la scène internationale et qu’il faut prendre en compte ses intérêts. Aujourd’hui, le monde a découvert que les Etats-Unis ne sont plus au-dessus des équilibres internationaux. Moscou sait qu’il détient les clés d’un déblocage en Syrie. Il veut que ce marchandage autour du dossier syrien lui apporte des gains politiques mais également sur d’autres dossiers. « Il y a une volonté russe de lier le dossier syrien à d’autres questions pour obtenir des Etats-Unis notamment des concessions sur le Caucase ou le bouclier anti-missile », ajoute Mahmoud Bayoumi. La Russie a réussi à montrer que la crise est le résultat du conflit entre la Syrie et ses alliés d’une part, et les Etats-Unis et leurs partisans d’autre part.

Une nouvelle réalité internationale

Au cours des derniers jours, la diplomatie russe a multiplié les contacts avec les acteurs régionaux et appelé Al-Assad à faire de son mieux pour « concrétiser ses intentions de dialoguer avec l’opposition en vue de résoudre le conflit ». Pour sa part, l’opposition modérée à Bachar Al-Assad refuse la toute récente initiative russe. « La Russie n’a pas d’initiative claire comme on veut bien le croire. Elle n’appelle qu’à la tenue d’une réunion à Moscou sans projet précis », a ainsi déclaré Hadi Al-Bahra, président de la coalition nationale qui siège en Turquie. Pour Salama, les Russes sont prêts à accepter le départ d'Al-Assad tant que l’ossature du régime est préservée. Parce que ce dernier présente des avantages et des acquis qui peuvent difficilement être offerts par un autre régime. Mais le soutien russe au régime syrien semble avoir ses limites. Pour preuve: les déclarations de Poutine affirmant que la famille Al-Assad est « au pouvoir depuis quarante ans et que des changements sont sans doute nécessaires ». Y aura-t-il donc un changement de la position russe? Peut-être, mais pas dans l’immédiat.

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