Moscou et Pékin ont des intérêts avec l'Iran et feront tout pour empêcher une attaque militaire contre Téhéran.(Photo: Reuters)
Diplomates, les Russes et les Chinois s’opposent à toute idée d’usage de la force militaire contre l’Iran. Ils ont aussi refusé l’imposition de nouvelles sanctions économiques. Téhéran peut compter sur ses alliés pour contrer l’Occident et Israël qui cherchent toujours davantage à l’isoler sur la scène internationale.
La ligne diplomatique russe ne fait aucun mystère. Le ministre des Affaires étrangères, Sergueï Lavrov, a récemment averti que la Russie n’accepterait plus de nouvelles sanctions voulues par l’Occident contre l’Iran et a estimé qu’une éventuelle intervention militaire étrangère dans ce pays serait une « catastrophe avec les plus graves conséquences ». Selon le chef de la diplomatie russe, « les nouvelles sanctions unilatérales contre l’Iran n’ont rien à voir avec le désir de lutter contre la prolifération nucléaire. Cela a été bien réfléchi dans le but d’asphyxier l’économie iranienne et d’aggraver la situation (dans laquelle se trouve) la population », avait estimé Lavrov.
Car l’Union Européenne (UE) durcit donc sa position face à l’Iran. Pour le rappeler, les ministres européens des Affaires étrangères, réunis au Luxembourg, ont, le 15 octobre dernier, adopté de nouvelles sanctions qui viennent s’ajouter à un arsenal déjà très sévère, notamment depuis l’embargo pétrolier entré en vigueur en juillet dernier.
L’UE s’attaque désormais aux transactions financières avec une interdiction de principe de toute transaction entre les banques européennes et iraniennes, malgré certaines exemptions accordées au cas par cas pour permettre la poursuite du commerce « légitime ». S’y ajoutent des sanctions renforcées contre la Banque centrale d’Iran, de nouvelles restrictions sur le transport d’hydrocarbures ou l’interdiction d’importer du gaz iranien.
Moscou a souhaité l’ouverture le plus tôt possible d’une nouvelle série de discussions entre Téhéran et les six puissances chargées du dossier nucléaire iranien (Etats-Unis, Russie, Chine, France, Grande-Bretagne, Allemagne). « Nous le répétons : nous ne considérons pas les sanctions unilatérales, introduites par des Etats ou des groupes d’Etats en contournant le Conseil de sécurité de l’Onu, comme des instruments légitimes de politique internationale », a déclaré dans un communiqué le ministère russe des Affaires étrangères.
« Les sanctions décidées par l’Union européenne sapent la reprise de négociations avec l’Iran, dans lesquelles, à notre avis, était enregistré un progrès », poursuit la diplomatie russe, qui qualifie ce type de mesures d’inacceptable ... « Nous allons continuer d’œuvrer avec constance pour l’organisation la plus rapide possible du prochain round dans le format Six + Iran », conclut le ministère des Affaires étrangères.
Le président russe, Vladimir Poutine, a par ailleurs tenu à soutenir le droit de Téhéran à un usage pacifique de l’énergie nucléaire. « Nous avons toujours soutenu le droit du peuple iranien à disposer de technologies de pointe, et notamment à faire un usage pacifique de l’énergie nucléaire. Je tiens à souligner qu’il s’agit juste d’un usage pacifique. Vous connaissez notre position. Nous sommes partisans de la non-prolifération des armes de destruction massive. En même temps, nous connaissons votre position (…) qui consiste à affirmer que l’Iran ne travaille pas sur la conception d’une arme nucléaire », avait-il déclaré lors d’une rencontre avec son homologue iranien Mahmoud Ahmadinejad.
Les objections de la Russie à une intervention militaire contre l’Iran sont essentiellement stratégiques, mais contiennent également une dimension économique. L’Iran est une passerelle entre l’Asie du Sud, le Golfe persique et l’Asie centrale. L’Iran partage une frontière avec les anciens Etats soviétiques que sont le Turkménistan, l’Arménie et l’Azerbaïdjan. Toute attaque contre l’Iran aurait des conséquences imprévisibles dans une région que la Russie considère comme relevant de sa sphère d’influence.
Refus catégorique
Le gouvernement russe a été catégorique dans son opposition à toute action militaire contre l’Iran. Le vice-ministre russe des Affaires étrangères, Sergueï Ryabkov, a réitéré dernièrement ces mises en garde. En plus de prédire un « effet négatif pour la sécurité de nombreux pays » dans l’éventualité d’une attaque contre l’Iran, il a déclaré qu’il y aurait « des conséquences terribles pour l’économie mondiale à cause d’une flambée inévitable du prix des hydrocarbures, ce qui ralentira la sortie de la récession ».
La Chine partage le point de vue russe de non-ingérence et refuse elle aussi toute idée d’intervention. Ses motivations, à la fois économiques et politiques, sont portées par une probable déstabilisation de l’ensemble de la région en cas de frappes militaires contre l’Iran. La Chine va poursuivre ses achats d’hydrocarbures à l’Iran. Pékin est, en effet, tributaire de ces approvisionnements énergétiques auprès de l’Iran : la Chine est le principal client de l’Iran en matière de pétrole brut.
Privilégiant comme la Russie le dialogue et la diplomatie, la Chine a fait part de son opposition au nouveau train de sanctions imposé par l’Union européenne et a appelé à des discussions sur le programme nucléaire iranien. « Nous sommes opposés à l’imposition de sanctions unilatérales contre l’Iran et estimons que le recours à des sanctions pour exercer des pressions ne peut fondamentalement pas résoudre le problème nucléaire iranien », a récemment déclaré le porte-parole du ministère des Affaires étrangères, Hong Lei. « Cela ne peut que rendre la situation plus complexe et intensifier la confrontation. Nous souhaitons que toutes les parties concernées fassent preuve de souplesse, communiquent mieux et travaillent à une nouvelle série de discussions dès que possible », a-t-il ajouté.
Les intérêts étrangers — qu’ils soient politiques ou économiques — sont bel et bien au centre de la dispute sur l’Iran. La Russie et la Chine conservent de forts échanges commerciaux avec l’Iran tout en respectant leur ligne politique de non-ingérence visant, dans le cas de l’Iran, à éviter le pire dans une région déjà en proie à une forte instabilité.
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