Les Frères bouderont-ils les législatives ? (Photo : Reuters)
Le boycott, c’est ce qui a été annoncé officiellement par la confrérie et ladite «
Coalition du soutien à la légitimité », regroupant les Frères et leurs alliés islamistes. Hamza Zawbae, cadre du Parti Liberté et justice, bras politique de la confrérie, a affirmé que les Frères ne participeront pas aux législatives, que ce soit sous la bannière de la confrérie ou pas. Ahmad Badie, porte-parole de leur allié Al-Watan, a également annoncé que la coalition était presque unanime pour boycotter le scrutin. Une position qui rime avec leur rejet de la feuille de route annoncée suite à la destitution du président Mohamad Morsi, le 3 juillet dernier.
Toutefois, certains observateurs estiment que les Frères sont conscients de la nécessité de se rallier au processus politique et ne rateront pas une dernière chance pour renaître de leurs cendres. Pour Ibrahim Al-Hodeibi, spécialiste des mouvements islamistes, il ne fait aucun doute que les Frères participeront aux législatives. « Les Frères sont conscients qu’ils sont actuellement dans l’impasse après avoir perdu du terrain politique et du soutien populaire. D’autant plus qu’ils ont aussi réalisé que les soutiens étrangers ont reculé. C’est pourquoi ils ne tarderont pas à reprendre leur pragmatisme politique et ne rateront pas l’occasion de reconquérir le futur Parlement », affirme Al-Hodeibi.
D’après le jeune chercheur, le pragmatisme qui caractérise la confrérie poussera les Frères à modifier leur stratégie de la ligne dure. La participation des Frères aux élections des syndicats professionnels ainsi que la présence d’un cadre du Parti Liberté et justice récemment à un colloque sur la loi de l’exercice des droits politiques, sont des indices qui révèlent leur volonté de renaître sur la scène politique, après avoir raté toutes les opportunités de réconciliation proposées.
Mais face à une interdiction judiciaire, sous quelle bannière les Frères musulmans pourront-ils se présenter aux législatives ? En avril dernier, le tribunal des référés d’Alexandrie a interdit aux Frères musulmans de se présenter aux élections présidentielle et parlementaires. Le magistrat Hamed Al-Gamal explique que cette décision est la conséquence de la qualification de la confrérie en tant qu’organisation terroriste par le gouvernement. L’article 86 du code pénal définit les peines contre les groupes terroristes et interdit la participation de leurs membres à la vie politique. « Après sa qualification d’organisation terroriste, la confrérie a été privée du droit d’exercer ses droits politiques », indique Al-Gamal. Hicham Al-Naggar, spécialiste des mouvements islamistes, pense que ce verdict n’empêchera pas les Frères musulmans de participer indirectement aux prochaines législatives, et pas nécessairement sous la houlette de leur Parti Liberté et justice, qui n’est d’ailleurs pas interdit. « Les restrictions imposées à la confrérie limitent sa capacité de former de vastes coalitions. Mais elle pourra quand même s’entendre avec des partis islamistes membres de la Coalition du soutien à la légitimité comme Al-Watan, Construction et développement, bras politique de la Gamaa islamiya, les partis salafistes Al-Assala et Al-Fadila, ainsi que le parti Al-Wassat, créé par des dissidents Frères musulmans. D’autant plus que le mode de scrutin accordant 78 % au scrutin individuel permettra aux Frères de présenter des candidats inconnus de deuxième ou troisième rang », détaille Al-Naggar. En vertu de la loi, le système électoral des législatives sera un scrutin aux modalités mixtes : 78 % des sièges, soit 420 députés, seront ouverts à des candidatures individuelles, et 22 %, soit 120 députés, au scrutin de liste à majorité absolue.
Chances quasi nulles
Les Frères musulmans face auxquels la rue s’était révoltée le 30 juin 2013 pourront-ils obtenir un appui ? Certains pensent que la confrérie a beaucoup perdu du terrain populaire et que ses chances de remporter des sièges lors des élections sont quasi nulles. D’autres préviennent qu’il ne faut pas minimiser leur poids, parce qu’en dépit des coups reçus, la confrérie reste la force la mieux organisée et pourra restaurer ses capacités. Hussein Abdel-Razeq, cadre du Parti du Rassemblement, estime que le mode de scrutin à majorité individuelle ouvre la porte à l’hégémonie de l’argent, des liens familiaux et tribaux. « Des éléments que maîtrisent très bien les Frères, qui seront les grands gagnants de ce scrutin malgré les restrictions judiciaires et sécuritaires », poursuit Razeq. Mais pour Mahmoud Al-Alayli, secrétaire général du parti des Egyptiens libéraux, cette hypothèse oublie les changements survenus dans la population. « Avec cette vague hostile aux Frères, il leur sera difficile de leurrer les électeurs par leurs moyens traditionnels », prévient-il.
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