Au troisième étage d’un immeuble au style baroque situé rue Talaat Harb, dans le centre-ville du Caire, les tables rondes se succèdent depuis que la campagne a vu le jour le 23 mars dernier. Objectif : dégager une proposition de loi alternative à celle du gouvernement sur le code du travail. Formée d’un groupe de différentes étiquettes — syndicalistes, avocats, activistes politiques ou des droits de l’homme — cette campagne regroupe aussi des ouvriers licenciés ou en grève. «
Notre objectif est de revendiquer une refonte totale de la législation du travail, dont le statut va de mal en pis avec ces modifications apportées par le ministère de la Main-d’oeuvre et qui renforcent le pouvoir des patrons au détriment des ouvriers. D’où cette nécessité de proposer à la place un texte qui vise à restaurer le caractère social à la relation contractuelle et assurer la sécurité de l’emploi », déclare Ayman Abdel-Moati, membre dans la campagne et responsable du bureau médiatique du Centre égyptien pour les droits économiques et sociaux. Et d’ajouter : «
Le code du travail est classé dans la catégorie des législations sociales ; ces lois devraient s’aligner sur la partie la plus faible dans la relation, qui est l’ouvrier ».
Après trois mois de travail, la campagne vient d’annoncer cette semaine la première version de loi alternative, formée de 6 chapitres, qui est le fruit « d’une étude approfondie des codes du travail de différents pays », dit Hoda Kamel, membre du bureau exécutif de l’Union égyptienne des syndicats indépendants. Parmi les innovations apportées par cette loi alternative, comme le dévoile Hoda Kamel, figure la création d’un « haut commissariat du travail » composé de 100 membres, dont 50 % seraient des ouvriers et paysans, 25 % des représentants des ONG s’intéressant au domaine du travail. Quant aux 25 % restants, ils représenteraient des économistes, juristes et financiers. Cet organisme devrait surveiller la mise en oeuvre des lois et décisions émises par le ministère de la Main-d’oeuvre et de l’Immigration, et des conventions collectives de travail, et recevoir les plaintes des travailleurs à l’étranger et à l’intérieur du pays. Cette loi prévoit aussi l’égalité entre les travailleurs du secteur public et ceux du secteur privé concernant les congés, les primes et le salaire minimum. Elle consacre aussi une allocation de chômage au jeune en quête de travail, dont la valeur ne devrait pas être moins de 75 % du salaire minimum.
En double mission
Lors de la dernière rencontre de la campagne, mercredi dernier, le groupe s’est préoccupé de mettre en place un plan d’action pour donner vie au projet. Il s’agit d’une action sur deux plans parallèles. « On va présenter un rapport explicatif de la loi alternative au comité législatif nommé par le gouvernement, pour débattre le projet du code du travail, bien qu’on ne compte pas beaucoup sur cette démarche », dit Abdel-Moati. Sur l’autre plan, la campagne entend aller directement sur terrain pour contacter les ouvriers. « On va se déplacer dans les usines et les syndicats indépendants des différents gouvernorats, pour les informer avec un langage simple. En même temps, on notera leurs remarques pour développer notre loi », dit Moati. Et de conclure : « Ainsi, la loi alternative pourrait gagner une légitimité et popularité auprès des ouvriers qui pourraient former un front de soutien pour faire pousser cette loi, ou au moins un nombre considérable de ses articles, quand il sera question de débattre le code du travail dans le nouveau Parlement ».
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