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Moustapha Kamal Al-Sayed : L’armée ne soutiendra aucun des candidats si Al-Sissi ne se présente pas

Aliaa Al-Korachi, Mardi, 28 janvier 2014

Moustapha Kamal Al-Sayed, professeur de sciences politiques à l'Université du Caire, estime que la balance penche du côté des militaires pour la future élection présidentielle.

Moustapha Kamal Al-Sayed
Moustapha Kamal Al-Sayed, professeur de sciences politiques à l'Université du Caire.

Al-Ahram Hebdo : A l’approche de la pré­sidentielle, quelle est la cartographie des rapports de force politiques ?

Moustapha Kamal Al-Sayed : On parle de cinq forces qui se positionnent aujourd’hui sur l’échiquier politique. Les partisans du régime de Moubarak, les feloul, qui sont revenus en force après le deuxième soulèvement du 25 janvier, soit le 30 juin. Ils disposent d’une grande place dans les médias et les milieux d’affaires. Puis il y a les forces révolution­naires, déchirées par leurs dissensions internes, et qui ont le moins d’influence en ce moment. Les islamistes, eux, malgré les coups qu’ils encaissent, continuent à jouir d’une puissance de mobilisation. Dans le camp opposé figurent les militaires. On parle déjà de 4 candidats probables qui appartiennent à cette institution. Mais il ne faut surtout pas minimiser l’in­fluence d’une grande tranche de citoyens parti­sans d’aucune de ces forces et qui peuvent avoir un important poids électoral.

— Le camp des militaires est-il en tête avec cette euphorie en faveur du ministre de la Défense ?

— Oui, je crois que le camp le plus favorisé sera celui des généraux, surtout si le général Abdel-Fattah Al-Sissi annonce sa candidature officielle. Le terrain sera libre pour lui, puisque les autres candidats éventuels et ex-militaires comme Ahmad Chafiq et Mourad Mouafi ont déclaré qu’ils ne se lanceraient pas dans la course présidentielle si le chef d’état-major se présente. Même s’ils décident de se présenter, Al-Sissi est le mieux placé. D’ailleurs, l’ar­mée a promis qu’elle ne sou­tiendrait aucun des candidats si Al-Sissi ne se présente pas à la magistrature suprême.

— Ce camp, celui des mili­taires, tire-t-il sa force de la seule personnalité de son candidat éventuel ?

— Non, je ne crois pas que la question de la personnalité d’Al-Sissi, en tant que telle, constitue la seule force de ce camp. C’est l’état d’esprit d’une grande partie des Egyptiens qui fait pen­cher la balance en faveur des militaires. Une partie des Egyptiens ont la nostalgie de voir leur président venir d’une institution forte comme l’armée pour affronter l’instabilité sécuritaire et les actes terroristes qui frappent le pays.

— La situation sera-t-elle la même si Al-Sissi décide de garder sa casquette mili­taire, ou le rapport de force penchera-t-il au profit d’un autre camp ?

— En cas d’absence d’Al-Sissi, il est pro­bable que Chafiq jouisse d’un soutien relatif sans pour autant avoir la capacité de gagner la présidentielle. Les voix seront éparpillées entre d’autres can­didats issus de différents camps et peut-être entre d’autres can­didats qui n’ont pas encore annoncé leur intention de se présenter à la présidentielle.

Quelle place occupent les anciens du régime de Moubarak ?

— Vu que nombre d’entre eux étaient des parlementaires, ils disposent de l’argent et d’une base populaire dans dif­férents gouvernorats. Mais je ne crois pas que ce camp se soit accordé autour d’un seul candi­dat. Ils sont divisés autour du ministre de la Défense. Beaucoup de déclara­tions des figures du PND (l’ancien parti de Moubarak) le montrent bien. Certains affir­ment par exemple qu’il est préférable qu’Al-Sissi devienne le chef du gouvernement et non le chef de l’Etat. D’autres avancent certains noms comme Amr Moussa ou le président par intérim Adly Mansour. Le chef d’état-major a, pour sa part, déclaré qu’il n’y aura pas de retour à ce qui a prédominé avant le 25 janvier 2011. Je crois que le candidat le plus proche de ce camp est surtout Ahmad Chafiq.

Vous dites que le camp des révolution­naires qui a dominé en 2012 est le plus faible à l’heure actuelle. Pourquoi ?

— Le camp révolutionnaire est faible surtout du point de vue organisationnel, à cause de ses dissensions internes et du manque désormais de la popularité dans la rue. Il ne possède plus ni le pouvoir de mobiliser ni l’expertise qui le rend capable de faire gagner son candidat lors du scrutin. Même le candidat potentiel Hamdine Sabbahi a perdu de son éclat par rapport au scrutin de 2012. Le contexte est différent aujourd’hui. Les voix qu’il a gagnées sont celles de ceux qui n’ont voulu voter ni Chafiq ni Morsi. Il n’est pas alors probable, s’il se lance dans la course, qu’il récolte le même pourcentage qu’en 2012.

— Et les islamistes, comment réagiront-ils ?

— Leur position quant à la présidentielle n’a pas été encore dévoilée. Toutefois, ce camp, qui renferme les salafistes, les Frères musul­mans, le parti Al-Wassat et celui de L’Egypte forte, conserve une capacité importante de mobilisation des électeurs. Ils expriment une grande sympathie entre eux, en dépit des diffé­rends que leurs dirigeants affichent. Si Abdel-Moneim Aboul-Foutouh, président de L’Egypte forte, et ancien candidat, se présente de nou­veau à la magistrature suprême, il sera un concurrent solide et récoltera aisément la majorité des voix des islamistes.

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