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Locataires encombrants

Hana Afifi, Mardi, 23 septembre 2014

La cité universitaire d’Al-Azhar, théâtre d’affrontements violents entre étudiants et policiers l’an dernier, impose de nouvelles conditions à l’accueil des résidents, avec notamment l’engagement à rester en marge des manifestations. Reportage.

Locataires encombrants
Les étudiants déposent leurs demandes d'inscription à la résidence universitaire d'Al-Azhar. (Photo : Hana Afifi)

« Je m’engage, moi l’étudiant (e) … à la faculté de … pour l’année scolaire ... à n’exercer aucune activité politique dans la résidence universitaire et à ne former aucune union estudiantine sans avertir l’administration (...). Je m’engage également à ne prendre part à aucune manifestation dans les locaux. En cas de violation de ces engagements, j’assume toute procédure que l’administration de la résidence prendrait contre moi ». Imprimé en noir sur blanc, ce texte de 20 clauses est distribué aux nouveaux résidents. « C’est un acte d’engagement que tout candidat à la résidence universitaire doit signer », affirme, d’une voix douce mais remplie, Hussein Yassine, directeur général des résidences à l’Université d’Al-Azhar.

L’inscription à la résidence universitaire ne se déroule pas comme chaque année.

Postés devant l’entrée principale de la résidence, les policiers contrôlent les accès de la résidence. C’est sur ces mêmes lieux que les manifestations, souvent violentes, se déroulaient quasi quotidiennement tout au long des mois d’étude l’an dernier. Arrêtés en masse, des centaines d’étudiants se trouvent encore aujourd’hui derrière les barreaux.

« La plupart des problèmes étaient provoqués par des étudiants qui ne logent pas dans le campus », affirme Yassin, assis derrière son bureau surchargé de dossiers relatifs aux incidents de l’année dernière. Ceux-ci opposaient notamment les étudiants partisans du président islamiste déchu Mohamad Morsi et les forces de sécurité.

L’Université d’Al-Azhar avait alors banni de la résidence près de 500 étudiants et étudiantes. L’acte d’engagement que les nouveaux candidats doivent signer est l’une des nouvelles procédures de prévention, pour éviter des incidents pareils pendant la nouvelle année universitaire qui débute dans quelques jours.

L’administration entend aussi installer des portails électroniques accessibles avec des cartes d’identité codées.

Les traces des affrontements de l’année dernière sont toujours perceptibles: des fenêtres cassées, des dalles brisées qui servaient de projectiles, des murs brûlés ...

Selon Yassine, tout étudiant qui prendra part à des manifestations ou à leur organisation, en distribuant des tracts par exemple, sera immédiatement exclu de la résidence et devra payer pour les dégâts qu’il a causés. De plus, ceux qui ont été exclus l’année dernière ne pourront pas s’inscrire à la résidence cette année. Il en va de même pour ceux qui ont des procès en cours ou ont été accusés d’implication dans les violences.

Le mois dernier, 17 étudiants d’Al-Azhar ont été condamnés à 4 ans de prison, à cause de « manifestations contraires à la loi ». L’année dernière, des centaines d’étudiants ont été arrêtés pour le même chef d’accusation, alors que de nombreux autres ont péri dans les affrontements.

Pourtant, les étudiants n’ont relevé aucun changement dans la procédure de dépôt de candidature.

A l’extérieur du bureau d’accueil, les étudiants de la faculté de l’éducation se pressent pour s’inscrire dans l’espoir de se procurer une chambre à la cité universitaire. « J’ai terminé les démarches d’inscription hier, il y avait beaucoup de monde, la faculté de l’éducation est la faculté qui compte le plus d’étudiants », dit Hussein, originaire de Sohag, en Haute-Egypte. Adossé contre le mur, il feuillette un journal en attendant son camarade qui fait la queue devant le guichet.

Khaïry Ibrahim, l’un des fonctionnaires qui reçoit les demandes, affirme que cette année, la demande est nettement supérieure par rapport aux années précédentes. Derrière son guichet, les formulaires s’entassent en piles : « Hier seulement, nous avons reçu plus de 600 étudiants », dit-il.

Jusqu’au mercredi 17 septembre, 5 038 étudiantes et 7140 étudiants avaient déposé des demandes de logement à la cité d’Al-Azhar, soit un total de 12178 étudiants. La date limite pour le dépôt des demandes est le 25 septembre, quelques jours avant le début des études le 11 octobre.

Du côté des filles, des étudiantes en médecine font la queue. Alors qu’elles passent leur temps à bavarder sous le soleil accablant de midi, elles apprennent que les fonctionnaires « ne viendront pas aujourd’hui ». « Nous sommes venues pour nous inscrire, mais on a trouvé que l’administration est en congé aujourd’hui », dit Iman Al-Hussein, qui vient de Mansoura, dans le Delta.

Les rigolades des jeunes femmes déçues contrastent fort avec l’atmosphère effrayant qui régnait dans ces mêmes lieux quelques mois auparavant.

Bâtiments hors service

Au total, la cité d’Al-Azhar abrite 20 bâtiments, 8 réservés aux filles et 12 aux garçons, ceci en plus de 23 résidences réparties sur l’ensemble du pays, d’Alexandrie jusqu’à Assouan. Il s’agit d’un total de 36000 étudiants qui vivent dans les résidences dépendant de la plus grande université de l’islam sunnite. Et ces étudiants, qui doivent prouver un niveau d’étude au-dessus de la moyenne, bénéficient d’un loyer subventionné, 60 L.E. par mois, difficile de trouver en dehors du campus.

Mais pour cette rentrée, 5 bâtiments de logement, 3 réservés aux garçons et 2 aux filles, ont été mis hors service. Ceci se traduit par une capacité d’accueil inférieure de 2 000 étudiants par rapport à l’année dernière. Le nombre de résidents de la cité universitaire du Caire passera donc de 19000 à 17000, d’après les chiffres fournis par Yassine.

L’union des étudiants d’Al-Azhar n’a pas tardé à réagir. « C’est une décision du ministère de l’Intérieur. Ils mettront ces bâtiments à la disposition des policiers pour cibler les manifestants », accuse Atef, un activiste de l’union. « La décision est purement politique, elle est prise par le gouvernement et son résultat est de priver 4000 étudiants et étudiantes de leur droit à la résidence universitaire », renchérit le député du chef de l’union. « Mais nous n’accepterons pas cette décision qui nous mettra dans la rue », promet-il.

Alors que, selon le responsable concerné, Yassine, il s’agit simplement de raisons techniques. « Des travaux d’aménagement se déroulent dans trois bâtiments, alors que les deux autres ont besoin d’être entièrement rénovés ». D’après lui, seul un des bâtiments a été endommagé à cause des événements de l’an dernier.

Tandis que le vice-président de l’université ne cherche pas à s’expliquer. Pour lui, ce n’est pas de la responsabilité de l’université de trouver un logement à ses étudiants. La rentrée azharie s’annonce chaude.

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