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Diaa Rachwane : « C’est un sujet compliqué qui nécessite une approbation internationale »

Samar Al-Gamal, Mardi, 10 septembre 2013

Diaa Rachwane, spécialiste des mouvements islamistes et directeur du Centre des Etudes Politiques et Stratégiques (CEPS) d’Al-Ahram, estime que les appels à considérer la confrérie des Frères musulmans comme un mouvement terroriste font partie de la surenchère politique.

Diaa Rachwane
Diaa Rachwane, spécialiste des mouvements islamistes et directeur du Centre des Etudes Politiques et Stratégiques (CEPS) d’Al-Ahram.

Al-ahram hebdo : Depuis l’évacuation des sit-in des Frères, le discours officiel assimile la confrérie au terrorisme, laissant prévoir une éventuelle intégration du mouvement sur la liste des organisations terroristes. Est-ce que ceci vous semble faisable ?

Diaa Rachwane : C’est un discours adopté par certains qui éprouvent une hostilité excessive envers la confrérie, en particulier au sein des services de sécurité. Une partie de ce discours est liée à la surenchère politique, et une autre partie est liée à la performance des Frères musulmans eux-mêmes et aux images montrant des armes dans leur sit-in. Mais il est impensable qu’à chaque fois qu’un régime fait face à un adversaire politique, il tente de le qualifier de terroriste.

Aborder ce sujet est une perte de temps et d’efforts, puisqu’une telle classification n’est pas une décision interne. C’est un sujet compliqué qui nécessite avant tout une approbation internationale, surtout des grandes puissances.

— Un appui international est-il prévu, selon vous ?

— La position des grandes puissances est sujette à leurs propres intérêts, et elle est souvent biaisée. La classification n’est pas faite, à l’exception de l’Onu, par des autorités compétentes. C’est le traditionnel débat sur la différence entre résistance et terrorisme qui prime.

C’est le cas du Hezbollah, du Hamas ou du parti kurde en Turquie.

— Selon vous, une liste locale ne suffirait-elle pas, à l’instar de la Tunisie qui vient de classer Ansar Al-Charia comme un mouvement terroriste ?

— Ansar Al-Charia est liée de façon claire à Al-Qaëda au Maghreb, laquelle est affiliée au mouvement de Ben Laden et figurant déjà sur la liste de plusieurs pays et de l’Onu avec un comité spécial de sanctions. L’Egypte n’est pas encore citée dans cette liste.

— Même avec la Gamaa islamiya et le Djihad impliqués dans des attentats terroristes dans les années 1990 ?

— L’Egypte n’a jamais demandé l’inscription d’une organisation sur ce genre de liste. Durant les années 1990, la lutte contre le terrorisme n’avait pas cette dimension internationale. Les choses ont changé depuis 2001, et à cette époque, nous avions terminé avec le terrorisme. Les leaders djihadistes en prison à ce moment-là ont décidé de revoir leurs idées et de rejeter la violence.

Et le malentendu qui opposait Le Caire à Londres ne concernait pas la classification, mais l’extradition des membres de ces organisations qui ont trouvé refuge en Angleterre. Plus tard, le Djihad égyptien va figurer sur la liste des organisations terroristes à cause d’Aymane Al-Zawahri et Al-Qaëda, puis à cause de certains dirigeants de la Gamaa islamiya, et non pas tout le mouvement, après leur alliance avec Ossama Ben Laden, dit « Front islamique mondial pour le djihad contre les juifs et les croisés ».

— Les opposants aux Frères estiment qu’il n’est jamais trop tard et que Le Caire pourrait aujourd’hui créer alors sa propre liste ...

— Les partisans de cette idée ne comprennent pas la signification d’un tel classement. La liste en tant que telle n’est pas importante. Ce sont les implications et mesures qui en découlent qui comptent : comme les sanctions, le gel d’avoirs et les interdictions de voyager. Pratiquement, ce n’est pas faisable en Egypte, avec plusieurs centaines de milliers de Frères musulmans. Et c’est d’autant plus dangereux pour le pays, car il poussera les plus modérés vers le camp des plus radicaux, alors qu’il faut tenter de les dompter et de les intégrer dans la société à travers la dissolution de la confrérie et sa division en plusieurs ONG. Il faudra que leurs comptes soient sous le contrôle des autorités et que leur parti politique soit gardé. Ce n’est pas une invention, les Frères en Tunisie et au Maroc ont fait la même chose.

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