Dix milliards de dollars, c’est le volume des pertes de l’Egypte découlant de la corruption qui a touché les contrats d’exportation de gaz sous Moubarak entre 2005-2010. Ce constat est le fruit d’une étude qui aurait duré 2 ans et menée par Amr Adly, directeur de l’unité de la justice économique et sociale au sein de l’Initiative égyptienne pour les droits personnels. La publication de la recherche entamée en 2011 a tardé, selon Adly, en raison de la découverte continue de nouvelles preuves après la révélation de la «
boîte noire de Moubarak » lors de son procès.
Dans son étude de 38 pages, Adly dévoile la faiblesse institutionnelle du secteur du pétrole dans la première partie intitulée « Le droit au gaz comme source naturelle ». Trois raisons fondamentales sont identifiées: la mauvaise gestion des ressources naturelles à cause du manque d’expertise et de ressources humaines, la propagation de la corruption dans ce secteur et le manque de transparence concernant les tarifs, la durée des contrats et la distribution des gains et profits entre le gouvernement et les entreprises étrangères.
Conditions abusives
Le chercheur souligne dans son document qu’il est difficile d’évaluer minutieusement le volume des pertes qui a touché l’économie égyptienne en raison des conditions abusives dans les contrats d’exportation de gaz signés avec la Jordanie et l’Espagne notamment. Dans le cas de la Jordanie, « bien que les accords signés avec l’Egypte soient non-déclarés, certaines informations révèlent que les deux pays ont signé deux accords d’exploration du gaz naturel en 2003 et 2007, précisant des quantités et prix différents à l’exportation. Le premier contrat stipule ainsi l’exportation de 77 milliards de m3 au prix de 1,27 dollar par million de BTU. Le second contrat exporte 32 milliards de m3 au prix de 3,06 dollars par million de BTU ». Ainsi, à travers ces contrats, les pertes de l’Egypte sont évaluées à 3,8 milliards de dollars entre 2005 et 2010.
Pareil pour l’Espagne. Les informations ne sont révélées que lors du procès de Hussein Salem « l’empereur du gaz » accusé de complicité avec Sameh Fahmy, ancien ministre du pétrole, dans ces contrats abusifs. Ce procès dévoile que 64% du gaz exporté depuis la station Segas à Damiette, dans le Delta, et dont la capacité atteint 5 millions de tonnes de gaz liquéfié par an, est exporté vers l’Espagne selon des contrats à longs terme avec l’entreprise espagnole Union Fenosa. Le prix de l’exportation du gaz a été modifié suite à l’augmentation mondiale du prix du pétrole brut, pour passer de 2 dollars par million BTU en 2008 à 2,65 dollars en 2011. Les pertes de ce contrat atteignent ainsi, entre 2005 et 2010, 6 milliards de dollars. Soit presque le double du cas jordanien qui reçoit une quantité plus basse de gaz et à des prix plus élevés.
Aspects flagrants de la corruption
Dans la deuxième partie de son étude intitulée « Le procès du groupe East Mediterranean Gas (EMG) : un modèle de réseau de corruption », Adly souligne que le « piston » dans ce secteur pétrolier représente l’un des aspects les plus flagrants de la corruption sous le règne de Moubarak. L’exemple le plus important est celui de l’exportation du gaz par ce groupe vers Israël. Ce groupe, dans lequel l’homme d’affaires Hussein Salem possédait 65% des actions, avait monopolisé l’exportation du gaz naturel. « La seule explication », selon Adly, est les « liens étroits de Salem avec Moubarak, à la tête de l’exécutif ». Ce contrat avec l’un des prix les plus bas jamais vu en Egypte, avait fixé un prix minimum de 0,75 dollar et un maximum de 1,25 dollar par million de TBU. Un gaspillage en bonne et due forme de fonds publics.
Vers la fin de son étude, le chercheur présente des recommandations qui aideront « à remédier aux problèmes structurels et visent à fournir des mécanismes transparents pour la gestion des ressources naturelles par l’Etat ». Il propose ainsi de former deux comités, l’un chargé d’évaluer la situation actuelle de toutes les ressources naturelles du pays. Et l’autre de revoir tous les accords de l’Egypte concernant la vente de gaz naturel et supprimer tous ceux considérés comme inéquitables. Pour épurer le secteur, il insiste sur des réformes au niveau des législations, notamment la loi 20/1976 qui définit le rôle de l’Organisme général du pétrole. Celle-ci n’évoque aucune règle ou aucun mécanisme de surveillance du secteur pétrolier. Elle ne stipule aucune transparence sur les négociations, les accords ou comptes financiers de l’organisme.
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