Les pays arabes toujours pas tous décidés à considérer les Frères comme terroristes.
(Photo : AFP)
Le ministre des Affaires étrangères, Nabil Fahmi, a affirmé qu’il allait notifier la décision de l’Egypte, de classer les Frères musulmans organisation terroriste, aux 17 pays arabes signataires de l’Accord arabe sur la lutte contre le terrorisme, ainsi qu’à la Ligue arabe.
En vertu de cet accord ratifié en 1998, tous les pays signataires s’engagent à ne pas financer, participer ou organiser des actes terroristes. Les pays signataires sont aussi appelés à ne pas abriter, former ou armer des terroristes sur leur territoire. L’article 4 de l’accord incite à la coopération entre les pays arabes en matière de sécurisation des frontières, pour éviter l’infiltration des éléments terroristes, et à échanger les informations qui pourront servir à combattre le terrorisme. Selon l’article 5, tout pays prévoyant un danger terroriste doit informer les autres pays signataires de la nature et l’ampleur de ce danger.
Mais cette récente décision de l’Egypte sera-t-elle dans les faits respectée par les pays arabes, surtout ceux qui sont sous la coupe des Frères musulmans ou ceux qui les soutiennent ? Dans une première réaction, les pays du Golfe, notamment l’Arabie saoudite, ont déclaré leur soutien à l’Egypte dans sa lutte contre le terrorisme, l’appelant à divulguer et à poursuivre les éléments impliqués dans des actes de violence. Les Emirats arabes unis, également hostiles aux Frères musulmans, ont déjà déclaré qu’il n’y avait pas de place pour eux sur leur territoire. Sur un autre volet, le mouvement Fatah semble vouloir exploiter la décision égyptienne en sa faveur dans sa lutte contre son rival Hamas. Le Fatah a exhorté le Hamas à se séparer d’un mouvement devenu terroriste, et à ne pas « faire endurer au peuple palestinien les répercussions d’une telle affiliation ».
Des réactions cohérentes avec la position déjà hostile aux Frères de ces pays. Mais d’autres pays où les Frères détiennent les rênes du pouvoir, comme en Tunisie, en Turquie ou dans la bande de Gaza ne semblent pas s’en soucier. C’est ce que dévoile notamment la position du mouvement Hamas, qui a rejeté les appels à se séparer des Frères musulmans, déclarant sa fierté d’y appartenir et adressant ses diatribes au régime égyptien. « C’est de l’absurdité et de l’ignorance que le pouvoir égyptien sanctionne un mouvement politique pour son idéologie », a dénoncé Mahmoud Al-Zahar, cadre du mouvement Hamas. En Tunisie, le mouvement islamiste Ennahda a émis un communiqué qualifiant cette classification d’une « fuite en avant du gouvernement égyptien », qu’il a qualifié de « putschiste », et d’une agression contre un parti politique qui s’est toujours engagé en faveur de la démocratie et du pacifisme.
« Calculs politiques »
Des réactions contradictoires qui remettent en question la possibilité d’une coopération collective interarabe crédibilisant la décision de l’Egypte. Achraf Al-Chérif, politologue, explique que l’impact de cette décision ne se répercutera que partiellement sur les Frères musulmans dans le monde arabe. « Les positions des pays arabes vis-à-vis des Frères Musulmans sont basées sur des calculs politiques et stratégiques. C’est pourquoi seuls des pays comme la Syrie, l’Arabie saoudite et les Emirats arabes unis se réjouiront de la décision égyptienne qui leur donnera carte blanche dans leur lutte contre les Frères musulmans. Mais des pays comme le Qatar et la Turquie camperont sur leurs positions et refuseront toute coopération avec l’Egypte », estime Al-Chérif. En ce qui concerne la Jordanie, il estime que la situation est différente, car le mouvement est toléré et bien implanté dans la politique : « Le régime sera donc dans l’embarras et évitera de mettre de l’huile sur le feu en s’attaquant aux Frères ».
Adel Amer, expert en droit international, estime que la décision égyptienne n’est pas contraignante pour les autres pays arabes. « Le Qatar, principal allié des Frères musulmans, ne va pas répondre aux demandes d’extradition des accusés en fuite sur son territoire, tels Al-Qaradawi, Assem Abdel-Magued et Tareq Al-Zomor. L’accord exige l’existence d’une décision de justice pour extrader les terroristes réclamés par un pays. Par ailleurs, étant donné que cet accord a été ratifié dans le cadre de la Ligue arabe, le Qatar exigera l’approbation de tous les pays membres pour reconnaître la position de l’Egypte », explique Amer. Il ajoute qu’en cas d’obstination de ces pays qui soutiennent les Frères musulmans, l’Egypte peut avoir recours au Conseil de sécurité, à l’Onu, pour obtenir une condamnation contre ces pays. « La tâche du gouvernement égyptien dans sa lutte contre le terrorisme ne sera donc pas facile. A ces pays qui abritent le terrorisme de reconsidérer leur position avant d’endurer un jour son atrocité », conclut-il. Même si les Frères d’Egypte sont désormais qualifiés de terroristes, les conséquences pour les mouvements qui s’en réclament et s’en inspirent seront minimes.
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