20 % des plus pauvres partagent 10 % du PIB, tandis que 20 % des plus riches engouffrent 40 % du PIB
. Ces chiffres, publiés récemment par le ministère de la Planification sur les disparités dans la distribution des richesses, révèlent l’état de la justice sociale, troisième slogan de la révolution de janvier. «
Les bilans des cinq gouvernements qui se sont succédé après la chute de Moubarak sont plutôt négatifs en matière de justice sociale », affirme l’expert économique Farouk Abou-Zeid. Selon lui, c’est dû au fait que ces gouvernements «
n’étaient pas révolutionnaires qui croient en les revendications de la révolution ». Les politiques économiques du néolibéralisme enracinées dans la structure économique et amplifiées par Gamal Moubarak sont toujours de mise. Les économistes notent ainsi un favoritisme des hommes d’affaires aux dépens des classes moyennes et pauvres. «
Le régime des Frères musulmans était le plus fidèle à cette politique », affirme Abou-Zeid.
Le dernier gouvernement d’Ahmad Nazif, à l’époque de Moubarak, s’était uniquement intéressé à réaliser un taux de croissance élevé, sans élaborer des politiques de distribution des revenus de cette croissance dans la société. Le fossé entre les couches sociales s’élargissait et la richesse se concentrait entre les mains d’un nombre limité d’hommes d’affaires.
Aujourd’hui, l’injustice sociale s’accentue avec un taux de pauvreté qui augmente, pour atteindre environ 25 %. On enregistre le taux le plus élevé en Haute-Egypte, où il touche 50 % des villageois. Et un chômage important qui touche près de 13 % de la population, dont 90 % des chômeurs ont moins de 30 ans.
La réduction des subventions aux industries lourdement consommatrices d’énergie, une mesure indispensable pour instaurer une justice sociale, reste un dossier tabou comme c’était le cas sous le régime de Moubarak accordant de larges privilèges au secteur privé. Selon les estimations, les citoyens à faibles revenus jouissent seulement de 10 % de la subvention de l’énergie, évaluée à 115 milliards de L.E.
Cette situation continue de toucher les services publics, surtout ceux de l’éducation et de la santé. Ces deux secteurs qui avalent la grande part du budget familial des Egyptiens doivent attendre encore deux années budgétaires, pour voir leurs allocations augmenter, comme il est stipulé dans la nouvelle Constitution.
Selon Farag Abdel-Fattah, professeur d’économie à l’Université du Caire, le système de restructuration des salaires, qui a finalement fixé un salaire minimum à 1 200 L.E. à partir du 1er janvier, est le seul petit pas vers l’instauration de la justice sociale depuis le déclenchement de la révolution. Une somme qu’il considère d’ailleurs « insuffisante face à la flambée des prix et l’inflation ». C’était le fruit d’une longue bataille qui a obligé le gouvernement à imposer aussi un salaire mensuel maximum, 42 000 L.E., soit 35 fois le salaire minimum, mais avec des exceptions dans certains secteurs. L’armée, la police, la magistrature, le secteur pétrolier, l’Organisme du Canal de Suez, les banques et les entreprises du secteur des affaires publiques ne seront pas touchés par cette restriction. On peut dire que les disparités flagrantes sont officialisées.
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