Jeudi, 07 novembre 2024
Dossier > Dossier >

Pétrodollars pour le candidat Al-Sissi

Aliaa Al-Korahi, Mardi, 01 avril 2014

Les pétrodollars des pays du Golfe entendent lancer un plan Marshall en faveur des projets de développement dans le pays, afin de soutenir la candidature d'Al-Sissi.

Pétrodollars
Le soutien des pays du Golfe pourrait être un élément déterminant pour la réussite d'AL-Sissi.

« La carte gagnante » de la présidentielle. C’est ainsi que les monarchies du Golfe considèrent aujourd’hui la candidature de Abdel-Fattah Al-Sissi à la magistrature suprême. Son programme électoral économique n’est pas encore dévoilé, mais selon des observateurs, le soutien des pays du Golfe pourrait être un élément déterminant pour sa réussite. Cet appui a commencé avant même l’ouverture des candidatures à la présidentielle. Sous la houlette de l’Autorité d’ingénierie dépendant de l’armée, Arabtec Holding, le géant émirati de la construction, a lancé un projet d’un million de logements en Egypte, d’une valeur de 40 milliards de dollars, destinés, selon la société, aux Egyptiens à faible revenu et qui devraient en même temps créer plus d’un million d’emplois. Un contrat conçu par nombre d’observateurs comme une tentative de la part de ces monarchies de paver le chemin à la candidature de Sissi. Les Emirats arabes unis sont les principaux bailleurs. Outre le logement, parmi leurs projets, figure aussi la construction de 25 silos de blé, 100 écoles et des dispensaires. D’après une source militaire interviewée par Reuters, l’armée est personnellement responsable de gérer les milliards de dollars de développement provenant des Emirats arabes unis. Selon l’agence, les pays du Golfe réalisent leurs projets et injectent leurs investissements en Egypte par l’intermédiaire de l’armée, parce qu’ils la considèrent comme « l’institution la plus sûre et la plus en règle ».

Parallèlement, pour renforcer la candidature de leur favori, la presse de ces pays fait sa propagande laissant entendre qu’un plan Marshall sera lancé par les pétrodollars du Golfe, pour monter et financer un afflux de projets de développement en cas d’élection d’Al-Sissi. Dans un article publié en février dernier dans le quotidien saoudien Al-Hayat, le journal dévoile, selon des « sources bien informées », que le projet économique d’Al-Sissi est basé sur de « gigantesques projets de développement », en comptant sur un « soutien arabe-Golfe ». Selon le journal, l’ex-ministre de la Défense va proposer des plans de développement d’envergure basés sur des études et recherches élaborées par des centres spécialisés égyptiens et du Golfe. Le programme comprend aussi la création d’un Fonds arabe pour le développement du Canal de Suez et le financement des transactions d’armes pour l’armée.

Bouffée d’oxygène

Les liquidités de ces monarchies ont donné une bouffée d’oxygène à l’économie égyptienne après la révolution du 30 juin. L’Arabie saoudite, le Koweït et les Emirats arabes unis ont versé à l’Egypte un montant total de 12 milliards de dollars sous forme de prêts, de dons et de livraisons d’hydrocarbures. Cette aide a permis, comme le dit Abdel-Khaleq Farouq, expert en économie, de compenser le manque de devises étrangères provoqué par les restrictions de l’aide européenne et américaine et la baisse de l’investissement direct étranger. Une générosité qui s’explique par leur forte hostilité aux Frères musulmans soutenus diplomatiquement et financièrement par le Qatar. Dans un premier temps, des signes de réticence à la candidature d’Al-Sissi sont venus de cette région avec la déclaration de Mohamad bin Rached Al-Maktoum, souverain de Dubaï, qui a dit espérer « qu’il restera dans l’armée, et que quelqu’un d’autre se présentera à l’élection présidentielle ». Cette position a été justifiée ensuite par des écrivains du Golfe comme la crainte de voir le maréchal abandonner son poste de « protecteur de la transition », et une fois élu, devenir « une partie du problème », en affrontant un jour le mécontentement public qui pourrait secouer son pouvoir.

Pour Mohamad Ezz Al-Arab, politologue au Centre des Etudes Politiques et Stratégiques (CEPS) d’Al-Ahram, pour les pays du Golfe, la stabilité de l’Egypte est une sérieuse garantie pour la stabilité de cette région. Conserver la paix sociale en Egypte, en s’engageant dans des projets de développement est une stratégie que ces monarchies adoptent, pour éviter que les Egyptiens n'aillent une troisième fois sur la place Tahrir avec un risque d’un retour des Frères musulmans sur la scène. « Les monarchies du Golfe parient sur Al-Sissi pour plusieurs raisons. Elles le considèrent comme le sauveur de leurs trônes face aux Frères musulmans. Il est aussi le symbole de l’institution militaire avec qui ils partagent la même politique de sécurité régionale », dit Ezz Al-Arab. Et d’ajouter: « Ce soutien va aussi aider à augmenter les chances de réussite d’Al-Sissi, donnant l’impression aux Egyptiens que la situation ira de l’avant, surtout que la crainte d’une sorte de blocus par l’Occident et Washington en cas de victoire d’Al-Sissi hante des gens ». Ce soutien a un autre côté sombre. Abdel-Khaleq Farouq regrette que les milliards de ces monarchies ne se traduisent par une application des politiques internes de ces mêmes monarchies. En outre, selon lui, compter uniquement sur l’appui du Golfe ne peut garantir « ni redressement de l’économie, ni succès du futur régime ».

Lien court:

 

En Kiosque
Abonnez-vous
Journal papier / édition numérique