« Il n’y a pas d’initiative, loin de là. Nous cherchons juste à aider, à la demande de l’opposition syrienne », tranche le porte-parole du ministère égyptien des Affaires étrangères. Badr Abdel-Ati réagissait dans des déclarations à l’
Hebdo aux informations publiées par la presse et selon lesquelles Le Caire aurait proposé une nouvelle initiative pour tenter une sortie de crise en Syrie. «
L’Egypte ne proposera pas d’initiative n’ayant aucune garantie de réussite. Nous ne cherchons pas la propagande, comme certains pays de la région », lance un diplomate égyptien ayant accès au dossier.
Hadi Al-Bahra, chef de la Coalition nationale syrienne, en rencontre avec Sameh Choukri, ministre des Affaires étrangères, au Caire, le 27 décembre 2014.
(Photo : Al-Ahram)
La rumeur d’une initiative égyptienne s’est d’autant plus amplifiée au Caire, quand la capitale a accueilli, fin décembre, et à une semaine d’intervalle, deux groupes d’opposition syrienne: le Comité de coordination et la Coalition nationale. Et parallèlement, Moscou, qui a marqué un rapprochement avec Le Caire, a proposé dans un premier temps de réunir des opposants syriens de tous bords avant d’élargir plus tard l’initiative à des représentants du régime, à l’instar de la réunion de Genève qui s’était soldée sur un échec. Le diplomate qui parlait sous couvert de l’anonymat explique que « l’opposition syrienne est venue dire: Nous voulons nous réunir en Egypte, espérant parvenir à une position unifiée ». Il estime que Le Caire a été sollicité car « il n’exerce aucune pression et ne réclame rien en contrepartie, comme le font d’autres pays de la région. Les Egyptiens ne sont pas non plus orientés par un alignement sectaire », dit-il, en allusion à la division chiite-sunnite qui définit le positionnement des pays de la région envers la Syrie.
Ainsi, la semaine dernière, le régime du président syrien Bachar Al-Assad a appelé les autorités égyptiennes à rétablir les relations avec Damas, au cas où l’Egypte chercherait à jouer un rôle dans « la résolution de crise en Syrie ». L’appel est venu du ministre syrien de l’Information, Omran Al-Zoubi qui, dans une interview à la Télévision syrienne, affirmait : « Pour que l’Egypte ait un rôle dans la résolution de la crise, elle doit avoir des relations complètes et spéciales avec l’Etat syrien et non seulement avec des groupes spécifiques d’opposition ».
Des déclarations qui ont été interprétées par Le Caire comme une tentative de « forcer la normalisation », alors que « ce n’est pas le moment », pour reprendre les termes d’un autre haut diplomate égyptien. Selon lui, la vision des autorités égyptiennes n’a pas changé: « Nous sommes contre un règlement qui passe par une intervention militaire pour changer le régime à Damas. Ceci n’est pas une option pour nous. Nous soutenons la seule solution politique et nous encourageons l’opposition à adopter une seule position commune pour poursuivre les efforts de Genève 2 ».
Ne pas irriter les Saoudiens
Un diplomate de la Ligue arabe en poste au Caire pense que la volonté du président égyptien Abdel-Fattah Al-Sissi de mettre un terme à la crise syrienne est visible. Il est, selon lui, motivé par l’idée qu’un apaisement sur le front syrien est susceptible de désamorcer la vague d’extrémisme qui bouleverse la situation intérieure en Egypte, notamment dans le Sinaï. « Il manque pourtant de mécanismes. La seule volonté ne suffit pas », dit-il à l’Hebdo.
Le Caire semble toutefois réticent à peser de tout son poids sur de nouvelles propositions après l’échec marqué par son initiative en Libye. Les responsables égyptiens ne veulent pas irriter les Saoudiens, ennemis farouches du régime de Bachar, en proposant des idées qui pourraient paraître plus proches de celles proposées par les Iraniens. L’Egypte, qui dépend largement des aides économiques saoudiennes, a une très petite marge de manoeuvre à ce sujet, à moins que Riyad ne change de position au sujet du règlement de la crise en Syrie.
Mais des pays du Golfe marquent déjà un changement. L’ambassadeur d’Oman à Damas, dont le pays n’avait pas entièrement fermé son ambassade, y est retourné, tandis que le Koweït a rouvert son ambassade en Syrie et annoncé que l’ambassade syrienne serait rouverte au Koweït (lire page 5).
Cela dit, l’Egypte insiste sur l’indépendance de ses prises de décision. « Le Caire a reçu le comité de coordination que Riyad n’apprécie pas. Nous n’avons pas peur à ce point », s’indigne le diplomate égyptien. Le Caire « est dans le wait and see. Nous attendons que l’opposition revienne avec un accord précisant la date de sa réunion et les noms des membres qui y prendront part et surtout fixant des objectifs », précise-t-il.
Cet exercice d’entente s’est avéré pourtant par le passé extrêmement difficile, et l’opposition syrienne a été le plus souvent davantage morcelée. Il existe différents groupes d’opposition à l’intérieur de la Syrie ou en exil en Turquie, en Grande-Bretagne, en France même si le bloc dominant est le Conseil national syrien (lire page 4).
Lundi, la Coalition nationale a procédé, comme ses statuts internes l’imposent tous les 6 mois, à l’élection d’une nouvelle équipe dirigeante. Khaled Khoja, « ambassadeur » de la Coalition en Turquie, l’a emporté pour succéder au président sortant, Hadi Al-Bahra. Il devance de 6 voix son rival proche des Frères musulmans, Nasr Al-Hariri, et devrait ainsi encourager Le Caire, qui avait refusé la participation des Frères à la Coalition, à poursuivre ses efforts. « Le Caire attend désormais la feuille de route qui sera élaborée par la nouvelle équipe », explique le diplomate égyptien. Plus tard, celle-ci sera invitée par une ONG égyptienne, et non par le gouvernement, comme prélude à une entente en l’absence de toute pression.
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