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Djihad El Khazen : le Liban a tardivement rattrapé le Printemps arabe.

Osman Fekri, Lundi, 06 janvier 2014

Djihad El Khazen, écrivain libanais, estime que l’assassinat de l’ex-ministre des Finances, Mohamed Chatah, prive le Liban d’une personnalité pourvue de qualités de leader.

Djihad El Khazen
Djihad El Khazen

Al-Ahram Hebdo : Quels sont les mobiles du dernier attentat qui a entraîné la mort du leader dans le mouvement Al-Mostaqbal et ex-ministre des Finances, Mohamed Chatah ?

Djihad El Khazen : Il est compliqué de connaître les mobiles des assassinats. La ques­tion qu’on se pose généralement est : quel message veulent transmettre les auteurs ? Réponse : ils veulent terroriser et briser la volonté de la faction politique ciblée. Parfois, l’objectif est de priver le leadership de cette faction d’accéder à un commandement pro­metteur. Il semble que l’assassinat de l’ex-ministre des Finances, Mohamed Chatah, a réalisé ce double objectif. Ils ont réussi à ter­roriser ses alliés et les ont privés d’une person­nalité ayant les qualités de leadership, au moment où le Liban est au seuil d’une guerre civile. Chatah, qui est sunnite, était considéré comme l’un des plus importants conseillers de l’ex-chef du gouvernement, Saad Al-Hariri. Les deux étaient opposés au président Syrien, Bachar Al-Assad et au Hezbollah.

— Pensez-vous que l’actuelle crise liba­naise prenne fin prochainement ?

— Partant de mon expérience, il est difficile de prévoir quoi que ce soit. Il y a plus de 30 ans, je me rappelle qu’on m’a demandé quand la guerre civile libanaise prendrait fin. J’ai dit qu’elle se terminerait dans trois mois. Le résultat était tout à fait contraire, et la guerre civile a duré 15 ans ! Raison pour laquelle il m’est difficile de prévoir la fin de la crise actuelle qui, à mon avis, connaîtra une esca­lade, vu notamment la mauvaise conjoncture que vit la Syrie. Le problème est que le Liban est un terrain de jeu de toutes les forces étran­gères, internationales et arabes. Il est rare de pouvoir donner des réponses tranchantes sur des questions commençant par qui ou pour­quoi, dans une tentative de justifier la longue liste d’assassinats mystérieux qui secouent le Liban. Il n’en demeure pas moins qu’appa­remment, dans le cas de Chatah, il s’apprêtait à jouer un rôle plus important sur la scène libanaise et travaillait sérieusement pour convaincre la société occidentale de soutenir la position neutre de son pays vis-à-vis de la crise en Syrie.

— Que pensez-vous des récentes déclara­tions des dissidents du mouvement Al-Mostaqbal qui ont parlé d’une prochaine coalition gouvernementale excluant le Hezbollah ? Est-il réaliste que Tammam Sallam forme un gouvernement sans ce parti ?

— Je ne crois pas. Tammam Sallam est un ami de longue date. Nous avons étudié ensemble à Beyrouth. Personne ne peut douter de son patriotisme. Il est capable de former le gouvernement et il sera sage avec les diffé­rentes parties. Le nouveau gouvernement liba­nais verra le jour. D’ailleurs, j’ai une grande confiance en les personnes sages issues de toutes les tendances au Liban. Et je crois qu’elles vont faire prévaloir avant toute autre chose l’intérêt du Liban, loin des conflits et des litiges régionaux qui se jouent au Liban.

— Que demande-t-on aux pays arabes influents, tels que l’Egypte et l’Arabie saou­dite, afin de régler la crise libanaise ?

— L’Egypte est la grande soeur de tous les Arabes, et sa stabilité se répercutera sur toute la région arabe. Nous savons que l’Egypte traverse une période transitoire qui est sur le point de se terminer. La Constitution verra bientôt le jour. Les élections présidentielle et législatives suivront. L’Egypte reprendra les rênes du monde arabe qu’elle défendra farou­chement. Le leadership sage de l’Arabie saou­dite a apporté une grande aide au Liban. Si ce n’était l’accord d’Al-Taëf, la guerre du Liban perdurerait. Ceci outre les aides militaires importantes allouées par l’Arabie saoudite, dont la dernière en date fut les armes estimées à 3 milliards de dollars. Cette somme contri­bue à la reconstruction de l’armée libanaise pour qu’elle puisse défendre ses frontières.

— Que pensez-vous des révolutions du Printemps arabe ? Et quel est leur impact sur la situation au Liban ?

— A mon avis. Il n’y a plus de Printemps arabe. Il vaudrait mieux parler d’un Printemps israélien. Israël est l’unique bénéficiaire de cette situation dans les pays arabes. Le résultat est la faiblesse et la fragmentation des Etats arabes. Les milices ont écumé la Libye qui est incapable d’exporter son pétrole. La situa­tion en Egypte est meilleure, à l’issue de la révolution du 30 juin et la destitution de Morsi. Celle-ci a sauvé l’Egypte, le monde arabe et le Moyen-Orient. Je crois que l’Egypte sera stable et réalisera l’équilibre dans le reste des pays arabes, y compris le Liban qui a tardivement rattrapé le Printemps arabe.

— La fin de la crise en Syrie entraîne­ra-t-elle la fin de celle du Liban ? Genève-2 réglera-t-elle le problème ?

— Rien ne résoudra la crise Syrienne, à cause de l’entêtement de l’opposition et du régime syriens. L’Iran et le Hezbollah sont ralliés au régime syrien. Auparavant, je le sou­tenais dans sa guerre contre Israël, mais je suis contre son intervention en Syrie, à cause des complications que cela entraînera au Liban. N’oublions pas de mentionner ici l’ingérence d’un Etat du Golfe et son approvisionnement en armes. Cela a ouvert la voie à Al-Qaëda, qui a mis en place de solides bases en Syrie et sur les frontières libanaises. De quoi accroître le conflit confessionnel et sectaire.

— Qu’en est-il du tribunal internatio­nal ? Pourra-t-il dévoiler la réalité dans l’assassinat de Hariri et des autres sym­boles libanais ?

— Je ne crois pas. Mais il pourra en l’occur­rence parvenir à des preuves affirmant l’impli­cation de tels régimes, parties ou organismes, bien qu’il ne puisse pas les punir. L’assassinat de Chatah est un avertissement transmis par les forces pro-syriennes.

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