Vendredi, 11 octobre 2024
Dossier > Dossier >

Les consensus oubliés de l’après-Morsi

Chaïmaa Abdel-Hamid et Aliaa Al-Korachi, Mercredi, 27 novembre 2013

Depuis la destitution de Mohamad Morsi, plus d’une dizaine d’initiatives émanant de personnalités importantes ont tenté de parvenir à un consensus. Aucune n’a été sérieusement considérée : toutes sont tombées dans l’oubli en quelques jours, faute de soutien réel.

Les consensus
Muettes sur le sort de Morsi, toutes les initiatives proposées ont été rejetées par la coalition du soutien à la légitimité. (Photo : Al-Ahram)

8 juillet, initiative d’Al-Nour

Le parti salafiste Al-Nour a été le premier à présenter une initiative de réconciliation, en proposant de former un comité de sages sous les auspices d’Al-Azhar. Son plan prévoyait de regrouper l’ensemble des forces politiques et l’armée. L’initiative n’a eu aucun écho.

25 juillet, initiative

de Hicham Qandil

Premier ministre sous Morsi, Hicham Qandil avait proposé une initiative de 3 phases. Une première période consistait à libérer tous les détenus arrêtés depuis le 30 juin, à geler les procès en cours, à mettre fin au gel des fonds des Frères musulmans, à calmer les médias, à former une commission d’enquête indépendante sur la mort de 50 personnes devant la Garde républicaine et à autoriser une délégation pour rendre visite à Mohamad Morsi, afin de s’enquérir de ses conditions de détention. La deuxième phase consistait à préserver les institutions de l’Etat tout en s’engageant à reconnaître la légitimité du président déchu. La dernière consistait à discuter de la feuille de route du général Al-Sissi. L’initiative est restée lettre morte.

27 juillet, initiative

de Sélim Al-Awa

Contrairement aux précédentes, cette initiative a fait la une de tous les médias. Elle fut l’oeuvre d’un groupe de penseurs, comprenant notamment Sélim Al-Awa, Tareq Al-Bichri, Mohamad Emara et Fahmi Howeidi. Selon ses termes, la démission du président Morsi sera accompagnée du transfert de ses pouvoirs constitutionnels à un premier ministre consensuel auquel reviendra la mission de lancer le processus de transition, lequel comprendra des élections législatives et présidentielles anticipées en vertu des articles 141 et 142 de la Constitution de 2012. Bien qu’elle soit saluée par plusieurs courants politiques avec en tête Al-Nour, elle n’a jamais été véritablement prise au sérieux par les autorités au pouvoir.

3 août, initiative

de Mohamad Hassane

Des théologiens proches de la mouvance salafiste, avec à leur tête le célèbre prédicateur Mohamad Hassane, ont également proposé une initiative. Elle reprend dans son ensemble celles qui ont précédé, mais s’abstenant d’évoquer un retour ou une reconnaissance de Mohamad Morsi. Les Frères ont déclaré leur opposition à cette initiative, ne voulant pas renoncer à leurs conditions concernant le retour de Mohamad Morsi, la réactivation de la Constitution de 2012, le retour du Parlement et l’ouverture de procès contre les responsables des meurtres des partisans des Frères.

6 août, initiative

d’Aboul-Foutouh

Importante par la personnalité qui l’a présentée plutôt que par son contenu, elle reste semblable à celles qui ont précédé. Le leader du parti Egypte forte, Abdel-Moneim Aboul-Foutouh, et ancien candidat à la présidentielle, a rendu publique une initiative qui propose le retour à la Constitution de 2012, le retour provisoire du président Morsi le temps d’appeler à une élection présidentielle anticipée, la libération des prisonniers politiques et la démission du ministre de l’Intérieur et de tous les responsables de la Sûreté d’Etat qui ont été réintégrés à leurs postes depuis la destitution de Morsi. En échange, les Frères musulmans s’engageront à éviter toutes sortes de violence dans leurs rassemblements, à condamner toutes formes de violence — surtout celles dans le Sinaï — et enfin à éviter tout discours sectaire.

