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Coalition anti-EI  : Le « oui mais » du Caire

Samar Al-Gamal, Mardi, 30 septembre 2014

Les Etats-Unis cherchent à rallier l’Egypte à leur coalition contre Daech, qui comprend déjà cinq pays arabes. Le Caire se dit prêt à faire le pas, mais avance ses conditions.

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« L’Egypte sera ravie d’aider à lutter contre le terrorisme », a répété plus d’une fois en riant Abdel-Fattah Al-Sissi, dans sa première interview donnée aux Etats-Unis, retransmise sur CBS. Sissi faisait référence à la coalition anti-Daech que forment les Américains pour soutenir leurs frappes militaires contre le mouvement terroriste en Iraq et en Syrie.

En visite au Caire mi-septembre, soit quelques jours avant le déplacement du président égyptien à New York, John Kerry, secrétaire d’Etat américain, avait estimé que « l’Egypte a un rôle crucial à jouer pour contourner l’extrémisme ».

Washington, dont les relations avec Le Caire se sont largement détériorées depuis la destitution de Mohamad Morsi, change de cap. Il cherche à effacer les désaccords de point de vue pour encourager son allié de longue date à participer à sa guerre contre Daech.

Sissi a ainsi été reçu pour la première fois par Barack Obama en marge de la réunion de l’Assemblée générale de l’Onu. D’autres réunions ont suivi entre les chefs de la diplomatie des deux pays et leurs représentations permanentes à l’Onu. Au terme de l’entretien, Obama a déclaré que les relations américano-égyptiennes sont un « élément important de la politique de sécurité des Etats-Unis ».

Un haut diplomate égyptien ayant pris part à ces réunions égypto-américaines et parlant sous couvert de l’anonymat explique que Washington cherche en premier lieu « le symbolique » dans la participation égyptienne. « Les Américains veulent le nom de l’Egypte sur la liste des pays de la coalition », précise-t-il, en écartant toute volonté américaine d’une participation égyptienne directe dans les opérations militaires.

Selon une autre source diplomatique dans la capitale américaine, l’administration Obama veut aussi que Le Caire use d’Al-Azhar, la plus importante institution de l’islam sunnite, pour propager « un islam modéré en changeant son discours de plus en plus salafiste. Washington ne veut surtout pas voir le pays le plus peuplé du monde arabe exporter des djihadistes à rejoindre l’EI ».

Le Caire, qui veut jouer ses cartes, véhicule l’idée qu’il détient l’expertise nécessaire pour établir cette modération religieuse et poursuivre sa lutte contre le terrorisme entamée dans les années 1980.

« Paquet à prendre ou à laisser »

Mais Sissi a d’autres visées. « Nous avons proposé aux Américains un paquet, à prendre ou à laisser dans son ensemble », précise le diplomate égyptien à Washington.

Ce paquet est lié à l’aide militaire américaine et à la situation politique interne en Egypte. Mais dans la formulation, Le Caire part d’abord de l’idée exprimée par Sissi sur CBS : « Nous devons garder à l’esprit toutes les pièces du puzzle. Nous ne pouvons pas limiter la confrontation à la destruction de l’EI ». En d’autres termes, ceci signifie un élargissement de la guerre, passant d’une lutte contre Daech à une lutte contre le terrorisme en général.

« Nous n’avons pas le luxe de faire la différence entre des organisations aussi bien connectées et en permanente mutation », auraient dit les diplomates égyptiens aux Américains, selon les propos recueillis par l’Hebdo. « Le message implicite était que les Américains ne peuvent pas faire la guerre à Daech, et en même temps, chercher à inclure les djihadistes libyens dans le gouvernement de Tripoli », poursuit cette même source.

Le Caire fait, en effet, de la Libye sa ligne de défense et craint que le scénario que Washington cherche à appliquer ne se répète sur son propre territoire avec des demandes d’inclure les Frères musulmans dans le processus politique.

Définir la guerre contre Daech comme une lutte plus large contre le terrorisme dans son ensemble signifierait aussi que le combat que mènent les forces armées égyptiennes dans le Sinaï depuis un an et demi serait un avantage reconnu comme faisant partie de cette lutte. Concrètement, cela signifierait aussi un déblocage de l’aide militaire américaine à l’Egypte, aide qui a constitué une importante carte de pression américaine et a soulevé la colère du Caire.

Depuis le départ de Morsi, les Américains refusent de livrer des hélicoptères Apache à l’Egypte, en dépit de promesses multiples. « Nous allons remettre prochainement les Apache et nous avons de bonnes raisons pour le faire dès lors que ces hélicoptères ont pour objectif premier de lutter contre le terrorisme, et dans la mesure où l’Egypte et Israël oeuvrent en commun pour faire face à ce fléau. Ainsi, nous garantissons que l’argent du contribuable américain soit bien utilisé », avait dit Kerry en juin dernier. A ce jour pourtant, les appareils n’ont pas quitté le sol américain.

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« Plus important que les hélicoptères sont les pièces de rechange du matériel militaire qui sont aussi bloquées », précise un diplomate égyptien, qui affirme que « Sissi souhaite un retour aux relations de l’avant-30 juin 2013 et une reprise des manoeuvres militaires entre les deux pays ».

Ce diplomate, qui a participé aux rencontres, ajoute que le dossier des droits de l’homme et des libertés irrite Le Caire. Obama a critiqué l’Egypte sur ce dossier où « des règlements sans fin et des intimidations manifestes ciblent de plus en plus la société civile (...) Nous sommes solidaires avec ceux qui sont détenus en ce moment, même en Egypte: Ahmad Maher et tant d’autres. Ils méritent d’être libérés. Ils doivent être libérés ».

Le Caire demeure vague

Mais Le Caire reste flou sur les contreparties à l’aide américaine tout en imposant « ses lignes rouges ». Les autorités égyptiennes coopèrent, en effet, déjà avec les Américains en matière de renseignements. « Nous avons proposé d’élargir cette coopération aux institutions bancaires pour couper le fléau des financements des mouvements terroristes et nous nous sommes engagés à faire en sorte que le pays ne soit pas un terrain de recrutement pour les djihadistes », ajoute le diplomate.

Les propositions égyptiennes incluent aussi une formation des forces armées iraqiennes, « mais à condition qu’elles ne soient pas à majorité chiite comme ceci est le cas aujourd’hui, précise une autre source. L’alternative pourrait être la formation d’une force sunnite à l’instar de la garde nationale saoudienne ». Mais ceci ne semble pas satisfaire les Américains, qui ont échoué à former une opposition syrienne armée qui combattrait efficacement le régime de Bachar. Les Etats-Unis souhaiteraient ainsi que l’Egypte prenne le relais et commence elle-même à former l'opposition syrienne.

En Jordanie, en Arabie saoudite ou sur le sol syrien? Selon l’opposant syrien et directeur adjoint de l’initiative de réforme arabe, Salam Kawakibi, « l’Armée syrienne libre dit qu’elle n’a pas besoin de formation et que c’est un argument pour éviter de lui livrer des armes et munitions pour combler le vide si Daech se retire de certaines positions. »

« On est resté vague sur cette question aussi. On a dit qu’on allait examiner le dossier. En tout cas, l’Egypte a avancé ses demandes et attend la réponse », dit le diplomate. Son collègue précise: « Si les 10 Apaches quittent l’espace aérien américain, ceci signifiera qu’un accord a été conclu ».

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