Ethiopian Electric Power Cooperation
Le dossier du barrage éthiopien de la Renaissance est l’un des plus épineux de la politique étrangère égyptienne. C’est aussi l’un des dossiers qui suscitent le plus de scepticisme et d’inquiétude sur le plan interne, vu qu’il touche directement à l’eau du Nil, source de vie pour les Egyptiens. Malgré cette importance, l’Egypte n’a pas réussi à bien gérer ce dossier. Pendant des décennies, les Egyptiens croyaient que l’on ne pouvait pas toucher à leur quota des eaux du Nil. La plus grande erreur a été de ne pas confier la gestion du dossier, particulièrement important, à un organisme ou à un ministère en particulier. Le dossier a, au contraire, fait le tour des ministères et institutions de l’Etat égyptien, souvent sans coordination entre eux.
Avec les remaniements ministériels, de nouveaux responsables se trouvent confrontés à un vieux problème qu’ils abordaient chacun avec une politique différente de celle de ses prédécesseurs, en l’absence totale d’une vision étatique stratégique. Selon Hani Raslane, directeur du département des études du bassin du Nil au Centre des Etudes Politiques et Stratégiques (CEPS) d’Al-Ahram, « il y a une intention préméditée de la part des Ethiopiens de rassurer le peuple égyptien jusqu’au jour où il devra accepter le fait accompli. Effectivement, le temps joue en faveur des Ethiopiens qui sont aujourd’hui en passe d’achever de la première phase de leur barrage ».
Raslane, qui a été témoin de plusieurs séances de négociation bilatérales depuis le début de la crise, raconte avoir constaté cette insouciance de la part de l’Egypte avec le début du mandat de l’ex-ministre de l’Irrigation, Mahmoud Abou-Zeid, qui a occupé ce poste pendant 14 ans. « Celui-ci répétait toujours que la construction du barrage ne représentait aucune source d’inquiétude pour l’Egypte et que tout allait pour le mieux ». A l’arrivée de son successeur Nasr Allam à la tête du ministère, il a découvert l’ampleur des « concessions » que l’Egypte avait faites sur ce dossier, « mais il était un peu trop tard pour renverser la tendance », pense Raslane.
L’Ethiopie a donc réussi à exploiter, à son avantage, ces points de faiblesse pour faire avancer son projet. Puis la révolution de janvier 2011 est venue apporter un autre avantage à Addis-Abeba, qui s’est estimée alors en mesure d’imposer le fait accompli. Une attitude qui s’est illustrée lors des négociations.
52 jours seulement après le renversement de l’ex-président Hosni Moubarak en février 2011, la première pierre du barrage a été posée. A leur arrivée au pouvoir fin juin 2012, les Frères musulmans ont voulu, dans un premier temps, faire passer sous silence le sujet du barrage. Mais poussé par des initiatives populaires, l’ancien président Mohamad Morsi a présidé une conférence où il a invité, aux côtés des experts, ses partisans politiques dont certains ont appelé publiquement à déstabiliser l’Ethiopie ou à opter pour une solution militaire. Les Ethiopiens ont exploitée l’événement au mieux. Les propos hostiles de certains participants ont été traduits dans toutes les langues, afin de prouver aux institutions internationales concernées « l’animosité » de l’Egypte. Une image que le pouvoir actuel essaye de changer, en multipliant les affirmations que Le Caire n’était pas contre le développement de l’Ethiopie et qu’il était partisan d’une solution pacifique à travers les négociations.
Mais le projet éthiopien est déjà en marche et les Ethiopiens n’ont pas l’intention de suspendre les travaux en attendant des négociations qui traînent. La première phase du barrage sera inaugurée en juin et fera fonctionner 2 turbines avant que le bureau de consultation « neutre » ne se prononce sur l’impact du barrage sur les pays en aval.
Face aux tergiversations de l’Ethiopie, qui semblent favoriser la politique du fait accompli, des Egyptiens, experts et politiciens, appellent à la suspension des négociations. Nader Noureddine, expert international en ressources hydrauliques, appelle l’Egypte à soumettre le dossier à l’Onu, parce que, selon lui, la construction du barrage de la Renaissance est une menace inéluctable à la paix et à la sécurité dans la région, qui est sur le point de témoigner d’une guerre de l’eau dans un avenir proche (lire entretien page 5). En 1959, l’Ethiopie a sollicité l’Onu quand le président égyptien Nasser avait donné le coup d’envoi à la construction du Haut-Barrage d’Assouan. Mais l’Onu a décidé que la construction du Haut-Barrage en Egypte ne menaçait aucunement les pays en amont. En plus des 4 barrages, dont celui de la Renaissance, l’Ethiopie a l’intention d’en construire un 5e sur le fleuve Al-Sobate, qui fournit à l’Egypte 12,1 milliards de m3 d’eau.
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