Les Egyptiens se rendent aux urnes lundi et mardi, pour élire le 6e président égyptien depuis la fin de la monarchie en 1952, et ce, suite à un an d’une présidence intérimaire assurée par le président de la Cour constitutionnelle, Adly Mansour. Celui-ci a assuré la tête de l’exécutif après un départ forcé de Mohamad Morsi, le premier président civil élu. Plus de 53 millions d’électeurs devraient ainsi choisir entre deux candidats, à savoir Abdel-Fattah Al-Sissi, le ministre de la Défense démissionnaire, et Hamdine Sabahi, figure de l’opposition et l’un des chefs de file de la révolution contre Moubarak en 2011. Les deux candidats se disent inspirés de Nasser à différents degrés.
Sabahi retient du leader charismatique le socialisme et la justice sociale alors que Sissi, qui retient de Nasser son image militaire, compte plus sur les investissements, notamment étrangers. La campagne électorale de Sissi séduit ceux qui rêvent de stabilité, d’un Etat solide et de la lutte contre le terrorisme. Même si ceci signifie aussi la fermeture de l’espace public, ouvert depuis la révolution, au nom de la sécurité et de la lutte contre le terrorisme. Sur fond d’une rue polarisée, Sabahi a refusé de boycotter les élections et a annoncé sa candidature au moment où ses chances paraissaient minimes face au maréchal. Mais l’opposant de longue date a été en mesure de rallier de nouveaux partisans, comptant sur une jeunesse qui aspire au changement et sur une masse partisane d’un Etat civil. Mais le temps qui reste ne permettra probablement pas de faire pencher la balance en sa faveur.
Des centaines d'Egyptiens vivant à l‘étranger ont déjà voté pendant 4 jours et jusqu’à lundi dernier. Les images retransmises sur les écrans de télévision montrent une participation plus importante que lors des précédentes élections et du référendum de 2014 sur la Constitution. Cependant, il sera difficile de calculer le taux de participation exact, puisque la Haute commission électorale a supprimé les listes des électeurs à l’étranger et s’est contentée d’une liste globale pour l’ensemble des Egyptiens à l’intérieur ou à l’étranger. Pourtant, le nombre de voix en faveur de Sissi ou de Sabahi peut être révélé dès ce mercredi, à partir des procès-verbaux qui seront remis aux délégués des deux candidats, après le dépouillement qui a commencé tard dans la nuit de mardi à mercredi.
Le nassérien révolté
Hamdine Sabahi.
Nom : Hamdine Abdel-Aati Abdel-Maqsoud Sabahi.
Symbole électoral : L’aigle.
Slogan : Un d’entre nous... nous poursuivrons notre rêve.
Naissance : Le 5 juillet 1954 à Baltim, une petite ville au nord de l’Egypte. La famille de Sabahi est originaire de Kafr Al-Cheikh dans le Delta.
Nombre d’enfants : Un fils et une fille.
Diplôme et parcours politique :
— En 1973, il arrive dans la capitale pour rejoindre la faculté de communication à l’Université du Caire.
— Lors de ses études, Sabahi s’intéresse à la politique. Il devient le rédacteur en chef du journal Les Etudiants, fonde « le club de pensée nassérienne ». Il est élu président de l’Union des étudiants de l’université.
— Il est un ancien opposant à Anouar Al-Sadate. A la suite des « émeutes de la faim » de 1977, Sabahi se rend célèbre lors d’un débat télévisé durant lequel il affronte publiquement Sadate, en dénonçant la corruption gouvernementale et sa politique économique et pro-israélienne.
— Diplômé en 1976, Sabahi travaille dans un petit journal de gauche, La Voix des Arabes.
— Il est le plus jeune homme politique emprisonné par Sadate en septembre 1981.
— Il participe à la fondation du Parti nassérien arabe démocratique en 1992, dont il claquera la porte 4 ans plus tard.
— Il fonde le Parti Al-Karama en 1996.
— Parlementaire indépendant de 2000 jusqu’à 2010, Sabahi n’a jamais cessé de fustiger le néolibéralisme.
— Il est l’un des fondateurs, en 2004, du mouvement Kéfaya (assez!) avec des intellectuels et militants de gauche.
— Il participe en 2010 à la création de « l’Association nationale pour le changement ».
Veille du 25 janvier 2011 :
— Emprisonné à 17 reprises à cause de son opposition aux régimes de Sadate et de Moubarak, Sabahi raille rapidement les révolutionnaires de la place Tahrir.
— Le parti de Sabahi s’allie aux Frères musulmans pour les législatives de décembre 2011.
— Il se porte candidat à l’élection présidentielle de 2012 , créant la surprise en arrivant 3e, avec 20% des voix.
Sous Morsi :
— Sabahi crée avec d’autres hommes politiques le Front National du Salut (FNS), qui s’oppose aux Frères musulmans en organisant de grandes manifestations autour du palais présidentiel.
— En septembre 2012, Sabahi devient le leader du Courant populaire, qui boycotte le référendum sur la Constitution de 2012.
