Des combattants houthis à Sanaa.
(Photo : Reuters)
Le 21 septembre 2014 après-midi, les Houthis ont gagné le bras de fer engagé dans la capitale yéménite Sanaa en leur faveur, après avoir renversé le plus puissant des adversaires politiques, le parti de la Réforme, les Frères musulmans et la marée de l’islam politique ainsi que du commandant militaire et homme politique, Mohsen Al-Ahmar. Ce dernier avait lâché durant la révolution de février son collègue et compagnon, l’ancien président Ali Abdallah Saleh, pour s’engager dans un nouveau chapitre de la scène politique yéménite qui fait encore l’objet de controverses entre ses protagonistes.
Ce jour du 21 septembre est décrit par l’élite comme étant « la nuit de la chute de Sanaa », (du nom du film arabe La Nuit de la chute de Bagdad). Or, les Houthis la définissent comme « La révolution du 21 septembre», car leurs milices ont envahi la capitale Sanaa sans aucune résistance venant de leur quartier général à Saada et après avoir gagné la bataille avec les forces militaires, en particulier les forces d’Al-Ahmar dans le gouvernorat d’Omran. Ils ont ainsi saisi le « triangle stratégique » de la capitale, remplaçant la première unité blindée, et ont ensuite pris le contrôle de la télévision de l’Etat qui n’a pas émis pendant presque une journée. Leurs milices ont, ensuite, avancé vers le siège de l’état-major de l’armée et en ont pris le contrôle. Ils ont, ensuite, établi des points de contrôle dans la plupart des rues levant le slogan, désormais, sur la plupart des murs de la capitale, « Mort à l’Amérique, à bas les juifs, victoire de l’islam, Dieu est grand ! ».
Le jour même, l’accord de « la paix et du partenariat » a été conclu remplaçant l’initiative du Golfe, alors que plane un mystère sur les dessous de cartes de ces transformations rapides et cette chute de la capitale si facile.
Dans la région de Garraf, un des bastions des Houthis à Sanaa, Al-Ahram a rencontré une de leur figures-clés, voire des plus influentes, Saleh Al-Sammad, conseiller politique du président. Les mesures de sécurité ressemblent à celles en vigueur dans toutes les rues de la capitale. Tout le monde arbore le même slogan, les mêmes armes, toutes les voitures sont de la même marque, presque tous portent un uniforme et ont en moyenne le même âge. Des jeunes pour la plupart.
« Nous ne voulons pas la vengeance »
Dans la vision de beaucoup de Yéménites, le mouvement houthi est le nouveau bras iranien dans la région. Dans le Yémen qui n’a jamais connu des divisions sectaires et où les « zaydis » et les « chawafee » sont plus une culture qu’une confession, les Yéménites s’inquiètent de voir dans ses développements une volonté de restaurer l’Etat de l’Imam, qui a gouverné le Yémen près d’un millier d’années et pris fin en 1962. Les questions fusent: quelles sont les ambitions politiques du mouvement? Va-t-il régler ses comptes avec ses adversaires traditionnels et venger des six guerres qui l’ont opposé à l’Etat ?
Al-Sammad défend son mouvement en rappelant son histoire quand « Hussein Badr Eddin Al-Houthi a lancé un projet culturel et politique pour faire face au projet américain d’occuper le Yémen après Septembre 2001. Alors le régime d’Ali Abdallah Saleh a tenté par la désinformation d’obtenir le soutien de certains pays de la région surtout l’Arabie saoudite, en tentant de coller l’affaire à l’Iran ». Al-Sammad affirme que « la première guerre s’est achevée en 2004 par la mort de Badr Eddine et la dispersion des habitants des régions contrôlées par l’armée qui a tenté un changement démographique cherchant à imposer le salafisme par force ». Mais la répression dont il se plaint, son mouvement n’hésite pas à en faire usage aujourd’hui en tentant d’imposer le chiisme pour remplacer le zaydisme. « Nous n’avons aucune intention de vengeance alors que nous étions des victimes durant les six guerres. L’occasion était présente, après le 21 septembre, pour nous de nous venger, mais on ne l’a pas fait », ajoute t-il. Les Houthis, comme cet homme fort du mouvement, affirment qu’ils veulent maintenir le régime républicain mais à condition qu’ils soient partenaires, « après des années où les autres forces politiques ont complément écarté Ansar Allah».
Il fait ici référence à Mohsen Al-Ahmar et les Frères musulmans de la Réforme, en les accusant de les avoir écartés de l’initiative du Golfe parrainée par les Saoudiens. Et il nie, en même temps, toute coordination avec les résidus du régime d’Ali Saleh, comme le déclare l’élite politique. Mais le mouvement qui s’est emparé rapidement de la capitale reste évasif sur cette chute sans résistance. « La plupart des habitants de Sanaa sont des Ansar Allah et la chute est un résultat des années d’exclusion et de tyrannie contre une grande tranche de la société », dit Al-Sammad. Aujourd’hui, le mouvement veut une part du pouvoir, qui est désormais garantie par l’accord de « la paix et du partenariat », ce qui leur permet d’occuper 6 portefeuilles contre 9 pour le parti du Congrès (du président Hadi et d’Ali Saleh), mais cherche avant tout à inclure ses milices dans l’armée, à l’instar des Frères musulmans.
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