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Le ton de la presse américaine pointé du doigt

Amira Samir, Mardi, 17 juin 2014

La presse américaine, qui s'interroge sur la politique de la Maison Blanche en Egypte, est l'objet de tensions entre Le Caire et Washington.

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Les médias égyptiens accusent sans cesse la presse améri­caine d’être « contre la volonté du peuple égyptien » depuis le 30 juin 2013, et « d’ignorer le succès d’Al-Sissi et son arrivée au pouvoir » à la suite de son investiture. Elle est aussi accusée de soutenir les partisans « terroristes » des Frères musulmans et de l’ancien président Mohamad Morsi.

Peu avant l’élection de Abdel-Fattah Al-Sissi à la tête du pays, le Washington Post publie un éditorial portant un titre qui incite l’administration américaine à geler son aide à l’Egypte, estimée à un peu plus de 1,5 milliard de dollars: « La démo­cratie de façade en Egypte ne mérite pas d’aides ». Le Washington Post parle aussi du discrédit et des réactions miti­gées et très critiques qui frappent les Etats-Unis, dans un pays qui a longtemps été le plus proche allié de Washington dans le monde arabe. « Une des rares certitudes dans la situation tumultueuse que connaît l’Egypte est que le prestige et l’influence des Etats-Unis sont en berne », observe le quoti­dien.

Dans ce contexte, l’ambassa­deur égyptien à Washington a adressé une lettre au rédacteur en chef de ce prestigieux quoti­dien, pour protester contre le ton des éditoriaux et « les men­songes » publiés qui remettent en question l’intégrité des résultats de la dernière élection présidentielle. Trois jours plus tard, l’ambassadeur égyptien a adressé une autre lettre au New York Times (NYT) pour la même raison.

Bref, les officiels pensent aussi que la couverture améri­caine est biaisée, surtout qu’elle continue à qualifier le 30 juin et les mesures entreprises le 3 juillet de « coup d’Etat ».

Pour parler de l’élection, David D. Kirkpatrick, correspond du NYT, se demande si l’ex-ministre de la Défense, Abdel-Fattah Al-Sissi, qui a remporté plus de 96% des voix au scru­tin présidentiel, « qui a mené un coup d’Etat militaire, il y a environ une année, et qui se montre aujourd’hui comme le nouvel homme fort de l’Egypte, peut faire face aux défis qui tourmentent le pays ces 3 dernières années ».

Aussi, peu avant la présidentielle, NYT parlait « d’exécutions politiques » pour qualifier les condamnations à mort de masse des partisans de Morsi. Le quotidien américain se dit très remonté contre la réaction « étonnamment faible » de l’admi­nistration américaine, et n’accorde aucun crédit à la realpolitik poursuivie par le département d’Etat en Egypte. Il évoque des verdicts destinés non pas à réprimer l’opposition au gouverne­ment, mais à « l’éradiquer ». « Un gouvernement qui persé­cute ses opposants et leur refuse à la fois la justice la plus élémentaire et le moindre rôle dans la société ne produira que de l’instabilité et de la violence », lit-on dans l’éditorial.

Garder une bonne image

Pour Soraya Badawi, professeur de communication inter­nationale à l’Université du Caire, la nécessité pour les Etats-Unis est de garder une bonne image face à la communauté internationale et aux citoyens américains. « Le ton des médias américains a beaucoup changé avant et après la présidentielle. Il était oscillatoire. On qualifiait d’abord le 3 juillet de coup d’Etat. Mais après les élec­tions, le ton a beaucoup changé vis-à-vis du nouveau président », estime Soraya Badawi. Les Etats-Unis visent aussi à maintenir leur influence sur le pays le plus peuplé du monde arabe.

Ainsi, l’éditorialiste Roger Cohen estime peu probable que les Etats-Unis oseraient punir l’armée égyptienne. « La suspension de l’aide militaire serait un réflexe impulsif. Cela ne ferait qu’augmenter la possibilité d’un chaos en Egypte et dans la région », écrit-il dans le NYT.

Commentant la nouvelle Constitution, le Washington Post a affirmé que le texte exempte l’armée, la police et les services de renseignement du contrôle civil. En sus, elle autorise le jugement des civils devant les tribunaux militaires. Selon le journal, « les autorités égyptiennes visent non seulement les islamistes, mais aussi les militants laïques ayant déclenché la révolution du 25 janvier 2011 ».

Dans une interview au même quotidien publiée le 3 août 2013, Al-Sissi avait résumé la vision des responsables égyp­tiens, accusant l’administration Obama de trahir l’Egypte : « Vous avez tourné le dos aux Egyptiens et ils ne l’oublieront jamais ».

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