Après le 30 juin :
— Hamdine Sabahi déclare son soutien au mouvement Tamarrod, pour retirer la confiance au président Frère musulman et réclamer une élection anticipée. Il appelle à des manifestations de masse contre Morsi et incite l’armée à agir pour faire respecter la volonté du peuple.
— Le 8 février 2014, Sabahi annonce sa candidature à la présidentielle.
Nombre de procurations : 31000
Partis et mouvements le soutenant : 7 partis et mouvements ont déclaré leur soutien à Sabahi, dont notamment Al-Karama, Al-Adl, Al-Dostour, l’Alliance populaire socialiste, Masr Al-Horriya et le mouvement des socialistes révolutionnaires.
Base populaire : Sabahi compte essentiellement dans ce scrutin sur les voix des jeunes qui refusent de voter pour un militaire et qui voient en Sabahi le candidat fidèle aux idéaux de la révolution du 25 janvier.
Ceux-ci représentent une frange électorale non négligeable, évidente lors du référendum sur la Constitution de 2014, où les jeunes ont été les grands absents.
Les partisans des idées socialistes et une tranche minime des nassériens pourraient aussi voter pour Sabahi, sans pouvoir pour autant parvenir à pencher le résultat en sa faveur.
Le maréchal populaire
Abdel-Fattah Al-Sissi.
Nom : Abdel-Fattah Saïd Hussein Khalil Al-Sissi.
Symbole électoral : L’étoile.
Slogan : Vive l’Egypte.
Naissance : Né le 19 novembre 1954 dans le quartier populaire d’Al-Gamaliya au Caire. Sa famille est originaire de Ménoufiya dans le Delta.
Nombre d’enfants : Trois fils et une fille.
Diplômes et carrière :
— En 1970, il rejoint, à l’âge de 15 ans, l’Ecole secondaire militaire.
— Quelques mois après la guerre d’Octobre 1973, il accède à l’Académie militaire Nasser et en sort diplômé en 1977. Il rejoint par la suite l’infanterie mécanisée.
— En 1992, il poursuit sa formation dans une académie militaire britannique, « Joint Services Command and Staff College ».
— Il gravit les échelons de l’armée et devient commandant d’une division d’infanterie mécanisée après un passage comme attaché militaire en Arabie saoudite.
— Il devient commandant en chef « de la région militaire nord », qui va d’Al-Alamein à l’ouest vers Port-Saïd à l’est.
— En 2006, il participe à un stage à l’Ecole de guerre américaine, Army War College, en Pennsylvanie.
Veille du 25 janvier 2011 :
— A la fin de l’époque Moubarak, Sissi occupe le poste de chef des Services de renseignements militaires.
— Il était le plus jeune membre du Conseil suprême des forces armées sous le règne du Conseil militaire, qui a géré la transition après la chute de Moubarak.
Sous Morsi :
— Le 12 août 2012, Mohamad Morsi limoge le maréchal Hussein Tantaoui et confie à Sissi le portefeuille du ministère de la Défense et le nomme chef du Conseil suprême de l’armée.
— Après la déclaration constitutionnelle contestée de Morsi, Sissi propose que l’armée joue le médiateur entre le pouvoir des Frères et l’opposition, les invitant à une table ronde. Mais cette rencontre est annulée à la dernière minute par Morsi.
Après le 30 juin :
— Le 30 juin, des millions d’Egyptiens sortent dans les rues pour réclamer le départ des Frères musulmans. Le 1er juillet, Sissi donne un ultimatum de 48 heures à Morsi pour « satisfaire les revendications du peuple ».
— Le 3 juillet, il annonce à la télévision la suspension de la Constitution, la destitution de Mohamad Morsi et le lancement d’une feuille de route pour sortir de la crise.
— Il est nommé vice-premier ministre le 16 juillet 2013, dans le gouvernement transitoire de Hazem Al-Beblawy.
— Le 27 janvier 2014, Abdel-Fattah Al-Sissi est promu du grade de général d’armée à celui de maréchal de l’armée égyptienne.
— Le 26 mars 2014, il remet sa démission au ministère de la Défense et annonce sa candidature à la présidentielle.
Nombre de procurations : 189000
Partis et mouvements le soutenant : 29 partis politiques et mouvements de tendances différentes ont déclaré leur soutien à la candidature de Sissi. Parmi les plus importants figurent le néo-Wafd, les Egyptiens libres, Al-Tagammoe, le parti salafiste Al-Nour et Tamarrod.
Base populaire : Selon des politologues, le soutien populaire dont jouit Sissi réside notamment au sein des groupes les plus âgés, et serait basé sur la croyance que seul un militaire peut restaurer la sécurité et barrer le chemin à un éventuel retour des Frères musulmans.
— Un appui non négligeable provient aussi des nassériens, à travers une nostalgie pour un leadership fort.
— Les voix féminines pourraient aussi être décisives en faveur de Sissi. Celles-ci sont évaluées à 38% de l’électorat.
— Les hommes d’affaires, dont la majorité sont des « moubarakiens », espèrent un retour de la stabilité économique si Sissi est élu.
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