
De nouveau, la loi sur la présidentielle renferme beaucoup de lacunes constitutionnelles. (Photo : Reuters)
Outre les 5 conditions fixées dans la Constitution concernant la candidature à la présidentielle, le législateur vient d’ajouter 3 autres conditions, car l’article 141 de la Constitution lui permet «
de déterminer d’autres conditions pour la candidature ». «
Détenir un diplôme universitaire », cette condition requise par la loi prive, selon Raafat Fouda, professeur de droit à l’Université du Caire, un grand nombre de citoyens d’exercer leurs droits, et «
de déposer leur candidature », comme le stipule l’article 87 de la Constitution.
Dans ce texte, on n’a pas précisé le genre de diplôme, comme c’est le cas dans la candidature au Parlement, soit « un enseignement de base » (cycle préparatoire). Environ 52 millions d’Egyptiens n’ont pas fait d’études universitaires. Fouda pense aussi que cette condition est considérée comme une inégalité des chances interdite pourtant par la Constitution dans les articles 9 et 53. « Les personnes ayant été condamnées pour crimes d’honneur ne peuvent pas briguer la présidence, même si elles sont ultérieurement réhabilitées », une autre condition qui, selon le juriste Essam Eslamboli, est une violation flagrante de la loi qui considère la réhabilitation des accusés comme une restitution de l’innocence et qui annule par la suite toutes les conséquences du jugement.
La troisième condition qui suscite également la contestation des activistes des droits de l’homme est celle stipulant que « le candidat ne doit pas être atteint d’une maladie physique ou mentale qui pourrait affecter l’accomplissement de ses fonctions comme président de la République ». Mohamad Zarea, directeur du Centre des réformes pénales, pense que le législateur pourra élargir la définition de cette clause « rigoureuse » qui pourrait devenir un moyen d’écarter certains candidats pour la moindre maladie physique.
L’immunité risquée de la HCE
L’immunité accordée à la Haute Commission des Elections (HCE) soulève le plus grand débat. L’article 7 de la loi est considéré comme une violation extrême de la Constitution. Il s’agit d’une copie conforme de l’article 28 contesté de la déclaration constitutionnelle de mars 2011, élaborée par le Conseil militaire, qui rend les décisions de la HCE « définitives et exécutoires en soi », et exclut « toute contestation par tout moyen ou devant toute autorité ». A l’époque, cet article a tiré sa légitimité après l’adoption de la déclaration constitutionnelle par référendum. Mais la donne a changé, et l’immunité des décisions de la HCE devient inconstitutionnelle, puisqu’elle s’oppose, selon Fouda, « à un texte constitutionnel clair, à savoir l’article 97, qui accorde aux citoyens le droit de contester, et interdit d’immuniser n’importe quel travail ou quelle décision administrative ». Présidée par le président de la Haute Cour constitutionnelle, la HCE est composée des plus anciens magistrats de la Cour d’appel du Caire, de la Cour de cassation et du Conseil d’Etat. Le rôle de cette commission est purement administratif.
L’imbroglio juridique autour de la constitutionnalité de cet article a provoqué des divisions au sein des instances juridiques. Alors que le département de la législation du Conseil d’Etat l’a jugé invalide, la HCC, dont le président par intérim préside la HCE, n’a pas trouvé de contradiction avec la Constitution. Pour les partisans de l’immunité, des considérations politiques entrent en jeu : la stabilité du poste du président qui va être menacée en cas de l’annulation de l’immunité. Selon eux, il faut au moins 6 mois pour trancher les recours sur les décisions de la HCE. Pour Eslamboli, l’article 228 de la Constitution stipulant « la poursuite de la mission de l’ancienne Commission de superviser l’élection en cours » et que certains avancent pour justifier la validité de l’article est sans fondement, car il n’indique pas le maintien des autres règles juridiques.
Des sanctions non dissuasives
Pour beaucoup de juristes, les sanctions mentionnées dans la loi n’ont pas d’effet dissuasif. Les violations commises lors du scrutin sont considérées par la loi comme des « délits » et non pas « des crimes » qui exigent un durcissement des peines pour garantir la transparence du processus électoral, dit Eslamboli. Quant aux peines imposées pour la violation des règles de la campagne électorale, elles sont qualifiées de médiocres. « Les 500 000 de L.E. d’amende pour sanctionner ceux qui dépassent le plafond du budget de la campagne électorale évalué à 20 millions sont dérisoires. Ils encouragent par contre l’achat des voix lors du scrutin », selon Eslamboli. Et d’ajouter : « La sanction devra être l’annulation des résultats du candidat dans les circonscriptions ou la ville où a été commise l’infraction ». Pour Zarea, le législateur aurait dû ajouter une clause qui impose des sanctions sur les contrevenants avant l’annonce des résultats, car si celui qui a commis le crime est porté vainqueur, il serait difficile de le sanctionner.
5 % des voix pour entériner le scrutin
Un président doit être forcément populaire. Une considération qui ne semble pas être dans le calcul du législateur. L’article 36 stipule que « le scrutin présidentiel se tient même si une seule personne est candidate ou que les autres candidats se retirent de la course. Sa victoire sera annoncée au cas où il remporterait les 5 % des voix des électeurs inscrits sur la base des données électorales ». Pour Fouda, 5 % est un pourcentage faible. On risque de se retrouver avec un président peu populaire et un scrutin non démocratique. Ce chiffre pourrait aussi être inconstitutionnel s’il ne représentait pas la majorité absolue des voix valides (50+1) réclamée par la Constitution.
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