Amr Hachem Rabie, directeur adjoint du Centre des Etudes Politiques et Stratégiques (CEPS) d’Al-Ahram.
Al-Ahram Hebdo : Quelles sont vos remarques sur la nouvelle loi sur les élections législatives ?
Amr Hachem Rabie: Du point de vue de la forme, la loi a été promulguée de façon précipitée, et il semble qu’il y a une volonté de la faire passer avant que Abdel-Fattah Al-Sissi ne devienne officiellement président, pour éviter de le mettre dans une situation embarrassante en parlant de conflits d’intérêts. Or, la promulgation de la loi aurait dû être reportée, afin de remédier à ses déficiences et trancher la question du scrutin uninominal ou par liste, en plus de la question des quotas des femmes et des coptes. La loi aurait pu être promulguée après l’investiture de Sissi. On s’est obstiné à la promulguer alors que le comité chargé de rédiger le texte n’a pas eu de contacts suffisants avec les partis politiques et n’a pas pris en considération l’avis des experts. Sur le fond, cette loi ramène l’Etat en arrière. Elle permet le retour à la liste absolue et ouvre la porte à la fraude, puisqu’elle renferme un article stipulant le droit du juge à quitter le bureau de vote pendant une heure de repos, ce qui n’existe dans aucun pays du monde.
— Et d’après vous, pourquoi le comité s’est-il précipité à promulguer celle loi fixant un taux de 78% pour le vote uninominal ?
— Malgré les nombreuses remarques, le comité a insisté à promulguer une loi qui ouvre la porte aux anciens membres du PND de Moubarak et aux Frères musulmans, en plus de l’hégémonie de l’argent sur la vie parlementaire. Résultat: le nouveau Parlement sera faible. Des procès seront intentés contre cette institution. Dès que le Parlement se sera réuni, des recours seront présentés pour inconstitutionnalité. Tout ceci parce que des informations sont parvenues au comité que Sissi préfère le système uninominal lors du scrutin.
— Conformément à cette loi, quelle sera la carte du nouveau Parlement ?
— Elle sera très confuse, un tiers des sièges sera occupé par des députés appartenant à l’islam politique et des salafistes, le deuxième tiers par des hommes du régime de Moubarak, et le troisième tiers par les forces révolutionnaires, ou plutôt ce qui en reste, en plus des autres partis comme le néo-Wafd, Al-Tagammoe, Al-Dostour et autres. Consacrer 78% de sièges aux indépendants fera que les députés n’auront aucun engagement envers des partis politiques, mais envers les citoyens des circonscriptions seulement. Même les 22% des sièges consacrés au scrutin de liste comprendront des sièges individuels masqués.
— Que pensez-vous des coalitions qui se forment avant ce scrutin ?
— Ceci signifie un retour en masse des anciennes figures politiques et la domination de l’argent. Cela veut dire tout simplement que tous les anciens défauts se répéteront dans le nouveau Parlement.
— Selon vous, le pouvoir exécutif sera-t-il plus fort que le pouvoir législatif à l’avenir ?
— Il est évident que, à cause de la nouvelle loi, le Conseil des députés sera dominé par le pouvoir exécutif ainsi que la présidence qui sera plus forte que le Parlement. J’espère que le nouveau président interviendra pour remédier à cette déficience et former un comité technique constitué d’experts, afin de promulguer une loi non politisée, pour éviter que l’Egypte ne revienne en arrière.
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