Un comité national pour la rédaction des lois relatives à la presse écrite et audiovisuelle est à pied d’oeuvre au syndicat des Journalistes pour étudier plusieurs dossiers. Il est chargé d’élaborer de nouvelles législations en conformité avec la Constitution, régissant la presse écrite et audiovisuelle. En outre, le comité est chargé de réviser le code pénal, notamment les articles jugés restrictifs à la liberté d’expression, et de créer un organisme national pour l’audiovisuel et un autre pour la presse écrite dans le but de garantir leur autonomie. Sa mission comprend aussi la proposition d’une nouvelle loi sur la libre circulation de l’information.
Le syndicat a ainsi invité ses membres à soumettre des propositions sur ces dossiers. « Le comité ne va pas imposer des lois à l’ensemble des journalistes. Toutes les propositions seront prises en considération », a promis Diaa Rachwan, président du syndicat des Journalistes, qui s’est engagé à finaliser ces projets de loi et à les présenter au Conseil des ministres dans un délai d’un mois et demi au maximum. Ce comité est composé de 50 membres dont des journalistes, des membres du conseil suprême de la presse, des universitaires, des représentants de la société civile, des juristes et des représentants des médias privés et officiels.
Un bras de fer avait, pourtant, opposé le syndicat des Journalistes au gouvernement qui avait créé en octobre un comité parallèle à celui du syndicat. Le premier ministre, Ibrahim Mahlab, avait formé un comité pour la rédaction des lois relatives aux médias audiovisuels et à la presse écrite, regroupant des ministres, des journalistes et des experts en la matière. Le syndicat des Journalistes a, immédiatement, réagi critiquant ainsi une intervention de l’exécutif alors que les médias et leurs instances sont indépendants selon la Constitution. Le comité formé par le syndicat en juillet dernier s’est ainsi réuni en publiant un communiqué rejetant l’intervention du pouvoir exécutif. « L’élaboration des lois régissant la presse écrite et les médias est une affaire propre aux journalistes. Leur dépendance vis-à-vis du pouvoir exécutif est inacceptable », soulignait Rachwan. Pour rejeter ce comité, le syndicat se réfère à l’article 77 de la Constitution stipulant le droit du syndicat à participer aux projets de lois réglementant la profession. « Il est paradoxal qu’un comité gouvernemental rédige des lois concernant la presse écrite et audiovisuelle. Est-ce normal que le gouvernement tente de garder une mainmise sur les médias, alors que les journalistes aspirent à l’indépendance et à la liberté ? », s’interroge Gamal Fahmi, membre du conseil du syndicat. Les travaux de ce comité gouvernemental ont été suspendus, sans annoncer sa dissolution. De son côté, le syndicat des Journalistes a accepté le fait que le rôle de ce comité soit consultatif seulement. Une proposition faite par le premier ministre pour tempérer les esprits.
Salah Eissa, journaliste, membre du Conseil suprême de la presse et membre du comité du syndicat des Journalistes, indique que les nouvelles législations, en chantier, visent à encadrer la liberté d’expression et l’indépendance de la presse et des médias audiovisuels, garanties par la nouvelle Constitution.
Les médias et la presse officiels sont contrôlés par l’Etat depuis des décennies. Ce dernier est propriétaire de 8 groupes de presse comptant plusieurs dizaines de publications avec au total 43000 fonctionnaires à Maspero, la Maison de la Radio et de la Télévision. Les médias privés sont aussi instrumentalisés par leurs propriétaires qui sont des hommes d’affaires protégeant leurs intérêts.
Conformément à l’article 211 de la Constitution, de nouvelles instances pour la gestion et la supervision des médias doivent voir le jour. Le ministère de l’Information et le Conseil consultatif (la chambre haute), les deux instances gouvernementales qui géraient les médias et la presse officielle, ont disparu. Dans ce contexte, la formation de ces instances est la priorité de ce comité, créé par le syndicat des Journalistes. Salah Eissa pense qu’il est évident que la composition de ces instances « reflète l’équilibre de force entre les médias et les intérêts de la société ». Il précise qu’elles seront indépendantes vis-à-vis du pouvoir exécutif et législatif du point de vue technique, financier et administratif.
Libérer la presse et les médias
« L’objectif de ces lois est de libérer la presse écrite et les médias audiovisuels de la tutelle étatique. Les médias publics et les entreprises de presse écrite officielles sont minés par l’absence de vision et de corruption financière et administrative. Leur réforme et leur restructuration ne se feront pas du jour au lendemain », estime Eissa.
Yasser Abdel-Aziz, expert en médias et membre du comité créé, estime que ces nouveaux organismes devraient être plutôt « des régulateurs », représentant l’Etat et les citoyens dans la supervision des médias et de la presse. « La nature, la composition et les prérogatives de ces instances font l’objet de débat au sein même du comité. Concernant l’organisme suprême des médias, on a proposé qu’il se charge de la régularisation de la diffusion audiovisuelle et la promulgation des autorisations nécessaires pour ce travail. L’autre organisme devra gérer les questions relevant de la presse écrite et numérique et se chargera de régulariser leur financement et d’assurer la lutte contre le monopole », explique Abdel-Aziz.
Des projets de loi sur l’annulation des peines de prison dans les délits de publication sont aussi étudiés. « Ce genre de lois restrictives nuit à la liberté d’expression et permet à l’exécutif de terroriser les journalistes. Pour avoir une presse et des médias libres et indépendants, comme le stipule la Constitution, il est nécessaire de supprimer ces lois nuisant à la liberté d’expression. Les peines de prison doivent être remplacées par des amendes. Il faut aussi supprimer les sanctions concernant la fermeture des journaux et la suppression des permis de diffusion des chaînes de télévision. En revanche, il faut activer les chartes de déontologie pour avoir une presse responsable », estime Gamal Fahmi.
Le comité examine également un nouveau projet de loi qui devra remplacer la loi 96 pour l’année 1996 qui régit la presse. Cette loi devra redéfinir le statut juridique des journaux et des médias audiovisuels et électroniques, réorganiser le droit de leur création par notification et déterminer les droits et les devoirs des journalistes.
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