Ekmeleddin Ihsanoglu, candidat commun de l'opposition, une figure peu connue auprès de la population
Tentant de contrecarrer la victoire prévue du premier ministre, Recep Tayyip Erdogan, à la présidentielle, les deux principaux partis de l’opposition turque, Le Parti républicain du peuple (CHP, social-démocrate) et le Parti de l’action nationaliste (MHP), ont désigné un candidat commun. Celui-ci est l’ancien secrétaire général de l’Organisation de la Conférence Islamique (OCI), Ekmeleddin Ihsanoglu, âgé de 70 ans.
Ce choix a suscité l’étonnement non seulement de la rue turque mais aussi de la classe politique qui a souhaité avoir un candidat laïque. Choisir un musulman pour défendre la laïcité face à « l’islamisation » menée par Erdogan, comme l’accuse l’opposition, a suscité beaucoup d’interrogations. Mais Ihsanoglu se présente comme un musulman modéré. Il a annoncé à plusieurs reprises écarter la religion de la politique. « Aujourd’hui, la raison principale des problèmes du monde musulman est due à l’association entre religion et affaires de l’Etat », a déclaré Ihsanoglu. En fait, Ihsanoglu affronte un grand défi : convaincre à la fois les laïcs du CHP qu’il n’est pas si religieux, les Kurdes qu’il est pour leur autonomie et les conservateurs de l’AKP qu’il n’est pas si laïque.
Il mise sur son parcours jugé modéré et oecuménique. Pendant son travail à l’OCI, il a prôné le dialogue entre les mondes chrétien et musulman à l’heure de l’islamophobie. Mais, le choix de M. Ihsanoglu n’a pas tardé à provoquer des vagues de contestation parmi un grand nombre de membres du CHP. Ce parti est connu pour sa lutte contre la religiosité et contre l’éducation religieuse. Il s’est opposé à la montée de Abdullah Gül au pouvoir juste parce que sa femme porte le voile. Cette décision « n’est pas conforme au profil des candidats potentiels discutés », a ainsi regretté le député du CHP, Melda Onur. Les déclarations de ce dernier ont poussé le chef du CHP, Kemal Kiliçdaroglu, à assurer que « c’est un homme sage, qui saura rassembler tous les pans de notre société ».
En effet, selon Ayman Abdel-Wahab, politologue au Centre des Etudes Politiques et Stratégiques (CEPS) d’Al-Ahram, l’opposition n’avait pas d’autres choix et ceci pour plusieurs raisons. Tout d’abord, c’est l’absence d’un candidat fort de l’opposition qui a accentué le charisme politique d’Erdogan. En plus, les deux partis sont persuadés que la candidature d’Ihsanoglu changera les donnes qui dominent la rue turque, depuis l’arrivée du Parti de la justice et de développement au pouvoir en 2002 et qui a remporté toutes les élections présidentielles, législatives et municipales.
« L’opposition, en choisissant Ihsanoglu, essaye de présenter aux Turcs un autre choix de musulman modéré pour influencer l’électorat d’Erdogan », dit Abdel-Wahab. Selon les calculs de l’opposition, cette démarche pourrait au moins réduire la chance d’Erdogan de gagner dès le premier tour. Et ceci en attirant une partie d’électorat qui vote toujours pour Erdogan comme les partis islamiques du Bonheur ou de la Grande Unité ainsi que le mouvement Gulen. « Toutefois, la chance d’Ihsanoglu demeure limitée à cause des différends et des conflits qui existent toujours entre les partis de l’opposition, et se répercutent sur leur score dans tous les scrutins », conclut Abdel-Wahab .
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