«
Un combat pour la survie », lance Walid Kaziha, professeur de sciences politiques à l’Université américaine au Caire, en décrivant le conflit entre l’Arabie saoudite et la confrérie des Frères musulmans, un combat qui, selon lui, justifie le soutien des pays du Golfe à l’Egypte. Le rôle de l’Egypte est primordial, afin de réaliser la stabilité à travers un «
équilibre stratégique » dans une région qui souffre de crises. Ce serait, selon des analystes, l’autre raison majeure de cet appui.
Les pays du Golfe, notamment l’Arabie saoudite, Bahreïn et les Emirats, ne cachent pas leur soutien politique, diplomatique et économique, et ne dissimulent pas non plus les pressions qu’ils exercent sur le Qatar pour se réconcilier avec l’Egypte et cesser son appui aux Frères musulmans. Le mardi 9 décembre, le Conseil de Coopération du Golfe (CCG), qui regroupe ces quatre pays en plus du Koweït et du sultanat d’Oman, a annoncé dans un communiqué son appui politique unanime au président égyptien Abdel-Fattah Al-Sissi et a reconnu l’importance du rôle de l’Egypte dans la région.
« Les Frères musulmans sont un danger pour les monarchies du Golfe en tant que régimes conservateurs, car ils veulent accéder au pouvoir », affirme Hassan Abou-Taleb, analyste politique au Centre des Etudes Politiques et Stratégiques (CEPS) d’Al-Ahram, alors que l’Egypte, l’Arabie saoudite et les Emirats considèrent les Frères musulmans comme une organisation terroriste. Kaziha explique qu’il s’agit d’un conflit autour de celui qui représente le bon islam dans la région: l’Arabie saoudite avec son Wahhabisme ou les Frères musulmans ? « La famille royale saoudite se considère comme la protectrice de l’islam », affirme Kaziha. Par conséquent, les Frères musulmans représentent une menace pour le pouvoir des pays du Golfe, d’où l’appui apporté au régime égyptien actuel.
Le Qatar était le principal partisan des Frères musulmans avant de faire marche arrière. Ainsi, en novembre dernier, les pays du Golfe avaient exercé de la pression sur Doha pour qu’il cesse d’appuyer les Frères et d’inciter la population à se révolter contre le président Al-Sissi. Cette réconciliation a mis fin à la crise politique au sein des monarchies du Golfe. L’Arabie saoudite, Bahreïn et les Emirats ont annoncé le retour de leurs ambassadeurs au Qatar. Ils avaient été rappelés en mars dernier, accusant Doha de vouloir déstabiliser la région en accordant l’asile aux Frères musulmans opposants aux régimes du Golfe.
Selon Ahmad Hamidaddine, analyste politique saoudien, « le Qatar utilisait les Frères pour menacer la sécurité interne de l’Arabie saoudite et des Emirats ». Quant à Kaziha, il pense que les pays du Golfe ont opté pour une position radicale avec le Qatar, mettant en doute son appartenance au CCG. « Ils sont majoritaires par rapport à Doha », rappelle-t-il. Abou-Taleb estime d’ailleurs que les membres du CCG ont pu résoudre la crise avant qu’elle ne mène à la destruction du CCG, grâce au Koweït, qui a agi en tant que médiateur entre l’Arabie saoudite et le Qatar. Toutefois, il constate que « l’enjeu n’est pas l’Egypte contre le Qatar et le Qatar contre l’Egypte ». Selon lui, ces pays cherchent à maintenir un « équilibre régional » entre les différentes forces, face à l’Iran, et l’Egypte est partie prenante de cette stratégie.
La stabilité de l’Egypte paraît comme une priorité. Selon Kaziha, « l’Egypte est capable d’influer sur la situation en Libye, au Soudan, face à la Turquie, dans les relations avec Israël, et pour arrêter les armes qui peuvent passer de la Libye à la Syrie ». Abou-Taleb partage ce point de vue, en précisant qu’une Egypte stable permet de limiter les ambitions turques et iraniennes dans la région. « Pour le Golfe, il s’agit de garder le statu quo dans la région, la même carte géographique et la légitimité des régimes », lance Abou-Taleb.
Le Qatar devra présider le sommet du CCG en 2015. D’ici là, il faudra voir comment les politiques des pays du Golfe entameront leur réforme.
Lien court: