Le gouvernement d'union palestinienne en réunion pour la première fois à Gaza.
(Photo:AP)
« Je suis ici au nom du président Mahmoud Abbas et en tant que chef du gouvernement de consensus national (...). Nous avons mis des années de divisions derrière nous et la plus haute priorité de ce gouvernement est de garantir aux habitants de Gaza un retour à une vie normale, et l’unité avec la Cisjordanie », a déclaré Rami Hamdallah, premier ministre palestinien, lors d’une conférence de presse à Beit Hanoun, ville ruinée de Gaza par l’offensive israélienne, il y a un mois et demi. Hamdallah s’exprimait après avoir présidé la réunion de Conseil des ministres, tenue pour la première fois à Gaza, depuis la rupture entre le Fatah et le Hamas en 2007.
Des dizaines de gardes présidentielles du Fatah, ainsi que des policiers dépendant du Hamas se sont déployés côte à côte pour sécuriser les déplacements du premier ministre dans ce territoire dévasté par la guerre.
« La visite du gouvernement national à Gaza, trois jours avant la tenue de la conférence internationale des donateurs, avait pour objectif de rassurer les pays donateurs que le contrôle du Hamas sur ce territoire a pris fin et que le gouvernement d’union est aujourd’hui en mesure de gérer le processus de la reconstruction », explique Ekram Badr El-Din, professeur de sciences politiques à l’Université du Caire.
De nombreux pays européens ont exigé que les fonds collectés soient versés à l’Autorité palestinienne, non pas au Hamas classé comme groupe « terroriste » par les Etats-Unis et l’Union européenne. « La division palestinienne a longtemps entravé les processus de reconstruction de Gaza suite aux agressions israéliennes de 2009 et 2012. Les fonds avaient toujours été bloqués même ceux qui provenaient du Qatar, un grand allié du Hamas », rappelle Badr El-Din.
« Cette démarche a été tout aussi cruciale, dans la mesure où elle permettra aux Palestiniens de former un front uni lors des négociations indirectes avec Israël, prévues fin octobre », ajoute le politologue. L’accord conclu en août au Caire prévoit que l’Autorité palestinienne reprenne la gestion de Gaza.
L'Autorité palestinienne s'est présentée aussi comme seul interlocuteur palestinien dans l'accord qu'elle avait conclu avec Israël et l'Onu. Cet accord prévoit un « mécanisme provisoire » pour accélérer, sous la surveillance de l’Onu, la reconstruction de Gaza, tout en s’assurant que les matériaux de construction restent limités à des usages civils, et en donnant un rôle-clé de direction à l’Autorité palestinienne dans le processus de reconstruction.
Ce n’est qu’après un mois et demi après la fin de l’agression israélienne d’août dernier, que le gouvernement d’union nationale, formé le 2 juin, a pu siéger à ce territoire. Une première tentative des ministres issus du Fatah d’entrer à Gaza a été bloquée par Israël, visiblement embarrassé par la réconciliation des deux rivaux palestiniens. Les 18 ministres, dont 5 sont issus de Gaza, avaient dû alors mener leurs réunions par vidéoconférence. « Aujourd’hui sous pression de la communauté internationale, Israël a changé de position en laissant passer les ministres venus de Cisjordanie, par le poste-frontière d’Erez », constate Saïd Ockacha, politologue au Centre des Etudes Politiques et Stratégiques (CEPS) d’Al-Ahram.
Mais c’est surtout la rivalité politique interpalestinienne qui a entravé toute action concrète du gouvernement d’union nationale. Cette rivalité a refait surface le lendemain de la fin de l’offensive israélienne, donnant lieu à une guerre de déclarations. Mahmoud Abbas a menacé « de mettre fin à son partenariat avec le Hamas », l’accusant de refuser de « rendre les clés » du territoire à l’Autorité palestinienne et de maintenir un « gouvernement parallèle » à Gaza. Le Fatah a également accusé le Hamas d’avoir placé 300 de ses hommes à Gaza en résidence surveillée et d’avoir « volé » l’aide aux Gazaouis « pour la distribuer sur ses partisans ou la revendre au marché noir ». Le Hamas, de son côté, a accusé l’Autorité palestinienne de mener une « campagne médiatique de diabolisation » qui vise à « saper » sa popularité.
Après deux jours de discussions, sous l’égide de l’Egypte, les deux factions ont signé, le 25 septembre au Caire, un énième document de réconciliation stipulant le transfert « immédiat » du contrôle de la bande de Gaza à l’Autorité palestinienne. « L’accord stipule également le déploiement à Gaza de 3 000 hommes des services de sécurité dépendant de l’Autorité palestinienne et qui seront chargés du contrôle du terminal de Rafah », affirme Tarek Fahmi, politologue et membre de la délégation égyptienne qui a parrainé cette entente.
Okacha parle d’un « consensus d’intérêt » qui n’a rien à voir avec un rapprochement politique solide. « Les deux factions ont intérêt à faire réussir le processus de reconstruction de Gaza. D’une part, le Hamas veut regagner sa popularité auprès des Gazaouis dont la majorité se trouve sans abri. Il ne veut pas apparaître comme faisant entrave à la reconstruction. D’autre part, l’Autorité palestinienne veut réussir son retour à Gaza », explique Ockacha.
En effet, l’entente autour de la construction de Gaza pourrait se révéler précaire. « Les discordes risquent de se manifester quand il sera question de décider qui sera chargé des dépenses et des priorités de leurs attributions. Il est possible que chaque faction essaie de privilégier les zones où ses partisans sont majoritaires. Dans ce cas, le Hamas peut jouer sur la corde de la discrimination et de l’injustice de partage des fonds », dit Ockacha.
Le chemin du gouvernement d’union nationale est semé d’embûches en raison d’autres dossiers non moins litigieux, « de vraies bombes à retardement qui peuvent exploser à tout moment et mettre en péril aussi bien la reconstruction que tout autre effort de règlement politique », s’inquiète Fahmi. Selon lui, l’unification de l’appareil administratif est « le problème majeur ». Le paiement des 40 000 fonctionnaires nommés par le Hamas à Gaza depuis 2007, et qui n’ont pas été payés depuis des mois et auxquels s’ajoutent 70 000 fonctionnaires de l’Autorité palestinienne, va représenter un grand fardeau pour le gouvernement.
Le dossier de sécurité reste un autre grand défi. « L’harmonisation des doctrines des appareils sécuritaires à Gaza et à Ramallah, la rivalité entre les services de renseignements des deux factions et la mise en place d’une stratégie commune de coopération sécuritaire avec Israël comme l’exigent les accords d’Oslo, sont des questions piégées pour le gouvernement », craint le politologue .
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