11 août, initiative d’Al-Azhar

Rassembler autour d’une même table toutes les forces politiques qui ont présenté des initiatives pour une réconciliation, sans exception aucune, était l’initiative d’Al-Azhar. Cette initiative consistait à « écarter toute proposition pouvant entraver un rapprochement pour s’entendre sur une formule consensuelle, après l’approbation des différentes parties ». Cette proposition, qui aurait dû avoir lieu sous la présidence du grand imam d’Al-Azhar, cheikh Ahmad Al-Tayeb, a été rejetée par les Frères musulmans qui déclarent ne pas reconnaître la légitimité du grand imam. Trois jours après, et alors qu’Al-Tayeb menait des pré-négociations pour cette réunion élargie, la dispersion des sit-in des Frères est intervenue, reportant cette initiative aux calendes grecques.

22 août, initiative

de Ziad Bahaeddine

Première issue du camp libéral, cette initiative a suscité de nombreux débats à cause de la personnalité de son initiateur plus qu’autour des propositions qu’elle renferme. Ziad Bahaeddine, vice-premier ministre, proposait « une solution politique qui doit aller nécessairement de pair avec les mesures sécuritaires ». Jeter la balle dans le camp du gouvernement était peut-être l’objectif de cette initiative, qui cite dans la plupart de ses 12 points « des exigences pour le gouvernement » afin de garantir la participation à la vie politique de toutes les tendances politiques, les droits civils pour tous les citoyens, le droit de manifester pacifiquement. Quant à l’autre partie, elle doit renoncer à la violence et suivre une feuille de route. Muette sur le sort de Morsi, cette initiative a été rejetée par la confrérie.

28 août, initiative

de Abboud Al-Zomor

Dans cette initiative, Abboud Al-Zomor, membre du conseil de la choura de la Gamaa islamiya, propose un « plan d’accalmie de la crise en quatre étapes ». Lever l’état d’urgence, cesser d’adresser des accusations vagues, accalmie médiatique et libération des femmes détenues. Deux jours après cette initiative, le parti de la Construction et du développement, aile politique de la Gamaa islamiya, déclare le gel de cette initiative qui donne une légitimité au régime actuel. Cette initiative n’émane en fin de compte que d' Al-Zomor.

12 octobre, initiative

de Kamal Aboul-Magd

Juriste et penseur islamique, Mohamad Kamal Aboul-Magd a proposé « 5 conditions pour relancer le dialogue national ». Parmi ces points, il propose de s’accorder sur une solution basée sur la Constitution de 2012 après son amendement, d’arrêter toutes formes d’escalades et de poursuites sécuritaires contre les manifestations pacifiques et de coopérer avec les forces armées.

Cette initiative s’est confrontée à une opposition de tous bords. Les forces politiques y voyaient une tentative de sauver les Frères. Par ailleurs, et bien qu’Aboul-Magd ait assuré qu’il avait lancé cette initiative après l’approbation des Frères musulmans, la coalition du soutien de la légitimité avec les Frères publie un communiqué accusant Aboul-Magd de « non-neutralité ». Aboul-Magd accuse alors les dirigeants des Frères d’être derrière l’échec de son initiative.

16 novembre, initiative de Ezzeddine Choukri Fishere

Sur sa page Facebook, Fishere, responsable de la commission de réconciliation nationale au Conseil des ministres, publie une initiative en 7 points. Le plan suggère que Morsi déclare avoir accepté de démissionner de son poste en réponse à la volonté du peuple et que le guide suprême de la confrérie, Mohamad Badie, déclare la dissolution de la confrérie et dévoile ses sources de financement, intérieure et extérieure. Les Frères musulmans doivent présenter des excuses pour ce qui s’est passé pendant les 3 dernières années. De même, l’initiative propose la libération de tous les détenus qui ne sont pas impliqués dans des actes de violence, et l’amendement de la loi d’exercice des droits politiques de façon de permettre aux membres de la confrérie libérés de s’engager librement dans la vie politique. C’est l’initiative la plus équilibrée selon beaucoup de forces politiques. Mais elle est restée lettre morte.

21 novembre, initiative

de Mohamad Ali Bechr

L’ex-ministre du Développement local et cadre important des Frères, Mohamad Ali Bechr, proposait d’organiser un référendum sur les deux feuilles de route : la première est celle annoncée par le président Morsi avant sa destitution, et l’autre celle imposée par le général Abdel-Fattah Al-Sissi. Il conditionne, pour que la coalition accepte ce référendum, la nécessité de « présenter des garanties, la réouverture des chaînes satellitaires islamiques et la libération des détenus ».

Lien court:

 

En Kiosque
Abonnez-vous
Journal papier / édition numérique