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Anti-Bouteflika :  des  voix  encore  faibles

Chaïmaa Abdel-Hamid, Mardi, 15 avril 2014

En pleine présidentielle, les anti-Bouteflika tentent de faire entendre leurs voix et de mobiliser la population. Peu ont un véritable écho dans la rue, à l’exception du jeune mouvement Barakat et de l’opposition kabyle.

Algérie
(Photo : AP)

La présidentielle bat son plein en Algérie. Certaines forces d’opposition et partis politiques qui composent le front du boycott, à savoir le Mouvement de la Société pour la Paix (MSP), celui du Rassemblement pour la Culture et la Démocratie (RCD), le Front pour la Justice et le Développement (FJD), Ennahda, ainsi que de l’ex-candidat à la présidentielle Ahmed Benbitour, appellent leurs sympathisants à manifester contre un scrutin « biaisé ».

Ce front, qui regroupe pour la première fois de l’histoire de l’Algérie islamistes, libéraux et laïcs, a pour seul but de s’opposer à un nouveau mandat de Bouteflika. Le représentant du FJD, Lakhdar Benkhelaf, avance que ces partis boycottent l’élection car ils considèrent qu’elle « manque de légitimité et tend à consacrer la corruption et l’instabilité ».

Le secrétaire général du mouvement Ennahda, Mohamed Douibi, estime que « le boycott est la tendance politique générale de la rue algérienne, la campagne électorale n’ayant pas suscité l’intérêt des citoyens, en dépit des moyens que l’Etat a consacrés aux partisans d’un 4e mandat ». Le front poursuit sa demande d’une « transition démocratique » pour entériner l’ère Bouteflika. Spécialiste des affaires régionales au Centre des Etudes Politiques et Stratégiques (CEPS) d’Al-Ahram, Karam Saïd explique que cette coalition reste faible et n’aura pas d’écho remarquable dans la rue algérienne. « Leur rassemblement dans une seule coalition ne signifie pas leur renforcement. S’ils se sont alliés, c’est qu’ils ont un seul but : faire chuter Bouteflika. Mais, dans le fond, ils demeurent divisés entre eux et manquent de plan clair pour l’avenir du pays ».

Les islamistes à la recherche dintérêts

Les partis islamistes tels que le Front pour la justice et le développement, Ennahda et le MSP cherchent avant tout une alliance stratégique pour mieux se positionner sur la scène politique. « Ce rapprochement des islamistes et de l’opposition n’est qu’un pas pour écarter Bouteflika de la scène et tenter par la suite de s’infiltrer à la tête du régime», estime le politologue Ahmed Badawi.

L’appel au boycott émis par les islamistes suscite de nombreuses interrogations: il représente une rupture par rapport à leur position traditionnelle consistant à participer à toutes les élections.

Si trois partis ont choisi le boycott, trois autres mouvements issus du courant islamiste ont choisi de soutenir le candidat Benflis (Al-Islah de Djahid Younsi, le FAN de Djamel Benabdesslam et le Front du changement), considérant qu’il représente le meilleur candidat du changement.

Le dénominateur commun reste d’affaiblir Bouteflika qui, lui, est soutenu par un seul parti islamiste, le TAJ de Amar Ghoul, un dissident du MSP.

Les jeunes dominent la scène

Pour le chercheur Karam Saïd, le mouvement qui domine les anti-Bouteflika demeure le Rassemblement des jeunes. Dernier né de la société civile algérienne, le mouvement Barakat (ça suffit !) est aussi opposé à la candidature de Bouteflika. Il s’agit d’un mouvement de contestation formé principalement de jeunes manifestants, de journalistes, d’intellectuels et de blogueurs.

A travers plusieurs rassemblements pacifiques devant les universités de différentes villes, Barakat tente de transmettre un message anti-Bouteflika, même s’il peine toujours à mobiliser la rue, surtout suite aux arrestations qui ont touché ses partisans.

D’ailleurs, ses partisans sont plus nombreux sur les réseaux sociaux que dans les rues. Le mouvement insiste sur le caractère pacifique de ses actions visant à « exiger le changement pacifique du système pour laisser la place à une période de transition afin d’instaurer un Etat de droit et une démocratie », souligne le mouvement dans un communiqué.

« Il y a de grandes chances que ce mouvement soit entendu par les jeunes: si ce n’est pas maintenant ce sera sur le long terme. Mais il manque toujours de vision claire», estime Karam Saïd.

Les Kabyles fidèles à leurs positions

En Kabylie, personne ne veut entendre parler de ces élections. Ici, un autre front anti-Bouteflika fait aussi entendre sa voix. Pour les Kabyles, en dépit des divergences politiques, la prochaine élection sera une autre mascarade du régime central et raciste d’Alger: rien de nouveau à l’horizon.

Ainsi, le MAK, fidèle à ses positions anti-régime, appelle au rejet pur et simple de toutes les élections organisées par le régime algérien qui se comporte en Kabylie « en véritable force d’occupation ».

Pour le MAK, la campagne électorale algérienne est une mascarade, tout comme la campagne de boycott de l’opposition qui ne vise, selon lui, qu’à donner un semblant de crédit à la « démocratie algérienne ».

Le Rassemblement pour la Culture et la Démocratie (RCD) mène aussi campagne contre le scrutin présidentiel mais sous une autre bannière: faire du 34e anniversaire du Printemps amazigh un instrument de boycott. Le RCD appelle les Kabyles, mais pas les Algériens, à des marches populaires pour « l’officialisation de tamazight ».

Malgré leurs tentatives, ces mouvements anti-Bouteflika ont peu de chance d’avoir un impact sur le scrutin.

« Outai Boutef outai ! » fait le buzz

La lutte s’est également organisée sur les réseaux sociaux. De jeunes Algériens hostiles à Abdelaziz Bouteflika ont investi la Toile. Toujours pour contester sa candidature à un 4e mandat, des vidéastes, souvent originaux et parfois avec humour, livrent leur colère sur le système politique algérien, notamment sur leur président. Un jeune opposant, au lendemain de l’annonce officielle de la candidature de Bouteflika, a eu l’idée de reprendre le tube « Papaoutai » de Stromae, l’auteur et compositeur belge, pour réaliser un clip dédié uniquement à l’absence prolongée de Bouteflika sur la scène politique algérienne. La vidéo a connu un grand succès sur Internet. Elle a fait le buzz sur Internet et a été visualisée à peu près 200000 fois en moins d’une semaine.

Il s’agit d’une reprise du tube de « Papaoutai » rebaptisé « Outai Boutef outai » et réalisé par un dénommé Jo Zeph. Les paroles raillent le silence assourdissant du président: « Où es-tu Boutef? Sans même pouvoir parler, tu veux encore être le chef ».

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