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Les protestations ouvrières reprennent

Amira Samir, Lundi, 30 juin 2014

Après un répit de quelques semaines, les ouvriers reprennent les débrayages

Des ouvriers
Des ouvriers de l'usine du fer et de l'acier se sont mis en grève pour l'amélioration de leurs conditions de travail.

Pour la première fois sous la présidence de Sissi, des dizaines d’ouvriers de la société Lin et huiles de Tanta ont entamé, mardi dernier, un sit-in devant le Conseil des ministres, exigeant la renationalisation de la société, son redémarrage et le retour à leurs postes des ouvriers licenciés. Cette société, qui comptait 1 300 ouvriers, a été privatisée en 2005 et vendue à un investisseur saoudien pour la somme de 83 millions de L.E. échelonnées sur 3 ans. La valeur réelle de la société était évaluée par des économistes à 500 millions de L.E., soit 6 fois la somme à laquelle elle a été vendue.

En réponse, l’actuel président, Abdel-Fattah Al-Sissi, a qualifié ces manifestations de « revendications salariales », en affirmant que l’Etat ne possède pas les moyens de les réaliser. « Nos demandes sont légales et garanties par la Constitution. Mais le gouvernement prend partie des hommes d’affaires et tourne le dos aux pauvres ouvriers », confirme Hicham Abou-Zeid, l’un des ouvriers. Ceux de Tanta ont décidé de manifester après un répit accordé au gouvernement, et les ouvriers de la Société pour le fer et l’acier de Hélouan ont également entamé un sit-in exigeant le paiement de 3 mois d’arriérés, de participation aux profits annuels qui complètent de manière importante les salaires des ouvriers. Ils demandent aussi le paiement d’une prime d’un demi-mois et une donation d’un autre demi-mois que l’entreprise est habituée à offrir à l’occasion du mois du Ramadan. Les ouvriers exigent encore l’amélioration des conditions de travail, la réembauche des ouvriers licenciés précédemment, mais aussi le limogeage des dirigeants de la compagnie (notamment le PDG), accusés de corruption.

En décembre dernier, les ouvriers de fer et d’acier avaient déplacé une de leurs manifestations hors de l’enceinte de l’usine à Hélouan (cité ouvrière d’environ 1 million d’habitants), alors qu’ils n’avaient pas obtenu l’autorisation du ministère de l’Intérieur, comme l’exige la nouvelle loi des manifestations de novembre 2013. Pourtant, personne n’a osé intervenir contre les ouvriers. Au contraire, ils ont obtenu des promesses selon lesquelles le gouvernement allait répondre positivement à leurs revendications. « Le gouvernement préfère s’adapter à ce genre de protestation parce que la situation politique ne permet pas autre chose. Mais à mon avis, il ne faut pas répondre à toutes les revendications des ouvriers, parce que certaines sont injustifiables », estime Abdel-Rahman Kheir, un leader des ouvriers et ex-membre du Conseil consultatif. L’actuel grève a démarré en réaction au non-respect de promesse de l’ex-président d'un syndicat ouvrier, Abdel-Fattah Ibrahim, qui s’est rendu dans l’usine fin novembre 2013, et a promis de satisfaire les revendications des ouvriers.

Pour le salaire minimum

Le mouvement de grève a démarré début février 2014 dans les usines de textile de la Compagnie publique des tissages et filages d’Al-Mahalla Al-Kobra. A l’époque, les ouvriers ont contesté le fait que la hausse du salaire minimum à 1 200 L.E., promise par le gouvernement de Beblawy pour fin janvier, ne concernait que 4,1 millions de fonctionnaires d’Etat et pas les 7 millions salariés de la fonction publique. Ensuite, la grève s’est propagée à de nombreux autres secteurs de la fonction publique exclus de cette hausse de salaire minimum. Citons, entre autres, les employés des transports publics, de la poste, de l’administration agricole et de l’irrigation, des médecins, pharmaciens, dentistes des hôpitaux publics, et enfin, ceux de la banque Al-Ahly. Toujours pour le salaire minimum, les vétérinaires s’y sont associés plus tard, en entamant une grève nationale le 23 mars dernier.

D’autre part, les ouvriers de 11 entreprises privatisées ont exigé la renationalisation de leur société ou le redémarrage de celles à l’arrêt. Mais ce qui a élargi le mouvement de grève c’est que les catégories de salariés à durée déterminée dans les différents secteurs de la fonction publique ou d’Etat ont exigé d'être titularisés, d'obtenir des salaires plus élevés ainsi que de meilleures conditions de travail. A cela s’ajoutent des protestations et manifestations pour des raisons diverses dans différents secteurs publics et privés, et alors que la liste s’allonge, le Centre égyptien des droits économiques et sociaux affirme que le mouvement de grève a beaucoup diminué, au mois de mai, avec 45 protestations, en comparaison avec 146 en février, 127 en mars et 71 en avril. Le Centre de recherches pour le développement international, lui, compte pour le seul mois de février quelque 1 044 manifestations, dont 58 % pour des raisons économiques.

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