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Les mécontents de la future représentation

Hana Afifi, Lundi, 17 novembre 2014

Alors que la définition des circonscriptions se met en place, des politiciens rejetant la loi électorale pour les législatives dans sa forme actuelle se disent pessimistes sur l'avenir des partis politiques.

Les légistations
Photo : AP

Je n’ai reçu aucune demande de modifier la loi électorale pour les législatives, mais si le président, qui possède un pouvoir législatif, estime que c’est nécessaire, cela sera fait », affirme à l’Hebdo Réfaat Aboul-Omsan, conseiller du premier ministre pour les affaires électorales. En juin dernier, une loi électorale pour les législatives a été promulguée, non sans remous. Et alors que le président de la République, Abdel-Fattah Al-Sissi, appelle à un dialogue entre les partis politiques, des politiciens ainsi que certaines sources proches du gouvernement parlent d’un potentiel amendement par décret présidentiel de cette loi qui minimiserait le rôle des partis en accordant la grande majorité des sièges du Parlement au système uninominal. Mohamad Sami, président du parti Al-Karama, affirme ainsi que la Coalition du courant démocratique, qui regroupe plusieurs partis et mouvements de gauche, allait soumettre une demande de modification de cette loi.

Cet espoir ne trouve pas d’écho chez les leaders des partis égyptiens qui se préparent au scrutin, dont la date n’a pas encore été fixée. Tous ceux qui ont été interrogés par l’Hebdo s’accordent sur le fait qu’il est trop tard pour envisager une modification. Selon l’actuelle loi électorale, 420 sièges seront accordés aux individuels et 120 aux listes électorales « absolues », c’est-à-dire qu’une liste gagnera ou perdra dans sa totalité. Ce système soulève des questions quant à la « diversité politique » qu’offrirait ce Parlement.

« C’est le systèmedu favoritisme pour les riches marginalisant la vie politique et les partis », affirme Abdel-Ghaffar Chokr, président du parti de la Coalition populaire socialiste qui fait partie de la Coalition du courant démocratique. Il explique qu’avec 77% des membres élus au système individuel, seuls ceux qui ont de l’argent s’imposeront grâce aux pots-de-vin: dans les provinces, les familles riches, et en ville, les hommes d’affaires. Ahmad Faouzi, secrétaire général du Parti égyptien démocratique, qui fait partie de la coalition du Wafd égyptien, estime également que la loi telle qu’elle est « mènera à la mort des partis... et de la politique tout court. Les élections, au lieu de présenter une opposition d’idées et de visions, se feront à l’ancienne, elles seront une compétition entre citoyens sur la capacité à fournir des servicesaux électeurs ».

Le système uninominal pose un problème, mais celui par listes en tant que listes « absolues » aussi. De plus, un quota est fixé pour les femmes, chrétiens, handicapés, Egyptiens de l’étranger, ouvriers et jeunes. Une liste doit obtenir au moins la moitié des votes plus un, pour gagner.

« La moitié des votes du peuple égyptien sera ainsi perdue », proteste Chokr. Il pense de même que les quotas ne reflètent pas la vraie proportion de ces catégories dans la société, et que la perte de votes marginaliserait certains partis politiques. En effet, l’argent jouerait un rôle, ici aussi: « La liste des partis politiques qui ont le plus d’argent est celle qui gagnera », affirme Faouzi. Le Parti du mouvement patriotique, de l’ancien candidat à la présidentielle Ahmad Chafiq, préférait un scrutin de liste proportionnel qui signifierait « plus d’opportunités et une meilleure représentation », selon Yasser Qoura, membre du haut conseil du parti faisant partie de la Coalition du front égyptien. Le Parti des Egyptiens libres, qui n’a rejoint aucune coalition, estime « qu’il est difficile pour les partis de former des listes de façon convenable avec ces quotas », selon les termes de Mahmoud Al-Alayli, leader du parti, qui décrit la liste absolue comme étant « sectaire » et non « politique ». Réfaat Al-Saïd, du parti Al-Tagammoe, membre de la Coalition du front égyptien, s’inscrit en faux : « La liste doit être absolue, si elle était relative, on n’aurait aucune femme ou chrétien au Parlement ». Ainsi, selon lui, des voix seront perdues, « mais toutes les catégories seront représentées ».

Déclarations dans les médias

L’avenir des partis est sur la sellette, mais les protestations de ces derniers sont souvent restées au niveau des déclarations dans les médias, un peu comme la Coalition du courant démocratique, qui a envoyé une lettre en septembre au président, puis en octobre au premier ministre, appelant à une modification du système électoral. « Nous n’avons pas reçu de réponse », dit Chokr. Cette modification consiste à consacrer le tiers du Parlement, 180 sièges, au scrutin de liste proportionnel, et le reste à l’individuel. « Nous proposons une seule liste nationale qui englobe les 6 catégories requises, en plus des indépendants et des partis politiques », dit Chokr. Le parti des Egyptiens libres appelle de son côté à une liste proportionnelle ouverte. « En l’absence de réaction, nous n’avons rien de plus à offrir », dit Al-Alayli. Le Parti du mouvement patriotique, lui, préfère s’abstenir de toute proposition d’amendement en raison de la « situation sécuritaire et juridique ». « Nous soutenons le pays pour dépasser cette phase critique », argue Qoura. Faouzi et Al-Saïd s’accordent à dire qu’« il est déjà trop tard pour changer quoi que ce soit à la loi ».

Article 102 de la Constitution

Le Conseil des députés doit être formé d’au moins 450 membres, élus au scrutin direct et secret. Le candidat doit être un Egyptien jouissant de ses droits civils et politiques, détenteur d’un certificat de fin d’études primaires au moins, et être âgé, le jour de l’ouverture des candidatures, de 25 ans au moins. La loi précise les autres termes de la loi électorale et la définition des circonscriptions, en tenant compte d’une représentation démographique équitable de la population, dans les gouvernorats, ainsi que de la représentation des électeurs. Le scrutin uninominal, ou par liste, peut être adopté ou combiné selon n’importe quelle proportion. Le président de la République peut nommer un certain nombre de députés au conseil, ne dépassant pas les 5 % et la loi définit les modalités de leur nomination

Selon la loi 46 de 2014 fixant la composition du Parlement

- 120 sièges élus au scrutin de liste absolu pour les partis et les indépendants

- 420 sièges élus au scrutin uninominal pour les partis et les indépendants

- 5 % des sièges au plus peuvent être choisis par le président

- 2 listes sont formées de 15 sièges incluant au moins :

7 femmes

3 chrétiens

2 ouvriers et paysans

2 jeunes

1 Egyptien à l’étranger, 1 handicapé

7 femmes

- 2 listes sont formées de 45 sièges incluant au moins :

6 chrétiens

6 ouvriers et paysans

6 jeunes, 3 handicapés

3 Egyptiens à l’étranger

21 femmes

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